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Billet de blog 16 août 2022

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Salman mon amour

Je suis Salman ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis Salman ? Comme j'étais censé être Charlie ? La femme battue ? Le Gilet Jaune ? L'Etranger ? L'Opprimé ? le Réfugié ? la Victime de l'Injustice en général ?

Non, je ne suis rien de tout cela, bien sûr. "Je suis"... est un effet de communication qui n'est en soit pas très bandant...

Je suis un homme blanc occidental, français, donc censé être mieux loti qu'ailleurs (?) qui se dépatouille comme il peut avec tous les emmerdements liés au pedigree. Je vois Salman se faire trucider. Le monde s'émeut. Enfin, plus ou moins. On s'émeut, on condamne "l'obscurantisme" (mais on se garde bien de condamner en haut lieu l'islamisme débile autant qu'assassin), "la lâcheté", etc... bref tous ces mots fourre tout qui veulent tout dire et rien dire et qui ne coûtent pas cher à dégueuler sur la place publique. Comme ça, on froisse personne. Surtout pas le saoudien (dont heureusement j'ai oublié le nom) reçu en grande pompe dans toute l'Europe, France comprise avec tapis rouge et tout et tout, qui, la veille de son départ, pour fêter ça, a fait assassiner 81 personnes dans la même journée... Ils sont quoi au juste ces chefs d'Etats qui reçoivent impunément cette ordure ? Ils sont des "Je suis Dassault" ? "Je suis le fric" ? "Je suis un connard" ? "Je suis la finance ?"

"Je suis le pouvoir", assurément...

Ce que je vois, pour en revenir à nos moutons, c'est qu'il est plus facile d'être Charlie que d'être Salman. Plus facile d'être de sacrés farceurs/dessinateurs/amuseurs public au demeurant forts sympathiques, drôles et parfois pertinents que d'être un écrivain à l'allure austère (pas un rigolo de prime abord le père Salman) qui pense le monde avec une plume vive, légère, espiègle, parfois géniale. Pas facile.

Pourtant, moi, je suis bouleversé par cette attaque. Plus que par toutes les autres. C'est une attaque directe de la pensée en action, en mouvement. On n'assassine pas tous les jours de grands penseurs comme Salman Rushdie. C'est même très rare. D'habitude, on s'en fout. Mais celui-là, il est pas passé entre les gouttes des affreux. Des affreux qui impunément écrivent dans leur torchon tout le bien qu'ils pensent de cet assassinat... Sont-ils interdits en France et ailleurs ces zozos ? Ou bien, au nom de la liberté de la presse (la fameuse), ils peuvent continuer à vivre dans le monde entier en toute impunité ?... En tout cas, on a bien relayé leurs saloperies, de ce côté là, pas de soucis...

Mais Salman n'est pas mort...

Un sursis ? Un sursis pour ce monde qui va à la dérive et à la catastrophe parce qu'il ne pense plus. Plus comme Salman. Plus même capable de lire les livres de Salman et de tous les autres... Sauver le soldat Salman c'est sauver la pensée. La pensée en action, qui bouillonne, qui se réinvente chaque matin, qui rebondit, qui fait que les actions justes remplacent les actions injustes, que le monde respire mieux pour tous et non pour une poignée que l'on n'arrive pas à destituer. Pourquoi on n'y arrive pas ? Pourquoi le monde va si mal alors qu'il pourrait aller tellement mieux ? A t-on définitivement tué le bon sens ? A t-on définitivement tué le poète ? le penseur ? le solidaire ? l'altruiste ? le partage ?

Non, Salman n'est pas mort. Un bras en moins, un oeil en moins, quelques artères en moins, un bon bout de foie en moins, mais il n'est pas mort. Il n'a pas perdu son humour, non plus, paraît-il... Alors, oui, "je suis Salman". Je suis le Salman qu'un dégénéré vient de poignarder mais dont les vrais et puissants coupables sont autant les affreux barbus débiles que ceux qui les condamnent en s'indignant du très haut de leur pouvoir pornographique sur toutes les plateformes de diffusion de masse et osent même nous cracher à la gueule qu'ils"luttent"contre l'obscurantisme et la lâcheté. Honte à eux. Et malheur à nous qui les subissons sans pouvoir, sans vouloir, sans oser agir... Restent nos petites paroles, nos petits textes que l'on peut encore diffuser sur des petit blogs presque inoffensifs... Presque... Allez savoir... la liberté d'expression...

On est de tout coeur avec toi Salman, de tout coeur. On est tous des Salman ! Tous !

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