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Billet de blog 3 août 2025

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L’emprise de la « nostalgérie » : l’attentat du Petit-Clamart, en août 1962

Il y a 63 ans, le 22 août 1962, des partisans de l'Algérie française commettaient la plus grave tentative d'assassinat contre un chef d'Etat français, depuis la Libération.

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Vers 20h, le mercredi 22 août 1962, le Général de Gaulle rejoint la base aérienne de Villacoublay, pour retourner en villégiature à Colombey-les-deux-Eglises (52) (1). Deux trajets sont envisagés par son service de sécurité. Il passe par Clamart, où, avenue de la Libération, il est victime d’une tentative d’assassinat, le plus grave attentat contre un Président français, depuis la Deuxième Guerre mondiale.

« Des rafales de pistolets mitrailleurs partent d'une camionnette Estafette jaune, aux vitres latérales blanchies à la chaux, semble-t-il, et rangée sur le côté droit de la chaussée de l'avenue de la Libération, peu après la rue de La Bourcilière. Les balles atteignent les voitures du cortège, deux d'entre elles percent le casque d'un des deux motard, une autre traverse le pare-brise d'un automobiliste, […] qui est blessé à un doigt », écrit Le Monde (1).

Finalement, le sang-froid du chauffeur et du gendre du Général de Gaulle permettent à la voiture du chef de l’État et à ses occupants de gagner Villacoublay, en ayant échappé à la mort. « De cent vingt à cent cinquante balles avaient été tirées et une douzaine ont atteint la voiture présidentielle » (1).

La Cour militaire de justice siège en février-mars 1963 et condamne notamment Jean-Marie Bastien-Thiry, Alain de Bougrenet de la Tocnaye et Jacques Prévost pour tentative de meurtre avec guet-apens, attentat contre l'autorité de l'État avec usage d'armes et infractions à la législation sur les armes, les munitions et les explosifs (2). Bastien-Thiry est le dernier fusillé de l’histoire de France.

Cet attentat est le plus grave d’une série d’attaques contre De Gaulle, depuis son retour au pouvoir le 1er juin 1958 (3).

Pour rappel, en avril 1958, l’acceptation, par le gouvernement français, d’une médiation anglo-américaine, en vue de la reprise des relations diplomatiques avec la Tunisie et son engagement, par voie de conséquence, dans un processus d'internationalisation du conflit algérien, provoque sa chute (4). Le 13 mai, à Alger, l'armée met en place un comité de sałut public. Le 1er juin, le Général de Gaulle accepte de solliciter l’investiture de l’Assemblée nationale et devient président du conseil.

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 donne un pouvoir constituant au nouveau gouvernement. La Constitution de la Ve République, rédigée par un groupe de travail dirigé par Michel Debré, est approuvée largement par référendum, par les Français, le 28 septembre 1958. Elle est promulguée le 4 octobre et est toujours en vigueur (4).

Le conflit algérien demeure cependant un problème majeur. Le 22 avril 1961, quatre généraux ont d’ailleurs tenté un nouveau putsch à Alger (3).

Mais, le 19 mars 1962, un accord de cessez-le-feu est signé pour ouvrir une « période transitoire ouvrant sur le référendum d’autodétermination » (5). C’est ce processus qui n’est pas accepté par les auteurs de l’attentat du Petit-Clamart. Le mot de « nostalgérie » est employé par l’historien Alain Ruscio, pour désigner l’idéalisation du passé colonial français en Algérie (6). Il établit le bilan humain des actions de l’Organisation Armée Secrète (OAS), fer de lance de la « nostalgérie » « à une fourchette de 1 600 à 2 400 morts [...] généralement admise, dont 80 % à 85 % de « musulmans » ». La majorité est tuée en Algérie.

« Certes, dans les flots de sang et de douleur que créa la guerre d’Algérie, dans le décompte des centaines de milliers de morts de ce conflit, ces chiffres peuvent paraître minimes. Mais il s’est agi là non de combattants, mais de victimes, désignées par des comités secrets, tombées sans avoir même eu le temps de se défendre, abattues dans la rue, aux domiciles, arrachées de cellules de prisons, voire achevées dans des ambulances ou des lits d’hôpitaux » (6).

