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Billet de blog 16 janvier 2015

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la fabrique des barbares

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Encore tenter d'expliquer pourquoi 3 jeunes Français sont partis en vrille et devinrent terroristes. De l'enfance des frères Kouachi, il y a un témoignage poignant sur le site de reporterre, où une bénévole de association Jeunes et locataires raconte ces deux frères si fragiles, si démunis, dans un grand ensemble du 19ème arrondissement de Paris, où la misère était quotidienne. (www.reporterre.net/L-enfance-miserable-des-freres )

Elle raconte les enfants (pas seulement les Kouachi) victimes de sévices, que les commissariats refusent de placer, ceux dormant dans les escaliers quand leurs parents trop ivres refusaient de leur ouvrir, les prédateurs sexuels qui rôdaient, les louables tentatives de  l'association pour organiser des goûters ou une sortie à Euro Disney... Parmi ces enfants, les frères Kouachi. Deux des 5 enfants d'une mère seule, très pauvre, très démunie, qui finira par se prostituer. Personne pour les entourer, les protéger. Elle se souvient qu'un gardien demanda à l'enfant Cherif de se mettre à genoux pour demander pardon d'une bêtise, ce qu'il n'aurait pas fait pour un autre enfant ayant ses parents. C'est encore lui, Cherif qui découvrira sa mère morte, à 10 ans,  peu après la sortie à Euro Disney, alors qu'il rentre de l'école un midi, sa mère n'ayant pas de quoi payer la cantine. Elle venait de se découvrir enceinte d'un sixième enfant. On se contentera de dire qu'elle a pris trop de médicaments. 

La seconde période de leur vie semble plus stable, placés en foyer en Corrèze (voir l'article sur Mediapart). Foot, CAP...Pourtant, même si cela a coûté cher, s'ils étaient soignés, nourris, vêtus, ce fut insuffisant pour les guérir d'une enfance massacrée. A peine majeurs, ils regagnent Paris. La suite, on la connaît. C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère, dit aujourd'hui cette bénévole de l'association Jeunes et locataires.

Pour Coulibaly, la donne est totalement différente. Il est élevé dans une famille stable, à Grigny, seul garçon parmi de nombreuses soeurs, comme Lewis Caroll. Mais il ne va pas nous écrire Alice au Pays des merveilles. Dans ce qu'on apprend de lui, on ne peut qu'être étonné qu'on ne relève pas les nombreuses occurrences où il a, dans ses 32 ans de vie, approché ou été approché par les médias: A 18 ans, il est blessé, et son meilleur copain Ali est tué par la police, alors qu'ils volaient ensemble une moto. Cela déchaîna plusieurs nuits d'émeute à Grigny. Les journaux en firent leur Une plusieurs jours de suite. En 2008, en prison, il parvient à introduire une caméra et filme le quotidien glauque de l'incarcération. Le film est monté, passe en 2009 sur France 2, dans l'émission Envoyé Spécial. Coulibaly est contacté par des journalistes, ceux du Monde entre autres. Les producteurs écrivent à ce sujet un livre, Reality Taule. On y voit Coulibaly en photo, qui dédicace ce livre "à ceux qui feront tout pour ne pas aller en prison, et à ceux qui feront tout pour ne pas y retourner".  En 2009, on le retrouve invité ... par Sarkozy à l'Elysée. Il est en pleine page dans un quotidien. Les dernières années, c'était plutôt une de ses soeurs, danseuse reconnue, qui brillait. On la voit en 2013 sur la chaîne D8 apprendre quelques mouvements de danse des fesses à Roselyne Bachelot.

Coulibaly rêvait-il de gloire, d'être people parmi les people? D'avoir tous les 5 ans  ses 15 mn de célébrité, comme une drogue?  Il avait la haine contre les flics, qui avaient abattu son copain Ali sans être inquiétés. Il parvenait régulièrement à "faire parler de lui". Dans quelle mesure ces divers éléments ont pu s'agencer pour le résultat que l'on sait?

En tout cas, leurs parcours montrent que la réponse n'est pas dans l'analyse qui en est faite aujourd'hui, ni dans les mesures actuelles préconisées (augmentation des budgets militaires, et aller vers une société sécuritaire aux contrôles renforcés). Dans la lutte contre la misère, oui. Dans la critique de la course absurde à la gloire en paillette, celle qui fleurit dans tant d'émissions de télé, peut-être aussi.

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