La santé physique a ses pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), qui sont présentées par la Miviludes ou l'UNADFI. Mais, on connaît moins les équivalences en santé psychique, surtout quand elles se dissimulent derrière une terminologie ou des postulats identiques aux méthodes thérapeutiques éprouvées par la clinique, voire basées sur des recherches scientifiques.
Concernant tout le champ du new age, les sites du GEMPPI ou de Méta de Choc sont très intéressants.
Reste donc à identifier les thérapies des faux psychothérapeutes dévoyés, qui ne relèvent pas de la mouvance new age. À ce sujet, je vais citer in extenso Delphine Guerard (1) :
« Toutes les méthodes de thérapies exercées dans les sectes prétendent être innovantes, rapides, sûres et efficaces. Pour la plupart, elles s’inspirent de divers courants que nous pouvons classer comme suit :
- Des thérapies dites psycho-spirituelles : leur spécificité repose sur une dimension miraculeuse de la guérison. C’est sous le regard de Dieu, [...],
- En faisant référence à certains travaux issus des neurosciences, des Maîtres-thérapeutes considèrent que « toute psychothérapie agit directement sur les circuits cérébraux en modifiant la biochimie interne du cerveau, la production des hormones et des neurotransmetteurs ». À médiation corporelle, les procédés visent la « mobilisation émotionnelle » [...],
- Des thérapies issues des courants croisés de la psychologie dite humaniste et de l’approche psychocorporelle : pour traiter l’être humain dans sa dimension globale, des Maîtres-thérapeutes ont recours à des méthodes dites d’intégration psychocorporelle. Fondés sur la libre expression du corps, les procédés utilisés permettent de retrouver son passé car « chacun doit revivre sa propre histoire au travers d’événements clés appelés “traumatismes” ». Il est considéré que ces traumatismes ont construit la personnalité actuelle et sont à l’origine d’un scénario de souffrance répété inconsciemment à l’âge adulte. Ces méthodes visent la compréhension de son « cycle comportemental traumatique » comme une « réplique exacte de son histoire » afin d’« apaiser sa vie quotidienne ».
- Des méthodes dites énergétiques : ces thérapies par le toucher reposent sur la transmission de l’« énergie » pour revitaliser, guérir et prévenir de toute maladie. [...],
- Des méthodes se réclamant abusivement de la psychanalyse : la pratique de ces Maîtres-Psychanalystes autoproclamés, sans aucune formation psychanalytique, est totalement improvisée et sauvage [...],
Enfin, certains Maîtres n’hésitent pas à inventer leur propre méthode en utilisant des notions religieuses et ésotériques ainsi que des concepts, le plus souvent détournés de leur sens initial ».
C'est d'ailleurs le problème de beaucoup de ces théories : ce sont des succédanés de thérapies éprouvées, enseignées aux psychothérapeutes.
Ainsi, le caractère dévoyé des thérapies de la mémoire retrouvée (TMR) n'est pas contradictoire avec la reconnaissance par le Manuel des maladies DSM de l'amnésie dissociative : « l’amnésie consiste en une incapacité totale ou partielle de se remémorer des expériences récentes ou éloignées dans le passé. Lorsque l’amnésie est induite par une perturbation psychologique plutôt qu’un trouble médical général, on parle d’amnésie dissociative.
Dans l’amnésie dissociative, la perte de mémoire concerne des informations qui font normalement partie de la conscience des activités routinières ou de la mémoire autobiographique » (2).
Autrement dit, les chercheurs sont moins sceptiques sur les souvenirs en eux-mêmes que sur les méthodes employées pour les faire apparaître (3) : « malgré le fait que l’amnésie dissociative ne soit pas un phénomène faisant l’objet de suffisamment de preuves de son existence et que les publications exprimant du scepticisme soient majoritaires au XXIe siècle, certaines techniques thérapeutiques sont, au moins partiellement, focalisées sur la récupération et la gestion de souvenirs traumatiques. Comme cela a été précisé récemment dans la littérature, il semble rare que des thérapeutes affichent clairement leur intention d’aider des patients en souffrance à retrouver des souvenirs enfouis dans leur inconscient. Si certaines méthodes thérapeutiques ont pour objectif explicite d’agir sur les souvenirs traumatiques (e.g., eye movement desensitization and reprocessing, appelé couramment EMDR), d’autres dont l’objectif principal n’est pas de se focaliser sur de tels souvenirs (e.g., les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytique modernes, les thérapies cognitives et comportementales) peuvent parfois mettre l’accent sur des traumatismes passés. De plus, ces dernières ont déjà été décrites comme étant parfois associées à des méthodes infondées scientifiquement. La question qui se pose alors est celle du risque associé à de telles focalisations sur les souvenirs de traumatismes passés. Depuis plus de 40 ans, de nombreux travaux sur la facilité avec laquelle des souvenirs épisodiques ou autobiographiques peuvent être biaisés ont permis de comprendre à quel point des techniques thérapeutiques (e.g., hypnose, imagerie guidée) associées à des suggestions explicites peuvent avoir pour conséquence le développement de faux souvenirs ».
