Franchement, doit-on déplorer la fermeture des usines à voitures? Des usines à robots électriques? Des usines à poulets? Je ne parle pas du drame réel de se retrouver au chômage. Mais je rêve de voir ces gens si longtemps utilisés, méprisés, prisonniers d'un travail avilissant, devenus non rentables et mis sur le carreau, reprendre, comme ça s'est fait ici ou là, à Lipp il y a longtemps, mais aussi récemment comme à Lejaby, l'initiative: ils occupent le lieu, leur lieu, car c'est eux qui y ont vécu et sué des années. Ils prennent les machines comme les leurs, et produisent, et vendent, autrement, comme ils le décident et le veulent.
Je rêve de voir l'usine PSA d'Aulnay occupée et reconvertie en centre de réparation. Plutôt que de produire plus, plus vite, moins cher, programmées cassables, pour vendre plus et encore plus, les ouvriers de PSA tireraient profit de leur savoir mécanique pour réparer, améliorer, celles qui roulent déjà.
Les usines à poulets, médiocres poulets aux hormones, arrivant pas chers et pas bons jusque sur les marchés d'Afrique, qui changeraient de cap, devenant ... usines à poulailler famillial, par exemple, car une ou deux poules par famiille feraient fondre considérablement la masse de déchets ménagers, en même temps qu'elles offriraient leurs oeufs frais aux bambins, à domicile (cela se fait en Belgique, où les organismes de secours aux familles distribuent des pondeuses plutôt que des bons d'achat. Très récemment, le Secours Populaire a mené une semblable opération dans les Balkans).
Il va y avoir désindustrialisation, c'est déjà là, et tel que c'est enclanché, ce n'est pas près de s'éteindre. En termes de marché mondial, la France est un pays où le travail est trop cher. Comme il va y avoir aussi décroissance. Mais les gens sont là, avec leurs savoir, leur imagination, ce sont eux la richesse. Pas les riches bourrés aux as qui placent leur fortune au gré du vent (mauvais pour nous, bon pour eux) de leurs spéculations. Il suffit de reprendre l'initiative pour autre chose, plutôt que de courir après ce qui n'est plus: la croissance, la rentabilité, la reprise de la (même) consomation.
Le démantellement des grands groupes industriels est une chance. Trop grands, trop tentaculaires, trop soumis aux aléas de la bourse. De petites structures mieux gérées, ré-appropriées, locales, devront prendre le relais.