"Vous n'écoutez pas mes arguments!" écrit le ministre geignard à Charles de Courson. Ils sont peaufinés, certes, et alambiqués à souhait, ses arguments. Donc à le croire, il a tout bien fait au ministère, et surtout posé la question "la plus large possible" à l'UBS: "Jérôme Cahuzac avait-il un compte chez vous depuis 2006?" alors que Mediapart parlait de 2001. Bravo Mosco. Seulement à l'UBS alors que le nom de Dreyfus, lié à Reyl, était sorti dans la presse suisse. Rebravo. La seule démarche correcte (tous les connaisseurs des pratiques banquaires le savent, et c'était divulgué très tôt dans tout la press) ayant une chance d'aboutir côté suisse, aurait été d'obliger Cahuzac à poser la question positive "confirmez-vous que j'ai eu un compte chez vous?". Question qu'il s'est donc évidemment bien gardé de poser sous cette forme.
Il a tenu Cahuzac à distance, redit encore Moscovici. La petite réunion entre 8 yeux (Ayrault, Valls, Hollande et Cahuzac) n'était qu'une entrevue informelle. N'empêche que c'est lors de celle-ci que Cahuzac, le malin, a indiqué les dates pour poser la fameuse fausse bonne question, amenant la fausse bonne réponse. Pour rappel, Zabulon, dès l'appel de Gonelle à l'Elysée, a aussitôt téléphoné à Cahuzac, l'informant de cette nouvelle.
Troisième contre argument: "vous dites que mener une enquête parallèle, c'est sans précédent. Or, c'est légal." Quelle répartie! L'un n'empêche pas l'autre, non?
Autre argument, de taille: "certains, dans l'opposition, reconnaissent mon honnêteté". Quelle belle preuve! Mais ont-ils jamais pratiqué la logique, ces ministres?
Donc, pour grandiloquente qu'elle soit, la lettre du ministre à Charles de Courson est sans autre effet que de manches. Que va faire Charles de Courson? Le mettre le nez dans ses contradictions? Attention à ne pas s'enliser dans de vaines polémiques. Derrière cette querelle, d'autres enjeux se dessinent. Les digues protégeant l'argent planqué en Suisse se fissurent en ce moment, et la petite retenue sableuse de Moscovici n'y pourra rien changer. D'autres Falciani, d'autres Condamin-Gerbier vont se lever, quelques medias indépendants, un ou deux juges intègres... Les yeux s'ouvrent.