Auteur de L’art Caché » éditions Eyrolles
La FIAC 2009Qu’est-ce qui a changé ?L’Etat français refuge du Financial Art en temps de crise ? L'effondrement des marchés financiers à partir de septembre 2008 a affecté le marché de l'Art Contemporain qui lui est fonctionnellement lié. Après quelques mois de désarroi, ce marché offre aujourd’hui un spectacle presque rassurant grâce à un habile travail de communication et une stratégie de repli sur la place de PARIS où l’Etat joue le rôle « d’animateur de marché ». Pourquoi Paris ? Les grands collectionneurs internationaux, assez riches pour ne pas vendre les œuvres de leur collection en temps de crise, ne souhaitent pas « communiquer » sur ces signes de richesse fondés sur la spéculation, dans les lieux mêmes du scandale à New York et à Londres… les médias et l’opinion pourraient grincer des dents. La France, étant restée en dehors de ces pratiques, est un lieu neutre où l’on peut encore se montrer. Depuis toujours l’Art a ici une autre aura. De son coté, l’AC[i] est légitimé et sanctuarisé, par l’Eglise et l’Etat réunis, magnifié par son inclusion dans le patrimoine, et enfin intellectualisé par des théoriciens sans égaux. Quatre clergés contribuent à son culte : les inspecteurs de la création, des universitaires, des journalistes et des évêques. Paris est devenu le lieu où l’AC peut se montrer en « gloire » avec le soutien de l’Etat, des régions et des municipalités, sans créer de malaise.L’année s’annonce pleine d’évènements valorisants: Le « Monde » du 5 septembre titre : « Les galeries parisiennes répondent à la crise par une rentrée très chargée ». Le critique d’art le plus en vue, Philippe Dagen, professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne, y décrit de concert avec Harry Bellet, les réseaux, les collectionneurs, les prix sans qu’il ne soit plus question d’évoquer la valeur intrinsèque des œuvres. Harry Bellet dans le Monde du 6 septembre titré « La recette de Xavier Veilhan pour occuper Versailles » nous informe sur son montage financier et, cerise sur le gâteau, annonce un achat de l’Etat… Ils font avec application ce qui ne se fait plus à New York : décrire un produit financier prometteur !
Les Nuits Blanches ont mis plus que jamais l’AC dans les monuments, églises, et grandes mosquées. Si le public baisse chaque année à la FIAC[ii], et dans les lieux prévus à cet effet, l’ « art urbain » se répand partout à Lyon, Nantes, Lille, Bordeaux, Toulouse… Les grandes municipalités font leur com. à grand frais et au détriment des musées et du patrimoine. L’AC bénéficie d’une légitimité populaire grâce à sa fonction d’amusement et d’animation des espaces publics. Cela donne une coloration « sociale » aux techniques de fabrication de la cote. Dans quelques mois l’ouverture de « Beaubourg Bis » à Metz apportera encore du brillant à l’image de la santé inaltérable de l’AC en France. Pinault, garanti par l’Etat français, sacré par le monde anglo-saxon « pape et sauveur de l’AC »[iii], ose pour la première fois intercaler dans les monstrations de sa collection, entre Hirst et Koons, l’œuvre d’un Charles Matton, artiste qui vient de mourir et n’a cessé de travailler en France. Il devenait urgent de faire un geste en direction du contribuable français ! La FIAC 2009 peut être alors la plus brillante de son histoire par l’afflux des collectionneurs étrangers et l’écho programmé dans les médias nationaux et internationaux. Le mot d’ordre « Venez à Paris » court partout ! La com. bât son plein ! L’AC est ressuscité !Paris - New York… et retour ? New York a gagné le titre de capitale de l’art grâce à sa technique de fabrication financière de l’art en réseau. Ce procédé a remplacé la reconnaissance de la valeur artistique, « à la française », par un « milieu de l’art », ouvert, amateur et cultivé. En 1990 lors du précédent effondrement du marché