Du 2 juin 2016 au 4 juin 2016
Marseille, Villa Méditerranée, Mucem
Le colloque « A la recherche des Balkans : entre Europe et Méditerranée ? » fait suite aux rencontres « Etudes balkaniques : état des savoirs et pistes de recherche » organisées à Paris en novembre 2002 autour de l’Association française d’études sur les Balkans (AFEBALK). L’objectif de cette nouvelle manifestation est de dresser un état de la recherche sur cette région au prisme des manières plurielles d’y pratiquer les sciences sociales. Près de quinze ans après la précédente manifestation, un nouveau jalon doit en effet être posé dans les études sur les Balkans contemporains en France. Nombre de problématiques d’alors (minorités, conflits, frontières, coexistence interconfessionnelle, etc.), qui avaient souvent contribué à particulariser les Balkans, comme un espace « à part » en Europe, ont aujourd’hui cédé la place à de nouvelles perspectives, de nouveaux enjeux et de nouvelles pratiques de recherche. Ce nouveau « retour des Balkans » sur le devant de la scène européenne se manifeste par des moments particuliers tels que l’entrée de certains pays dans l’Union européenne (Bulgarie et Roumanie en 2007, Croatie en 2013), par les perspectives d’adhésion d’autres (Serbie, Monténégro, République de Macédoine, etc.), mais aussi par un ensemble d’événements de grande portée, tels que le déclenchement de la crise financière en Grèce et ses effets globaux, ou encore les processus migratoires massifs et dramatiques que connaît actuellement l’ensemble du sud-est européen. Chacun à sa façon, ces moments ont permis de comprendre que la région était à la fois soumise aux mouvements continentaux (les nouvelles adhésions à l'UE) et à la mondialisation (la propagation de la crise, migrations). Cette inclusion des sociétés des Balkans dans des processus plus vastes est accompagnée par les nombreuses transformations qui ont touché le quotidien de ses habitants au cours des dernières décennies.
Ainsi, au delà de la question « Les Balkans sont-ils encore d’actualité ? », question rhétorique à l’heure de la crise grecque, des enjeux migratoires, des processus d’adhésion et de recompositions géopolitiques à l’Est et au Sud de l’Europe, on peut se demander en quoi le Sud-est européen constitue toujours un observatoire efficace pour comprendre des dynamiques sociales plus générales qui affectent le continent européen comme la région méditerranéenne. Cette perspective élargie, entre Europe et Méditerranée, permettra aussi de relire la position des Balkans, non plus comme un espace « à part », marqué par des particularités historiques et sociales déterminantes dans son traitement, mais comme une région en prise avec des processus plus globaux que sa position contribue à révéler, et dont les spécificités permettent d’éclairer, parfois même avec plus d’acuité, certains aspects particuliers. Cette perspective a également pour objectif d’interroger à nouveaux frais le statut souvent ambigu des travaux sur les Balkans au sein des études méditerranéennes et des recherches sur l’Europe. La période de la Guerre froide a en effet longtemps orienté ces recherches vers des thématiques communes au monde soviétique, alors que les troubles politiques des années 1990 et l’ouverture des frontières balkaniques ont donné lieu à des interrogations aussi vaines que persistantes sur l’« identité » ou sur la « définition » des Balkans, souvent vus dans cette perspective comme irrémédiablement particuliers. De manière générale, les tentatives de penser en pleine conscience l’inclusion de cette région dans des ensembles plus vastes sont demeurées jusqu’à présent rares et idéologiquement marquées par le prisme des nationalismes ou du particularisme culturel.
Ce type de questionnements recèle pourtant des enjeux épistémologiques et méthodologiques majeurs : l’articulation des échelles (local, national, régional, global) et des focales d’analyse (selon et dans les disciplines), la variété des pratiques du terrain (travailler sur/dans plusieurs pays, travailler sur les réseaux et/ou les territoires), l’identification nécessaire de nouveaux lieux/mondes sociaux, le renouvellement des objets déjà habituels des « études balkaniques » (de l’histoire ottomane aux questions d’européanisation) ou encore la dimension interdisciplinaire et les modes de production scientifique ouverts sur d'autres champs (recherche appliquée, expertise, science, développement, art) conduisant à l’élaboration de nouveaux modes d'écriture et de restitution. Souligner ces différents aspects de la recherche est ainsi une condition indispensable pour brosser un tableau actuel et fidèle de la pratique des sciences sociales dans les Balkans (d') aujourd'hui, à l’intérieur comme à la marge de la recherche académique. A travers cette principale question, l’ambition du colloque sera donc de mettre en perspective les manières d’aborder la recherche dans/sur cette région et de montrer comment elles sont susceptibles d’engager une réflexion plus vaste, concernant la pratique des sciences sociales sur l’Europe ou sur la Méditerranée.
Au delà de la mobilisation d’équipes locales d’Aix-Marseille Université (Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme, LabexMed, MuCEM et Villa Méditerranée), de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC), de Lyon (CREA et EVS) et du CETOBAC (EHESS, CNRS et Collège de France), ces rencontres visent à constituer un nouveau jalon permettant de revaloriser l’activité de l’Association française d’études sur les Balkans (AFEBALK) comme forum et lieu d’échanges transdisciplinaires pour les chercheurs travaillant en France, régulièrement comme occasionnellement, sur les pays du Sud-est européen. C’est la raison pour laquelle ce colloque fera aussi une place aux parcours personnels et institutionnels des intervenants, à des tables rondes visant à débattre de l’actualité des études balkaniques ainsi qu’à des échanges plus larges avec le public sur ces questions lors de séances largement ouvertes.