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Billet de blog 12 juin 2025

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Peut-on librement ouvrir un cabinet de psychothérapeute ?

En France, en 2025, l'accès au titre de psychothérapeute est encadré juridiquement. Mais, historiquement, la médecine s'est d'abord développée dans un cadre libéral. La psychiatrie a, en outre, souffert d'un moindre investissement dans la recherche fondamentale. Enfin, le secteur n'est jamais allé jusqu'à la création d'un ordre des psychologues.

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François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’Intérieur, le rappelle, dans le dernier rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) (1) : « face aux dérives sectaires, l’État est pleinement mobilisé pour mieux protéger les Français » (p. 3).

Cette protection commence par l’existence de la Miviludes elle-même, dont la genèse est présentée, dans le rapport : « après la mobilisation de plusieurs associations, le rapport du député Alain Vivien, remis au Premier ministre en 1983, a dressé un premier bilan du phénomène sectaire. Il identifiait une dizaine de groupes présentant des risques pour les individus et leurs biens et recommandait la création d’un observatoire interministériel sur les sectes, qui a vu le jour en 1996. Succédant en 2002 à cet observatoire, la Miviludes […] est chargée d’analyser le phénomène sectaire, de coordonner l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre de ces agissements, de répondre aux signalements et aux demandes d’informations qui lui sont adressés et d’informer le public sur les risques encourus » (p. 14).

Toutefois, la protection des citoyens comporte plusieurs aspects, à la fois préventifs et répressifs. Je voudrais aborder aujourd’hui la question de l’encadrement juridique de la profession de psychothérapeute.

Rappelons, tout d’abord, quelques définitions. La santé est « l’état physiologique normal de l'organisme d'un être vivant, en particulier d'un être humain qui fonctionne harmonieusement, régulièrement, dont aucune fonction vitale n'est atteinte, indépendamment d'anomalies ou d'infirmités dont le sujet peut être affecté » (2). La santé publique est : « la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et de promouvoir la santé et l’efficacité physiques à travers les efforts coordonnés de la communauté pour l’assainissement de l’environnement, le contrôle des infections dans la population, l’éducation de l’individu aux principes de l’hygiène personnelle, l’organisation des services médicaux et infirmiers pour le diagnostic précoce et le traitement préventif des pathologies, le développement des dispositifs sociaux qui assureront à chacun un niveau de vie adéquat pour le maintien de la santé » (3). Alors que la médecine clinique traite des malades, la santé publique s’intéresse d’abord à la santé, qu’elle essaie de préserver et de promouvoir pour des collectivités dans le cadre de dispositifs publics (4).

Ainsi, l’encadrement de la profession de psychothérapeute relève de la santé publique, avant même de relever de la prévention des dérives sectaires.

Mais, « définir ce qu’est un médecin à travers l’histoire n’est pas une chose évidente. D’autant plus que le monopole relatif dont jouissent aujourd’hui les praticiens n’est que très récent au regard de l’évolution de la médecine » (5).

La médecine est d’abord une profession libérale, dont l’encadrement connaît un tournant en 1958 (6). L’ordonnance n°58-1373 du 30 décembre 1958, relative à la création de centres hospitaliers et universitaires (CHU), à la réforme de l'enseignement médical et au développement de la recherche médicale et les textes d’application y afférent, conduit les étudiants en médecine à alterner cours théoriques en faculté et stages hospitaliers, à partir de 1961.

Le concours d’externat est supprimé quand le concours d’internat est maintenu. La création des CHU entraîne la fusion des carrières universitaire et hospitalière. Un fonctionnariat médical est créé par le temps plein hospitalier - le médecin salarié de l’hôpital peut toutefois conserver une clientèle privée en quantité restreinte. Enfin, les sciences fondamentales (biologie et chimie) prennent une place plus importante dans le programme des études de médecine. La concentration des financements rapproche la recherche fondamentale de la pratique clinique, alors qu’auparavant la première tendait à être défavorisée au profit de la seconde.

Toutefois, « le développement de médicaments en psychiatrie [prend] beaucoup de retard par rapport aux autres spécialités médicales, avec très peu de nouveaux médicaments développés [depuis les années 1970]. Cette situation perdure malgré les énormes progrès de la recherche dans la compréhension du cerveau normal ainsi que dans la compréhension des troubles psychiatriques majeurs, tels que les dépressions, les troubles bipolaires, les schizophrénies, ou les troubles du spectre de l’autisme. En conséquence, les médecins utilisent toujours les mêmes médicaments, souvent découverts par hasard, il y a des décennies, et dont la plupart ont une efficacité modérée et des effets secondaires non négligeables » (7).