Quand on a vérifié le numéro RPPS ou le numéro ADELI de son psychothérapeute, on a déjà évité des charlatans.
Peut-être peut-on ensuite passer au crible des outils de l’esprit critique ses explications, ses hypothèses, voire les premiers souvenirs retrouvés (4) : « exercer son esprit critique, c’est apprendre d’abord à se méfier de ses intuitions. Notre raisonnement peut s’égarer de bien des façons. Nous n’accédons pas toujours à l’information adéquate pour bien juger en raison de la position que nous occupons dans l’espace social, des groupes que nous fréquentons, que ce soit dans la vraie vie ou sur Internet. Cette information, nous ne l’évaluons jamais tout à fait de façon neutre, car nos cadres culturels l’organisent à notre insu. Et enfin, notre pensée est encore limitée de façon cognitive, c’est-à-dire que notre cerveau peut se tromper souvent lorsqu’il manipule des probabilités, des situations à risques, lorsqu’il tente de comparer les coûts et les bénéfices. Développer son esprit critique, c’est avant tout se méfier de ces trois biais de notre raisonnement ».
Elisabeth Feytit parle de méta-cognition (5), qui peut être appliquée aussi aux souvenirs apparus en thérapie ou à l’attirance qu’on a pour un thérapeute. Ainsi, on peut se demander pourquoi on a besoin de croire à des événements qu’on n’imaginait pas avant de commencer une thérapie et ce que nous apporte cette rupture biographique (6) : « le groupe sectaire semble constituer chez ces sujets un lieu de passage favorisant un certain travail de deuil : les sujets semblent, paradoxalement, se distancier et modérer leurs investissements par rapport à des objets qui les avaient déçus et conquérir de nouveaux espaces, tout en augmentant ne fût-ce qu’un peu la consistance des liens à ces objets. Je vois dans cette apparente réparation d’un état de rupture ce que B. Cyrulnik appellerait un travail de résilience. Cette remarque est à nuancer vu la particularité de l’échantillon : les expériences sectaires de ces ex-adeptes se distinguent par leur caractère transitoire, par la préservation d’un territoire intime dans leur psyché qui ne semble pas avoir été entièrement aliénée sur le mode de l’emprise et par la capacité résiliente de ces sujets à donner un sens à leur vécu et même à en tirer une force. Cependant, le travail de deuil, s’il a été possible chez ces sujets, n’est pas toujours évident chez qui a connu la perversité des liens sectaires ».
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Crédits et sources :
(1) Guerard, Delphine. L'emprise sectaire : Psychopathologies des gourous et des adeptes de sectes. Paris, Dunod. « Hors collection », (2022)
(2) Spiegel, David. « Amnésie dissociative », Manuel MSD en ligne (https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-psychiatriques/troubles-dissociatifs/amn%C3%A9sie-dissociative, consulté le 24 avril 2025).
(3) Dodier, Olivier. « L’amnésie dissociative : limites méthodologiques, limites conceptuelles, et explications alternatives ». L’Année psychologique, 2021/3 Vol. 121, 2021. p.275-309.
(4) « Gérald Bronner : « L’esprit critique peut s’enseigner et s’apprendre en tant que tel » », Le Monde, 11 juin 2019.
(5) Notamment : https://metadechoc.fr/podcast/coaching-eldorado-de-la-manipulation-mentale/
(6) De Kernier, Nathalie. « L'expérience sectaire, rupture ou réparation ? ». Thérapie Familiale, 2005/2 Vol. 26, 2005. p.155-174.