Les médias hexagonales font peu de cas, depuis un temps certain, de la situation en Nouvelle-Calédonie. Certes on parle du projet de développement du site de Dumbéa et de son enjeu social et économique. Une ZAC qui permettrait de loger environ 30.000 personnes que Nouméa, non loin de là, et ses près de 150.000 habitants ne peut pas accueillir. Il y aurait bien d'autres choses à dire de ce pays auquel je suis très attaché pour y avoir passé une bonne partie de mon enfance parmi les Kanaks.
Ainsi, le 16 janvier dernier, les forces de l'ordre ont violemment réprimé une manifestation pacifique de militants syndicaux de l'USTKE (Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités), salariés de l'entreprise de transport en commun Carsud (groupe Véolia), en conflit avec leur direction. Bilan: 20 blessés dont cinq grièvement, une quizaine d'arrestations et d'emprisonnements préventifs avant jugement par le tribunal correctionnel de Nouméa.
Un événement parmi d'autres qui en dit long sur la situation que vivent les Kanaks dans le pays dont ils sont les premiers habitants. Sans vouloir dramatiser, je ne pense pas me tromper de beaucoup si je disais que Martin Luther King dont on commémore aujourd'hui le quarantième anniversaire de l'assassinat, au travers des combats qu'il a menés contre le racisme et pour les droits de l'homme, aurait de bonnes raisons de faire des émules sur la Grande Terre.
Comment ne pas applaudir des deux mains le voeu de Nidoish Naisseline, grand chef de l'île de Maré et élu de la Province des Iles, relatif aux droits des peuples autochtones, présenté devant le Congrès? Il rappelle qu'alors que l'Accord de Nouméa définit l'identité kanak au passé: " l'identité kanak ETAIT fondée sur un lien à la terre. Chaque individu, chaque clan, se DEFINISSAIT par un rapport spécifique à une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et GARDAIT la mémoire de l'accueil d'autres familles", la Commission Européenne et l'ONU affirment de leur côté, l'actualité et la légitimité des liens identitaires que les peuples autochtones ont avec la nature. Le 13 septembre 2007, le vote à une très forte majorité (dont la France) de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par l'Assemblée Générale de l'ONU, permet à celle-ci d'affirmer que " les peuples autochtones SONT égaux à tous les autres peuples...que tous les peuples CONTRIBUENT à la richesse des civilisations et des cultures qui constituent le patrimoine commun de l'humanité" ( alinéa 1 et 2 ) et de reconnaître que "le respect des savoirs, cultures et pratiques traditionnels autochtones CONTRIBUE à une mise en valeur durable et équitable de l'environnement et de sa bonne gestion" ( alinéa 9 ). La Déclaration sur les droits des peuples autochtones, rappelle encore Nidoish Naisseline, parce qu'elle reconnaît l'égalité en dignité de toutes les cultures et de tous les peuples, s'inscrit obligatoirement dans une logique politique de décolonisation ( alinéa 5 ), et appelle à une approche particulière de la question de citoyenneté et à une conception globale du développement.*
Tandis qu'on s'inquiète fort justement du sort fait aux Tibetains et manifeste contre les criantes atteintes aux droits de l'homme en Chine, une attention et des prises de position pour la défense des droits du peuple kanak même à vingt mille kilomètres d'ici seraient les bienvenus et ne feraient pas courir plus de risque...
* Cité par la revue " Construire les Loyauté " décembre 2007-janvier 2008