Autrement dit, « les stratégies diagnostiques utilisées en psychiatrie sont restées en grande partie inchangées pendant des décennies, reposant sur des évaluations subjectives des signes et des symptômes classés à l’aide des critères des manuels diagnostiques que sont le DSM-5 (diagnostic and statistical manual of mental disorders-5) ou la CIM-11 (Classification internationale des maladies-11). Ces approches produisent des entités diagnostiques catégorielles, chevauchantes, hétérogènes, dépourvues de biomarqueurs objectifs, ce qui conduit à des stratégies thérapeutiques ayant une spécificité limitée, mais surtout ne ciblant pas de mécanismes étio-pathogéniques précis » (7).

Les premiers psychologues apparaissent en 1921. Mais, l’accès au titre unique de psychologue n’est réglementé qu’en 1985 (8).

Depuis le 9 août 2004, l’article 52 de la loi n°2004-806 relative à la politique de santé publique dispose qu’ « un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s'inscrire au registre national des psychothérapeutes. [...] L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse ».

L'article 1 du décret n°2010-534 du 20 mai 2010 relatif à l'usage du titre de psychothérapeute dispose que « l'inscription sur le registre national des psychothérapeutes mentionné à l'article 52 de la loi du 9 août 2004 est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d'un stage pratique d'une durée minimale correspondant à cinq mois effectué dans les conditions prévues à l'article 4. [...] ».

Ainsi le Répertoire Partagé des Professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS) est consultable en ligne (9).

Ce contrôle a priori est-il suffisant ? Le dernier rapport de la Miviludes (1), indique que : « détournant les règles sur l’usage du titre de psychothérapeute ou exploitant les difficultés à faire appliquer la réglementation, des pseudo-praticiens [...] exploitent la confiance qu’ils inspirent et entretiennent la confusion sur l’utilité de leurs pratiques, parfois en utilisant des titres non reconnus par l’État (psycho-praticien, psy-conseil, psycho-énergéticien, etc.) qui ne permettent pas aux patients de douter de leur qualification médicale » (p. 101).

J’aborderai, dans de prochains billets, le contrôle a posteriori des psychothérapeutes et l’information en santé. Notez, toutefois, que le portail des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) présente troubles psychiques et psychothérapies, de façon très succincte mais à partir de sources vérifiées et « faisant autorité » (10)

Illustration 1
Rappel réglementaire sur la psychothérapie en France

*****

Crédits et sources :

(1) Miviludes. Rapport d'activité 2022- 2024 : des signalements en hausse. Url : https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/publications-de-la-miviludes/rapports-annuels/rapport-dactivit%C3%A9-2022-2024-des-signalements-en-hausse

(2) Pierrel, Jean-Pierre (responsable). « Définition de santé ». Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Url : https://www.cnrtl.fr/definition/santé

(3) Fassin, Didier. « Qu’est-ce que la santé publique ? » in Faire de la santé publique, sous la direction de Fassin, Didier, Presses de l’EHESP (2008).

(4) Rasmussen, Anne, « Nouvelles questions à l’histoire de la santé, du XXIe au XIXe siècle, et retour » in Histoire, médecine et santé n°15, (2020). Url : https://doi.org/10.4000/hms.1903

(5) Perez, Stanis. « Introduction » in Histoire des médecins. Artisans et artistes de la santé de l'Antiquité à nos jours, sous la direction de Perez Stanis. Perrin (2015).

(6) Jamous, Haroun. Sociologie de la décision. La réforme des études médicales et des structures hospitalières, avec la collaboration de Commaille Jacques, Pons-Vignon Bernard. C.N.R.S. Editions (1969).

(7) Leboyer Marion. « Enjeux et objectifs de la psychiatrie de précision », in Médecine et sciences n°41, Paris (2025). Url : https://doi.org/10.1051/medsci/2025067

(8) Borgy, Jacques. « Histoire des psychologues en France de l'aube du XXe siècle au 40 ans du titre unique » in Psychologues et Psychologies (2024). Url : https://shs.cairn.info/revue-psychologues-et-psychologies-2024-5-6-page-2?lang=fr

(9) Répertoire Partagé des Professionnels intervenant dans le système de Santé. Url : https://annuaire.sante.fr/

(10) Assurance Maladie. « Tous les thèmes de santé ». Url : https://www.ameli.fr/rhone/assure/sante/themes/a

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