Rien ne peut mieux résumer mes atermoiements des 15 jours passés que l'article de Vincent Cheynet dans La Décroissance, dénonçant ceux qui nous enjoignirent tous, tel un Big Brother caché sous la frange de Cabu, d' "être Charlie". Cheynet énumère les écrits des journaux, du Figaro, Nathalie Saint-Cricq voulant "repérer et traiter" "ceux qui ne sont pas Charlie", les panneaux de pub Decaux répétant à l'infini le mot d'ordre, la manif géante, tous marchant comme un seul homme derrière les pires dictateurs, la Marseillaise braillée par 100% des députés. Valls parla de guerre, on condamna des adolescents insolents à des peines de prison...
Et il poursuit: " Pourquoi un tel déchaînement politico-médiatique? La réponse est dans la question: c'est la classe dominante qui a été atteinte cette fois. Apeurée, elle s'est déchaînée pour intimer à l'ensemble de la société de réagir. " En effet, on apprend, pour ceux comme moi qui l'ignoraient, que Cabu et les autres étaient reçus à l'Elysée, que le très bon copain Pelloux l'était autant de Hollande que de Charb, que Elsa Cayat était la psy de certains ministres... Charlie était passé du côté des puissants depuis un certain temps déjà, comme le dénonça Siné récemment. Il était devenu un passage pour ceux qui grimpaient au pouvoir: Philippe Val et Caroline Fourest par exemple, imprimant à Charlie une ligne islamophobe très dure. Comment ne pas remarquer le nombre impressionnant des politiques et des journalistes, qui aujourd'hui affirment être venus à la conférence de rédaction de Charlie?
Le "je suis Charlie" continue d'être brandi comme une bannière par toute une Europe libérale et cruelle, fédérant même ceux qui la combattaient hier, dans un grand élan de solidarité, tous contre la peur du terrorisme.
Vincent Cheynet conclut: "Rien n'est plus dangereux que ces mouvements de masse où la foule apeurée se laisse manipulée par les médias et les politiques. C'est la boîte de pandore de toutes les folies. Cela a effectivement dépassé toutes nos craintes, et laisse mal augurer du futur quand la crise va s'accentuer."