Roger Ikor écrit l'essai "Je porte plainte" en 1981 (2), avant de fonder une des associations de lutte contre les sectes les plus actives (3).
Dans les deux premiers tiers de son essai, Ikor essaye d'expliquer le développement des mouvements sectaires. Cette partie est globalement datée. Je pense qu'on peut la résumer à cette citation :
"Privé d'espoir devant lui, l'homme, le jeune homme en particulier, se rue désespérément vers l'arrière pour se réfugier dans les plus vieux mythes des origines : âge d'or ou béatitude amniotique. C'est à ce point que surgit la secte. Elle lui propose immanquablement, quelle que soit la sauce dogmatique, le bonheur total, immédiat, le bonheur même de l'inconscience dont il rêve."
Sa réflexion sur la lutte contre les sectes est ensuite plus intéressante. Les extraits qui suivent sont tirés du livre :
"Mais à l'examen, je me suis rendu compte combien cette conduite serait difficile à suivre, et sa pratique parfois dangereuse. Bien entendu, pour un totalitarisme religieux ou politique, pas de problème : l'hérésie est interdite et la police écrase les rebelles. Il en va tout autrement dans un régime libéral qui ne saurait imposer aucun conformisme d'Etat aux minorités de toute nature. Il y faut donc, si l'on veut interdire des agissements malfaisants, définir avec précision ce qu'est la malfaisance. Or, là, sur quelles appréciations s'ajuster ? Une définition trop large porterait atteinte inacceptablement à la liberté. Trop étroite, elle serait inopérante."
"Pourtant libéralisme ne veut pas dire permissivité totale. Alors où passe cet étroit chemin de crête dont il ne faut s'écarter ni à droite ni à gauche ? Vivre en libéral la liberté impose de s'interroger sans repos sur le bien-fondé de chacun de ses actes."
"Les mêmes difficultés apparaissent dès qu'on examine d'un peu près le problème des sectes. On n'a le droit d'interdire que celles qui sont malfaisantes ; mais le degré de malfaisance s'apprécie au coup par coup, non au niveau du principe."
"Ces actes risquent d'être arbitraires ? Peut-être en effet. Mais c'est I'indulgence qui me paraît en ce moment excessive. Excessive et, de plus, dangereuse. Il y a dans les sectes, et probablement même parmi leurs dirigeants, un certain nombre d'inconscients ou de déséquilibrés qui font le mal, mais sans le vouloir et en croyant faire le bien. Il y en a aussi, je n'en doute pas, qui, très consciemment, très délibérément, exploitent la fragilité des jeunes à leur profit. Avec les régimes pseudo diététiques qu'ils recommandent, ce sont leurs intérêts qu'ils soignent. Ces criminels-là, il faut les traquer, sans pitié, commne on traque les trafiquants de drogue. Sinon..."
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Crédits et sources :
(1) Jo. S. "Le pourfendeur des sectes", in Le Monde, 19/11/1986. lemonde.fr/archives/article/1986/11/19/le-pourfendeur-des-sectes_2926947_1819218.html
(2) Ikor, Roger. "Je porte plainte", Albin Michel, 1981.
(3) Centre Contre les Manipulations Mentales : www.ccmm.asso.fr/