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Billet de blog 18 avril 2025

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Hypnotiser n’est pas jouer

On le pressent, quand on lit des articles de presse sur les plaintes contre Gérard Miller, utilisée par quelqu’un qui la maîtrise bien, l’hypnose peut faciliter un abus sexuel. Les psychothérapeutes auteurs d'emprise l'utilisent également pour suggérer des faux souvenirs. Cela n'est-il pas dangereux à long terme, pour les victimes ?

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On le pressent, quand on lit des articles de presse sur les plaintes contre Gérard Miller, « tout thérapeute exerce un pouvoir sans lequel il ne peut pas y avoir de traitement psychique, […] le fantasme de la toute-puissance du thérapeute existe dans la relation transférentielle », comme l’indique Elisabeth Roudinesco, psychanalyste. Utilisée par quelqu’un qui la maîtrise bien, l’hypnose peut faciliter un abus sexuel : « il faut être dans le déni pour ne pas voir ce à quoi lui sert l’hypnose [quand] le protocole utilisé est parfaitement expliqué sous couvert d’une description de faits historiques et d’anecdotes » (2).

Dans le dernier rapport de la Miviludes, Gaël Rannou note plusieurs dangers des pratiques hypnotiques des préda-thérapeutes (3) :

  • « implantation en mémoire par des techniques de suggestion et d’imagination » de « faux souvenirs […] fabriqués par certaines psychothérapies, dont celles de la mémoire « retrouvée » qui n’ont jamais démontré scientifiquement leur efficacité. Elles postulent que les problèmes psychologiques ou somatiques présents à l’âge adulte sont déterminés par des traumatismes sexuels (viol, inceste...) subis pendant l’enfance et dont les souvenirs seraient enfouis dans la mémoire »,
  • « émergence des souvenirs d’événements traumatiques qui ont réellement existé et qui étaient jusque-là « cachés » afin de protéger psychiquement le patient »,
  • « symptômes dissociatifs sévères » (pp. 220-221).

Les médecins hypnothérapeutes observent, par l’hypnose, des effets réels :

  • « la transe hypnotique entraînerait une déconnexion partielle des sensations corporelles, tant le patient est focalisé sur son monde intérieur. Plusieurs expériences utilisant l’IRM fonctionnelle ont montré que cela passe par une modulation des connexions entre les différentes zones impliquées dans la perception de la douleur, sans que l’on en comprenne très bien les mécanismes – peut-être s’agit-il tout simplement d’une déconnexion temporaire de la zone qui mesure l’intensité du stimulus douloureux et de celles qui créent la perception consciente de la douleur. Le plus étonnant est que cette modulation dure un certain temps : c’est ce qui permet de bénéficier de l’effet antidouleur même quand la séance d’hypnose est pratiquée avant l’opération »,
  • « dans les autres cas, les expériences particulières vécues lors des séances semblent déclencher des modifications durables chez la personne hypnotisée. La question devient donc : qu’est-ce qui agit exactement, durant ces séances ? » (4).

C’est la raison pour laquelle ils développent des méthodes, qui rendent le patient hypnotisé plus actif :

  • « notamment, nous avons modifié la phase d’induction (l’entrée dans la transe provoquée par une plongée profonde dans son monde intérieur) suite aux découvertes du psychologue canadien Albert Bandura. Ce dernier a montré que plus on se sent en capacité d’influer intentionnellement sur le cours de sa propre vie et de ses actions (ce qu’on appelle le sentiment d’efficacité personnelle), plus on dispose d’un socle solide générant motivation et bien-être. Dans les TAC, nous avons cherché à renforcer ce sentiment d’autoefficacité en proposant au patient, non pas de s’imaginer dans un lieu sûr comme le fait l’hypnose ericksonienne, mais de se remémorer, pendant la phase d’induction, un moment de sa vie où il a suivi un apprentissage réussi »;
  •  « éliminé aussi, le recours à l’amnésie. À la fin d’une séance ericksonienne classique, le thérapeute déclare : « Vous oublierez un certain nombre de choses que je vous ai dites pendant cette séance. » Non seulement aucun argument solide ne prouve l’utilité de cette étape, mais elle est en plus contreproductive : notre objectif est que les patients se souviennent de ce qu’ils ont vécu et du travail qu’ils ont effectué, afin de pouvoir le répéter chez eux. Or les recherches montrent que l’hypnose a des effets contradictoires sur la mémoire : si elle stimule la mémoire autobiographique (les patients se rappellent très bien certains souvenirs agréables éveillés par les suggestions du thérapeute), elle perturbe la mémoire de travail, de sorte que les patients peinent à mémoriser le déroulé de la séance en tant que telle. Par conséquent, au lieu de leur suggérer d’oublier, nous leur faisons un petit résumé de ce qui s’est passé à la fin ».

L’hypnose est une pratique potentiellement dommageable, mais aménageable en laissant plus de place à l’action du patient.

« Bienvenue chez nous là où des âmes perdues naviguent tous feux éteints dans une dimension inconnue, que'qu' part entre des bêtes de foire et des rats de laboratoire. Nos spécimens sont uniques, approchez, venez les voir ! »

Les Cowboys fringants (5)

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Crédits et sources :

(1)  Aufray, Hugues. « Céline », interprète : Hugues Aufray, auteur : Manu Larrouy, compositeur : Mort Shuman, éditeur : Warner Chappell Music France, Mort Shuman Songs.

(2) Bloch-Laîné, Virginie. « Entretien - Elisabeth Roudinesco : « Tout le monde voyait que Gérard Miller utilisait l’hypnose pour son propre plaisir » », Libération, 9 mars 2024.

(3) Miviludes. Rapport d'activité 2022- 2024 : des signalements en hausse (https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/publications-de-la-miviludes/rapports-annuels/rapport-dactivit%C3%A9-2022-2024-des-signalements-en-hausse, consulté le 14 avril 2025)

(4) Becchio, Jean et Suarez Bruno. « Quand l’hypnose libère la conscience », Cerveau et Psycho, n°129, 2021.

(5) Pauzé, Jean-François. « Bienvenue chez nous », Les Cowboys fringants, produits par Gus van Go et Daniel Lacoste, 2023.

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