On a vu les rangs de cadavres d'enfants gazés, enroulés dans des draps blancs. Pour les identifier, un morceau de papier scotché sur la poitrine, portant quelques inscriptions. Les salles entières au sol couverts de petits cadavres au visage de marbre. Je, vous, nous, les ai, avez, avons vus. Tout animal humain normalement constitué réagit contre ce qui détruit ainsi l'espérance du renouveau des générations. Les cadavres d'enfants sont intolérables. En d'autres temps, la vue des petits Biaffrais mourant de faim avait déclenché une émotion vraie, et des réactions politiques qui, pour discutables qu'elles furent, n'en ont pas moins existé.
Or, au delà des réactions épidermiques de tout un chacun, de tous les lecteurs de journaux et regardeurs d'images que nous sommes, il ne se passe RIEN. Les politiques tergiversent. Est-ce le bon moment? Quels sont les enjeux économiques? Et si une intervention mettait le feu aux poudres dans la région? D'abord, il fallait intervenir plus tôt. Ou il faudra le faire plus tard. Pas tout seul. N'est-ce pas une manipulation? Est-on sûr que ces morts sont le fait de Bachar El Assad et pas des rebelles? (qui auraient donc gazés leurs propres enfants pour donner le change...)
Tout un arsenal d'arguments qui mettent un matelas entre l'émotion de l'intolérable et la réaction. Ce temps-là peut effectivement être le rôle des politiques. Mais après le temps de la réflexion, l'évidence s'impose aussi. Va-t-on laisser faire? Y aura-t-il d'autres champs de petits cadavres? Comme si ces enfants n'étaient pas les nôtres. Aurait-on les mêmes réactions s'il s'agissait d'enfants français, israéliens ou américains, alignés ainsi dans la raideur cadavérique? Le furieux qui tue ces enfants doit être éliminé. Les politiques en ont les moyens.