... par ses découvertes et ses perspectives, les théories explicatives habituelles sur les névroses et les psychoses, et partant les « dérivées » de ces théories qui entraînent les abus. Naturellement, ces résumés ne sauraient remplacer la lecture que vous pourrez faire vous-même de cet excellent dossier (1).
Dans ce premier billet, commençons par définir la psychiatrie de précision, comme le font Boris Chaumette et al. (2). C’est au début du XXe siècle que la notion de médecine de précision est théorisée, en tant qu’elle peut correspondre à la personnalisation de la médecine, par la mesure des symptômes par des paramètres biologiques également appelés biomarqueurs, définis comme des « indicateurs de processus biologiques normaux, de processus pathologiques ou de réponses à une exposition ou à une intervention, y compris à des interventions thérapeutiques ». Ces biomarqueurs peuvent inclure l’imagerie cérébrale, la neurophysiologie, les données de type « omiques » (génomique, transcriptomique, protéomique ), c’est-à-dire des données à grande échelle, générées à partir des fluides corporels (sang, urine, salive, liquide céphalo-rachidien, etc).
« Toutefois, comme les troubles psychiatriques sont hétérogènes, il est hautement improbable qu’un unique biomarqueur puisse correspondre à une catégorie diagnostique établie a priori. » Ces troubles sont actuellement définis par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux américain (DSM), qui a fait très rapidement office d’ouvrage de référence. « La première et la deuxième édition restent influencées par la psychopathologie analytique, mais la troisième édition de 1980, sous l’impulsion de Robert Spitzer, se donne pour ambition de décrire les syndromes psychiatriques de manière empirique, a-théorique et unificatrice. [Elle] visait à rendre reproductibles les diagnostics psychiatriques, sans recourir à l’étiologie qui reste inconnue ».
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Toutefois, les catégories figurant, dans le DSM, sont artificielles et ne reposent pas sur des validateurs biologiques externes. Ainsi, certains symptômes sont partagés entre différents troubles. D’ailleurs, les échecs des essais thérapeutiques dans les troubles psychiatriques peuvent venir de l’absence de précision. Aussi, l’un des défis actuels en psychiatrie est de prédire la réponse thérapeutique ainsi que le risque d’effets secondaires des traitements. La promesse de la psychiatrie de précision est de pouvoir identifier des sous-groupes homogènes, reposant sur des biomarqueurs, afin de fournir le traitement adéquat au bon moment, à la personne qui en bénéficiera le mieux.
« Dans le champ du neuro-développement, l’autisme a ouvert la voie à la médecine de précision. » L’autisme est fortement lié à des facteurs génétiques et ceux-ci sont extrêmement hétérogènes avec plusieurs centaines de causes génétiques identifiées. Par ailleurs, aujourd’hui, certains gènes ont été associés simultanément à l’autisme, à l’épilepsie, aux troubles des apprentissages, et à la déficience intellectuelle. Cela explique pourquoi les comorbidités psychiatriques de l’autisme sont la règle plutôt que l’exception. « En outre, il permet de comprendre pourquoi, alors que les maladies psychiatriques s’agrègent au sein des familles, les tableaux sont variables d’un membre de la famille à un autre ».
Au-delà de l’autisme, il faudra probablement apprendre à reclasser des patients en fonction de la présence de biomarqueurs, « même si leurs symptômes sont différents ».
Dans ce cadre, on peut se demander si la communauté psychiatrique est prête à remettre en cause ses paradigmes à l’aune de la biologie ou si elle est prête à démembrer les différents troubles en centaines de maladies différentes. « Ces questions sont devant nous, mais elles sont peut-être la contrepartie de l’amélioration des soins » (2).
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Crédits et sources :
(1) Leboyer, Marion, coordination. Enjeux et objectifs de la psychiatrie de précision in Médecine/sciences volume 41 / numéro 5 (2025). Url : https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2025/05/
(2) Chaumette, Boris, Yrondi, Antoine, Godin, Ophélia, Krebs, Marie-Odile, Boyer, Laurent, Samalin, Ludovic, Llorca, Pierre-Michel et Leboyer, Marion. « Construire la psychiatrie de précision : pourquoi et comment ? » in Médecine/sciences volume 41 / numéro 5 (2025), (p. 416-424).