Et ça continue. A Fukushima, ça fuit de partout. L'eau lancée pour refroidir les réacteurs poreux retombe dans la mer où nagent les poissons que d'habitude mangent les hommes. Et les algues, les coquillages. L'iode radioactive et le cesium 137 sont sortis des confinements. Les loups nucléaires sont dans la nature. La zone évacuée au départ était limitée à un rayon de 20 km, puis de 30, on commence à parler de 100. On ne boit plus l'eau à Tokyo.
La fusion du coeur est enclenché, nul de sait comment ça va finir, ni quand. Peut-être jamais. Mal pour les Japonnais alentour, ça, c'est déjà acquis. Le peuple martyr de la bombe renoue avec l'horreur invisible. Et l'explosion est toujours possible, très haut dans l'atmosphère. Les courants marins sont déjà en route. La contamination de l'air et de l'eau sont pour nous tous.
Cette catastrophe devrait changer le débat du monde. Il n'en est rien. Après quelques jours de compassion, puis d'inquiétude, les Unes éditoriales l'ont remplacée par les aventures de Fillon et Marine, éventuellement subsiste par-ci par-là une page sur “la remise en question” du nucléaire. Avec bien sûr les pour et les contre, selon la ligne éditoriale.
Mais l'horreur nucléaire est là, chaque jour un peu plus tangible. On ne la voit pas. Comme des gamins chahutant au bord de la falaise, qui continuent à rire alors que déjà plusieurs d'entre eux sont tombés, l'humain énucléé se refuse encore à contempler les conséquences de ses actes, ce jeu banalisé avec la bombe, qui a mal tourné.