de l’AC, l’activité n’a repris à New York que 7 ans plus tard, non sans avoir connu une contestation interne violente, dite « culturals wars », posant le problème de la valeur en soi. Elles ont été passées sous silence en France par nos grands quotidiens de référence. Une telle occultation serait aujourd’hui impossible avec Internet. L’effondrement de New York comme capitale de l’art n’avait pas été clairement perçu dans les années 90 mais aujourd’hui il n’en est plus de même… Les pays émergeants sont très conscients de la vacance du pouvoir et profitent activement de l’occasion pour se libérer d’un « soft power » offensif[iv], subi et mal vécu. Le séduisant discours « multiculturaliste », ne les convainc pas beaucoup. Ces pays se tournent plus que jamais vers l’UNESCO, et les Institutions Européennes, pour mener des jeux d’influence, mais cherchent aussi à créer des liens particuliers avec toutes les institutions, pays, cercles ayant une légitimité historique, une valeur artistique, une aura dans le domaine culturel. On perçoit dans ces démarches une recherche d’échanges d’une autre nature que financiers. Signe des temps : Une seule galerie chinoise à la FIAC cette année, de même pour l’Inde et le Brésil. Ils préfèrent avoir des galeries dans le 8ème arrondissement de Paris. La nouveauté de la FIAC 2009 La conception anglo-saxonne de l’art financier se voit de plus dans la présentation même de la FIAC: La marchandise la plus précieuse est sanctuarisée au Grand Palais, uniquement accessible à un public aisé ( 29 euros) ou invité. Sont présentes les puissantes galeries venant des pays anglo-saxons et de l’Europe de l’Ouest. Cette année il y très peu de russes et pour ainsi dire pas de pays « émergeants ». Le marché international s’est d’évidence fracturé, de nouvelles stratégies sont en cours... Cela reflète le fait que le dollar n'est déjà plus la seule monnaie d'échange internationale. L'AC par conséquent ne sera plus non plus la seule référence de la valeur de l'art. Pour l’image et pour éviter les critiques d’ostracisme faites à l’égard des institutions, quelques galeries autrefois exclues ont fait leur retour. La galerie Claude Bernard par exemple, chassée au début des années 90 pour délit de peinture réapparaît pour présenter un peintre. Par ailleurs la stratégie de Christie’s et de Sotheby’s élaborée depuis 2000 apparaît dans toute sa splendeur: Son présentés à la FIAC, mêlées, les œuvres contemporaines et modernes, afin de prouver qu’elles sont vouées au même destin, l’immortalité que confère l’histoire, malgré leur différences de nature les unes conceptuelles et les autres picturales. Pour en faire la preuve, un « musée » est installé en majesté, en son centre montrant des œuvres majeures du XXème siècle. Queue, gardiens, solennité du lieu, tout concourt à impressionner les futurs acheteurs d’œuvres AC ou à les inciter à ne pas s’en débarrasser. A la Cour du Louvre les artistes « émergents » sont aussi parqués et magnifiés, présélectionnés pour faire leur entrée dans les réseaux… Autour gravitent les « off » officiels et officieux… C’est tout un monde hiérarchisé par la possession de l’argent qui apparaît pendant ce court temps de la FIAC… Les autres critères qui justifient la mise en gloire ou non des œuvres restent obscurs et rarement formulés dans les textes critiques. Cet aspect très mercantile de la pratique de la collection d’art est celle d’une nouvelle classe, enrichie dans des activités financières, mais au demeurant inculte.C’est très différent de la conception parisienne des salons depuis le 18 ème siècle, accessibles à tous et fréquenté par l’ensemble de la société.Profiter de cette stratégie passagère pour rendre à Paris sa place naturelle C’est en cela que La France ferait mieux de penser à ses propres intérêts au lieu de servir le jeu anglo-saxon pourtant à l’origine d’une