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Billet de blog 6 septembre 2025

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Représenter l'emprise : L'Amour et les Forêts

"L'Amour et les forêts" est à la fois un grand livre (1) et un grand film (2) sur l'emprise mentale, notamment amoureuse. Je vous conseille de lire ou voir les deux, car ils sont différents. Toutefois, je n'ai pas envie de dévoiler leurs trames.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À travers quelques citations du livre, je préfère montrer le portrait qu'il dresse de la victime (féminine) d'emprise.

Je souhaite insister aussi sur les voies de sortie d'emprise qu'il suggère : la sororité, la relativisation du prince charmant et la réalisation d'œuvres.

"Mon frère est un homme qui parle peu, qui est timide, logique et modéré. Un grand scientifique, s'aventurant rarement sur les terrains sensibles, sentimentaux."
Mais, c'est la sœur qui tombe sous emprise.

"Je ne suis pas comme ma jumelle, je ne suis pas au service des autres. Je reconnais que je suis égoïste. Nous n'avions pas du tout le même caractère, elle a toujours été plus fragile. Plus fragile mais aussi plus dévouée et généreuse que je ne l'étais. Il fallait voir comment elle défendait les autres, à l'école, quand elle était déléguée de classe. Elle se battait comme une furie et jusqu'au bout, mais elle, en revanche, elle était incapable de se défendre elle-même. Si on veut être heureux, il faut aussi penser un peu à soi. Ca, Bénédicte, elle ne l'a jamais compris, elle pensait que son bonheur passait par le bonheur des autres. C'est ce qui nous a toujours différenciées, mais cette tendance s'est encore accentuée avec l'âge - elle a atteint son paroxysme lors de son second mariage. Pareil avec ses enfants, elle leur donnait beaucoup et elle en attendait autant en retour, elle investissait énormément d'énergie dans leur éducation, il fallait toujours qu'ils soient à leur maximum sinon elle se fâchait."

"J'ai toujours connu ma jumelle inquiète et angoissée, idéaliste, terriblement exigeante vis-à-vis des autres et d'elle-même, tourmentée par la crainte de ne pas accéder plus tard à la vie dont elle rêvait."

"Elle était plus intérieure que moi, plus intérieure et moins physique, plus angoissée. Encore que, dans sa jeunesse, elle ait été d'une nature plus expansive qu'elle ne l'est devenue par la suite. Elle était vraiment joyeuse, quand elle était adolescente, je vous assure. Rigolote, provocatrice. A l'école, quand nous étions enfants, elle n'avait pas sa langue dans sa poche. Plus tard, elle était toujours la première à vouloir sortir et faire la fête, le samedi soir. Qui aurait pu le croire, ces dernières années ?"
[...] Je me souviens qu' épiphanie et extatique étaient des mots qui revenaient souvent dans ses propos. Elle recherchait I'intensité. elle aimait pouvoir se dire qu'elle était en train de vivre quelque chose de rare, de fort, de beau. Elle voulait pouvoir se convaincre qu'elle était sur le bon chemin et que ce chemin. si elle le suivait jusqu'au bout, la mènerait dans une vie conforme å ses attentes les plus élevées, une vie incandescente. C'était vraiment une obsession, chez elle, se connecter au monde sensible, comme si le monde sensible et lui seul pouvait transmettre à ma jumelle le sentiment qu'elle existait."

"Elle s'était sentie autorisée à attendre beaucoup de l'existence, car elle avait toujours suivi son chemin avec foi et ferveur, guidée par l'idée simple que si l'on vit les choses sincèrement, avec droiture, sans dévier, concentrée, au plus près de ses intimes convictions, sans se parjurer ni se mentir ni faire de concessions, la réalité n'est pas en mesure de vous décevoir."

Elle "avait besoin, pour vivre, d'être dépendante affectivement, moyennant quoi elle pouvait trouver la force d'être seule, voire solitaire, sauvage, au quotidien. C'est ce que son mariage lui a procuré, être dépendante affectivement."

"Elle avait voulu aller décrocher le bonheur haut dans le ciel, très haut, en présumant de ses forces et de la bienveillance de la réalité à son égard, elle s'était brûlé les ailes."

"Comme si la place qui lui convenait le mieux était celle de candidate, la place de la personne qui se mesure aux autres par le savoir et la performance individuelle. Concentrée, elle avançait avec prudence dans ce parcours de schématisation identitaire, cochant les cases qui lui semblaient les plus opportunes par rapport au caractère circonstanciel de sa démarche, optant pour l'euphémisme ou se livrant à de minimes ajustements, décidant en dernier recours de ne pas répondre aux questions les plus délicates, afin de compromettre le moins possible ses chances de réussite."

"Mais la vraie raison de sa discrétion était qu'elle ne pouvait évoquer le traitement qu'elle subissait de la part de son mari sans révéler du même coup ce qu'était son existence depuis de nombreuses années : un désastre. Or, non seulement elle n'en avait jamais parlé à personne, mais elle s'efforçait de faire croire à tout le monde que leur couple fonctionnait à merveille, qu'ils étaient parvenus, Jean-François et elle, contrairement à la majorité des gens, à perpétuer l’émotion initiale, l'attirance sexuelle, le désir d'être ensemble. Les ambitions qu'elle attachait au devenir de son couple avaient toujours été tellement élevées qu'elle n'avait jamais pu se résoudre à ne pas afficher, au regard de l'extérieur, même quand les choses n'avaient plus les apparences d'une réussite." 

*****

Crédits et sources :

(1) Reinhardt, Eric. L'Amour et les Forêts, Gallimard (2014).

(2) Donzelli, Valérie. "L'Amour et les Forêts". Production Girard,Alice et Weil, Edouard (2023). Fiche IMDb :  https://www.imdb.com/fr/title/tt23049206/mediaindex/

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