Qui assure cette emprise ? La Revue Historique des Armées dresse un très intéressant portrait de groupe des militants de l’OAS (7). Les soldats représentent la majorité des dirigeants de l’OAS et un tiers de ses membres. Quentin Lenormand distingue trois groupes, parmi les militaires :

  • « la génération qui a connu la deuxième guerre mondiale (23 % des prévenus), dont les membres ont 35 ans au moins en 1962. Ce sont en immense majorité des officiers, principalement des colonels, originaires de métropole à 78 %, qui ont combattu en 1940 avant de suivre trois trajectoires différentes : l’emprisonnement en Allemagne, la Résistance ou l’armée française reconstituée en Afrique du Nord. […] C’est dans cette catégorie que l’on retrouve ceux qui forment le noyau central et structurant de l’OAS au côté des civils les plus influents […] Ce sont souvent des personnalités en vue dans le milieu militaire des années 1940 et 1950, en raison de leur carrière et du rôle qu’ils ont joué au sein de forces armées engagées dans les conflits coloniaux : les deux tiers d’entre eux sont détenteurs de la Légion d’honneur » (7) ;
  • « la génération d’après-guerre, dont l’âge est compris entre 24 et 25 ans, qui ont fait leurs premières armes en Indochine avant de poursuivre leur carrière en Algérie [...] On y trouve les lieutenants et les capitaines subordonnés aux échelons supérieurs de l’OAS qui jouent un rôle central dans les derniers mois de la présence française en Algérie » ;
  • « viennent enfin ceux qui ont vingt ans en 1960, soit près de la moitié des prévenus, qui n’ont donc connu que l’Algérie. La proportion de Pieds-noirs y est supérieure à la moyenne […] La part de ceux condamnés pour des actions violentes y est supérieure à la moyenne et dans la grande majorité des cas (80 %), cela concerne des faits commis en Algérie, donc avant l’indépendance et l’été 1962 » (7).

Qu’est-ce qui motive la pression qu’ils entendent maintenir sur les militants et soutiens de l’indépendance algérienne ? La lutte contre le communisme, « la promesse faite par certains officiers après le 13 mai 1958 aux musulmans d’Algérie, et notamment aux Harkis, que la France se maintiendra en Algérie coûte que coûte », ou encore la défense de la terre natale, pour les Pieds-noirs (7).

Après l’attentat du Petit-Clamart, Charles de Gaulle obtient, par référendum, l’intégration, dans la Constitution de 1958, de l’élection du Président de la République, au suffrage universel direct (8).

*****

Crédits et sources :

(1) Le Monde. « 1962 : l’indépendance algérienne : Les circonstances de l’embuscade contre le général de Gaulle », 24/08/1962. Url : https://www.lemonde.fr/archives/article/1962/08/24/les-circonstances-de-l-embuscade_2356060_1819218.html

(2) Le Monde. « Le procès des conjurés du Petit-Clamart s'ouvrira le 28 janvier », 21/01/1963. Url : https://www.lemonde.fr/archives/article/1963/01/21/le-proces-des-conjures-du-petit-clamart-s-ouvrira-le-28-janvier_2225662_1819218.html

(3) Le Monde. « Les précédentes tentatives d'attentat contre le président de la République », 24/08/1962. Url : https://www.lemonde.fr/archives/article/1962/08/24/les-precedentes-tentatives-d-attentat-contre-le-president-de-la-republique_2355634_1819218.html

(4) Gicquel, Jean et Gicquel, Jean-Eric. Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien/Lextenso (2011) (pp. 493-503).

(5) Bobin, Frédéric. « Les 60 ans des accords d’Evian : dans les coulisses des pourparlers de paix » in Le Monde, 18/02/2022. Url : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/18/les-60-ans-des-accords-d-evian-dans-les-coulisses-des-pourparlers-de-paix_6118017_3212.html

(6) Ruscio, Alain. « Annexe. Le bilan humain des actions de l’OAS ». Nostalgérie L'interminable histoire de l'OAS, La Découverte, 2015.

(7) Lenormand, Quentin. « Au-delà du Rubicon : prosopographie d’une dissidence militaire à la fin de la guerre d’Algérie (1961-1964) ». Revue Historique des Armées, 2023/4 N° 311, 2023. Url : http://shs.cairn.info/revue-historique-des-armees-2023-4-page-89?lang=fr

(8) Garrigues, Jean. « Le référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel ». Cahiers français, 2022/6 n°430, 2022. Url : http://shs.cairn.info/magazine-cahiers-francais-2022-6-page-119?lang=fr

(9) A écouter aussi :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/l-attentat-du-petit-clamart-en-1962-2980277

et

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/tuer-de-gaulle-l-attentat-du-petit-clamart-6934382

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