Il y a 20 ans, en 1995, éclataient les "émeutes de banlieues". Les jeunes cassaient des abris bus et leurs écoles. Les frères Kouachi venaient de devenir orphelins de leur mère, et commençait pour eux le long périple DASS-familles et centres d'accueil. Coulibaly vivait à Grigny avec sa famille. Tous les 3 étaient scolarisés, et aucun, bien sûr, n'avait encore connu la prison. Après l'extinction des feux, le mal avait été identifié et longtemps commenté: pas d'avenir, les cités coupées du reste du maillage social, l'école intégrant mal les "jeunes issus de l'immigration".
1995-2015: 20 ans, c'est le temps d'élever une génération. Et on constate aujourd'hui que rien n'a changé. Le voeux pieux du dédoublement des classes de CP? Oublié. Les dernières MJC expirent, les associations voient leurs crédits réduits comme peau de chagrin, les locaux ferment les uns après les autres. Si: il y a eu des "internats d'excellence" où l'on confinait les meilleurs élèves des cités (en laissant les autres dans leur jus) , et une intégration de quelques dizaines à Science-Po !!!
Intégrer, cela veut dire "mettre dedans", pas laisser dehors, à l'extérieur des "centres-ville". Il n'y aura pas d'intégration tant qu'il n'y aura pas, tout bêtement, une répartition des logements HLM, partout, dans toutes les villes, tous les quartiers, toutes les rues: 20% de logement HLM, c'est 1 logement sur 5. Imaginons ce qui découlerait comme économie de cette simple mesure: Plus de cités à rénover, plus de ZEP, plus de collèges et écoles qui rament avec des 70% d'immigrés, qui font ce qu'elles peuvent, bien sûr, mais on voit le résultat. Plus de "plan banlieue", plus de quartiers stigmatisés, plus rien de tout ça. Ils sont parmi nous, ce sont nos voisins, nous sommes les leurs, on échange. Rappelons-le pourtant: l'intelligence humaine (et la connerie) est une donnée très bien répartie. Ces jeunes-là ont autant de potentiel que les autres. Et nombreux sont ceux qui le démontrent. Comme le disait une mère de famille malienne à la manif: "Pourquoi vos enfants vont à des écoles et les nôtres traînent en bas des cités?". Question bien posée, et très simple. Tant que nous ne vivrons pas ensemble, eux, nous, il y aura du gâchis, de la rancune, de la misère intellectuelle, qui accompagne la misère tout court, l'absence de perspective, d'avenir, et tout ce qui s'ensuit, dont les 3 protagonistes des attentats sont les exemples. Vous imaginez ce que c'est d'avoir 20 ans en bas d'une cité, quand on n'a pas de culture ni de boulot, ou toute autre existence sociale? Ils se sont raccrochés à quoi? A une philosophie d'ailleurs, dont ils ânnonent les messages dans une langue malhabile qui n'est pas la leur. Parce qu'on a laissé grandir leur haine.
La belle manif affichait des slogans appelant à la "liberté". On va voir ce que les lois qui viennent vont en faire.
Fraternité. Oui, l'envie de fraternité était grande de la part des 4 millions de marcheurs. Il est en effet plus simple de vivre dans une ville "fraternelle", que dans une ville où l'on peut vous assassiner. Mais comment faire tenir sages les pauvres des sociétés inégalitaires, sinon par la force?
Egalité? On en a peu parlé. Et pourtant là est l'écueil de ces voeux de gentillesse. On sera frères quand on sera égaux. Quand on s'attaquera à l'inégalité des revenus de tous.