C'est ignoble. Ses mots sont obscènes. Prendre une posture altruiste, solidaire, généreuse, qui s'appuie sur le modèle d'une époque qui l'a effectivement été, pour faire tout le contraire. Oui, le CNR, après 1945, a su jeter les bases d'une vraie solidarité, où les hôpitaux, la santé, les retraites ont pu s'auto-financer, et permettre enfin de soigner tout le monde, de permettre aux plus âgés d'avoir les ressources pour finir leur vie en paix.
Non, non et non, le projet Macron Philippe n'est pas de cet ordre. Pourquoi les éditorialistes ne le disent-ils pas ? En prenant en compte toute la carrière et non plus les meilleurs années, la retraite va diminuer. Pour tous ceux qui ont eu des carrières à trous, les chômeurs, les parents ayant pris des congés pour élever des enfants, mais aussi pour les fonctionnaires qui ont commencé avec des petits salaires, pour progressivement atteindre des plafonds plus hauts: les profs, qui commencent à 1700 euros et finissent à 2400, les infirmiers, et tous les autres. Certes, les gens vont pouvoir grappiller quelques points par-ci par-là, qui ne compenseront JAMAIS ce changement, au contraire: les petites boulots de jeunesse vont faire baisser le niveau moyen du salaire, sur toute la carrière.
Les gens partent aujourd'hui avec 75% de leur meilleur salaire. Ils auront moins. Toute la réforme est faite pour cela. Oui, cela sera peut-être favorable aux agriculteurs et à ceux qui ont fait toute une carrière au smic. Cette miette accordée, avec grands flonflons, aux plus pauvres ne concerne qu'une faible proportion des gens. On s'en réjouit. Mais c'est l'arbre pour cacher la forêt. Pour l'immense majorité, pour les autres, tous les autres, cette réforme leur sera défavorable. Et les fonds de pension se frottent les mains, ils ont bien préparé ça de concert avec l'Elysée (voir les invitations répétées de Black Rock). Les très hauts salaires (dans la frange supérieure à 10 000 euros) contribueront, nous dit Philippe. Oui, mais peu, très peu. 2,8 %, soit 10 fois moins que les salaires plus bas (où le taux est à 28 %) . Et ces salariés se tourneront alors très vite vers ces fonds de pension qui les attendent de pied ferme. Il faut le dire, le répéter: Philippe et Macron vont épargner une minuscule frange pour tondre la plupart des gens.
Quoi qu'il en dise, le gouvernement sera, malgré toutes leurs précautions, l'arbitre en dernier ressort de la valeur du point. Toutes les contraintes budgétaires (complètement idiotes quand les taux sont négatifs) pousseront à diminuer sa valeur. On perd la main sur cet argent, comme les communes ont perdu la main sur leurs ressources propres avec la disparition de la taxe d'habitation.
Et cet infâme âge pivot, alors qu'il y a 3 millions de chômeurs! Alors que les seniors sont licenciés à tour de bras!
La France, la 7ème puissance mondiale, a les moyens de permettre à tous une retraite décente. Il suffit de se doter des instruments politiques adéquats: taxer les hauts revenus pour financer cette politique sociale. Prendre l'argent là où il est. ISF, fraude fiscale, stopper les abus de dons via le CICE aux grandes entreprises...
Mais dès aujourd'hui, un souhait: que ces mots généreux de justice, de partage, de solidarité, ces mots qu'ils pillent, il faut qu'ils leur brûlent la bouche, leur arrache les dents et la langue. A Philippe, aux ministres, aux chienchiens qui les répètent. Et que les autres, tous les autres, dénoncent ce mensonge. (voir l'article d'aujourd'hui de Lordon https://blog.mondediplo.net/le-moment-potemkine)