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Portfolio 26 juillet 2023

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Deux jours sur le littoral nord

Calais et Dunkerque. Ou plutôt Herzeele, Mardyck, Calais et les environs. Une répétition de dispositifs politiques qui fabriquent de l’instabilité, de la violence et de la précarité. Et aussi des lieux innovants qui donnent à penser l'accueil autrement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  1. Illustration 1
    © Evangeline MD - juillet 2023

    Deux jours sur le littoral. Trois visites de trois maisons solidaires parmi d'autres rencontres. Des maisons d'hospitalités. Des petites unités de vie à taille familiale, portées et gérées par des bénévoles sincères et convaincus devenus professionnels par la force de l'actualité et de la géographie. Des maisons simplement. L'une pour les familles qui tentent de passer, une autre pour les hommes fatigués, blessés, épuisés qui se posent repensent la suite. Une chambre gardée pour accueillir les familles endeuillées. Une pièce pour les femmes qui sortent de la maternité. Et autour des bénévoles plus ou moins jeunes, plus ou moins retraités, des propriétaires bourgeois et des chômeurs au RSA, des jeunes qui vivent sur une activité à mi-temps et d'autres qui étudient. Des Françaises, un Américain, une Anglaise, un ancien moine et un séminariste, un prêtre de gauche, une Lettonne, une Serbe, une anarchiste, une ancienne directrice d'école...

  2. Illustration 2
    © Evangeline MD - juillet 2023

    Dans chaque maison, des règles plus ou moins claires, on peut y rester deux nuits ou deux ans, six semaines ou même des mois ; dans chaque lieu on dîne ensemble et on joue. Dans chaque maison il n'y a pas de télévision parce que ça ne freine pas le collectif. Un jardin ou une courette, parfois des oies, des poules et même une piscine vide et un chaton minuscule. Dans les sous-sols, des caves qui regorgent de fruits et légumes récupérés, parfois abîmés, des kilos de riz, d'oignons, de cube Knorr et des paquets de pâtes qui attendent désespérément. Des œufs partout et chez les plus fortunés des cuisses de poulet. Dans les placards, des draps et des serviettes élimées aux mêmes teintes que celles que nous utilisions dans la maison familiale du bord de mer. Une caravane pour ouvrir à la confidence. Une chapelle pour permettre le ressourcement.

  3. Illustration 3
    © Evangeline MD - juillet 2023

    Et des histoires qu'on me dépose parfois dans une mise en scène théâtrale ou qu'on laisse entrevoir par brides et silences. Je les fuis de plus en plus ; je les connais malheureusement et je ne peux rien / m' y faire ; surtout je ne veux favoriser des confidences à sens unique. Je les fuis car ce qui m'intéresse sont celles et ceux qui accueillent, qui changent de vie, qui bifurquent face à l'exil. Et pourtant je ne peux les ignorer. Une grande femme, voilée et au pied polyfacturé, peut être Soudanaise, et ses 3 garçons de 8 mois, 4 et 2 ans qui doivent traverser ce soir. Une jeune femme vietnamienne en pyjama de soie marchant fièrement entre les hommes et les ordures malodorantes du bois occupé. Ces jeunes hommes aimables et silencieux qui se régalent de la tarte aux poires et au chocolat que j'ai apportée pour compléter le dîner qu'ils m'ont offert. Une femme kurde au visage marqué, les longs cheveux lâchés et la chemise d'homme tombant le long de son corps et sa collocatrice afghane, au visage encore rond de l'enfance, qui m'invitent à partager un repas titanesque à 15h dans une belle maison de maître flamand. 

  4. Illustration 4
    © Evangeline MD - juillet 2023

    Et pour finir, une bière tardive partagée avec un séminariste qui vient en vacances rendre service et préfère Jésus à l'Eglise _ parce qu'après tout ce combat là n'est pas fini non plus _. Et une assiette de frites face à la mer et au dragon de Calais. Parce que je ne peux pas venir à Calais sans respirer la mer et cette frontière maritime sur laquelle les politiques et les trafiquants jouent la vie et la mort de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. 

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