Hier, tous dandinant, glaudiquant, avançant, puis bloqués sur place dans la marée-manif, soudain, devant la manufacture des Gobelins, on prenait en pleine face la beauté d'Ariane. Le Théâtre du Soleil avait déployé ses banderoles, et la grande dame en colère se mit en marche.
Poupée de rien (rouleaux de moquette recouverts de tissu blanc), légère et maniable, blanche figure de femme en colère, blessée, saignante au visage, mais avançant, toutes voiles déployées, toute énergie en marche. Se profilant haut sur les feuillages encore verts, au-dessus de la foule, portée par elle, en énergie, et mouvement.
Merci Ariane.
Il y eut un autre pur bonheur: un groupe de très jeunes gens, déboulant du métro Raspail. Ils arrivaient, nous dirent-ils, du lointain lycée des Sablons, vers Brie-Comte-Robert. Ils s'étaient confectionné des bonnets phrygiens en papier crépon rouge dont les pans flottaient au rythme de leur course, et remontaient le boulevard Montparnasse, tête baissée, beaucoup plus vite que les clampins partis de la Place d'Italie depuis quelques longues demi-heures déjà. Ils scandaient, de leurs voix hautes et claires de très jeunes gens, une courte phrase comme ”ré-sis-tance! On-les-aura!”, d'une si juvénile ardeur que tous, à leur passage, souriaient et les saluaient.