Une mère Sénégalaise, qui ne connaissait Berck que de nom (le film des Ch'tis, présentant ces gens du Nord rudes au coeur large? Qu'espérait-elle de ce nom?) , est venue déposée son bébé sur la plage, la nuit, alors que la marée montait. Au père, elle a raconté qu'elle avait été confier la petite à sa mère, au Sénégal. Probablement ce qu'elle aurait tant voulu. Elle l'a confié à la mer, mot phonétiquement le plus proche, mais à l'effet totalement inversé.
C'est une histoire complexe. La petite fille était blanche aux yeux clairs. La mère, noire de peau. Ce qui a laissé place à tous les fantasmes, au départ. Vol d'enfant? Vengeance? Non. Elle était la mère. Une mère aimante, présente, "parfaite". Elle s'est senti dans une impasse, très seule, vivant le pire des clivages: son compagnon de tous les jours, probable père de l'enfant, n'avait jamais rien dit à ses proches de cette paternité.
Que dire devant cette petite morte et cette si grande solitude? Regretter qu'il n'y eut personne ce soir là sur la plage pour ramasser l'enfant, la prendre dans ses bras, et dire à la mère qu'on s'en occuperait, tout le temps où elle, elle ne pouvait plus. Un relais. Comme sa mère du Sénégal l'aurait probablement fait. Personne de nos associations d'assistance, que la mère n'a pas su trouver. Personne non plus de Berck, un pêcheur, un couple d'amoureux qui aurait pu arpenter la plage, ou l'un de ces habitants qui l'auraient fait si volontiers, puisqu'ils ont, quelques jours après, émus du drame, organisé une "marche blanche" pour la petite noyée.
C'est difficile d'être mère. En général, elles sont suffisamment entourées pour ne pas tomber dans la folie du désespoir. Ne pas penser qu'il n'y a plus d'issue. Mais parfois cette toute puissance qui est la leur, surtout si personne d'autres n'est là, entre elles et leur bébé, bascule sous l'angoisse. Il faut que cela cesse. Elles ne peuvent plus. Et elles mettent fin à cette vie qui repose sur leurs seuls bras.