propagande menée contre elle et Paris de façon professionnelle et récurrente depuis 50 ans[v]. Paris n’a jamais cessé d’être une capitale de l’art même si elle n’est pas une capitale financière. … elle reste la référence dans le domaine de la création et des échanges intellectuels au plus haut niveau, n’empruntant pas forcément pour cela les circuits de la communication mercantile. Des artistes du monde entier viennent y vivre et y travailler même si le marché et leurs galeries sont ailleurs. Ici les collections sont secrètes et les travaux intellectuels ne sont pas forcément pris en compte par les médias les plus visibles. Malheureusement, il n’y a en France qu’un seul réseau de consécration: celui de l’Etat qui travaille avec NY[1][vi], envers et contre tout depuis 1984. Il absorbe tout l’espace médiatique, détourne l’argent du mécénat pour servir un système archaïque, qui consiste à diriger la création par l’entremise « d’inspecteurs de la création », dernière survivance d’un totalitarisme artistique dont le prototype, « les ingénieurs de l’âme en chef », crées par Staline en 1944 a disparu en 1993. Pour légitimer de tels comportements, des inspecteurs s’adonnent à des contorsions comiques pour faire passer l’AC pour un Service Public, un bienfait social… et faire oublier le produit financier en gestation fabriqué avec l’argent du contribuable. Par exemple la FIAC 2009 a prévu en son sein des colloques sur les thèmes suivants : « Art contemporain et développement durable », « Art et recyclage – Dépasser les contradictions ». « Art et patrimoine - faire vivre la mémoire », «L’art contemporain comme facteur d’identité de la commune », etc. Que faire pour pérenniser cette soudaine visibilité de Paris ?Paris ne retrouvera sa suprématie que si elle garde son atmosphère particulière et son non conformisme. L’idéal pour cela serait de supprimer le principal obstacle à tout changement : le corps des inspecteurs de la création, ou du moins de les fondre dans un cadre plus large que celui de la direction de la création, ou de les initier à l’histoire de l’art pour atténuer, autant que faire se peut, leur bigotterie conceptuelle… Peut-on imaginer que toute la création de ce pays soit sous la férule de personnes qui sont les mêmes quarante ans durant, sans que rien ne puisse les mettre en question ? A-t-on jamais vu un tel immobilisme ? Peut-on imaginer le même rond de cuir « gérant » Delacroix, Monet et Cézanne au cours de sa carrière
[i] AC : Acronyme de « Art contemporain » utilisé par Christine Sourgins dans dans les « Mirages de l’Art contemporain », éditions de la Table Ronde, ce qui ne signifie pas tout l’art d’aujourd’hui mais une idéologie qui ne reconnaît comme actuel que son étroite partie conceptuelle
[ii] [ii] Entrées à la FIAC : En 2006 : 85 000 visiteurs, 2007 72 000 visiteurs, en 2008 : 65 000 visiteurs
[iii] [iii] La « Power list 2009 » établie en grand secret par « Art Review » sacre Pinault (n°6), Arnault (n¨49), un fonctionnaire Alfred Paquement (n°18), un galeriste pratiquant Emmanuel Perrotin (n°64) le New York Paris et une artiste vivant et travaillant à New York Louise Bourgeois (n°75). Un homme des médias Nicolas Bourriaud commissaire de la Triennale à Londres ((n° 68)
[iv] [iv] Exemple : Les négociations musclées en Corée en 2008 pour ouvrir massivement ce pays aux films américains, condamnant ainsi une forte industrie du cinéma locale.
[v] [v] La dernière manifestation très visible étant l’article de commande paru dans l’édition internationale du « Time Magazine » de Donald Morrisson le 27 novembre 2007, 7 pages titrées « The Death of French Culture »
[vi] Les inspecteurs de la création en dépensant pendant un quart de siècle 60% du budget alloué à l’achat d’œuvres aux artistes « vivant et travaillant à New York », dans des galeries newyorkaises ont liquidé ainsi la place de Paris