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« Alireza on ne t'oublie pas », c'est par ces mots que plusieurs centaines de personnes quittent la place du Rhône, ce mercredi en fin d'après-midi, pour rejoindre l'hôtel de ville afin de dénoncer la précarité de l'asile sur le territoire suisse, et plus particulièrement dans le canton de Genève.
Alerter, encore et encore, des conditions de vie des personnes exilées. Éviter de nouveaux événements tragiques. Entre tristesse, colère et injustice, les Genevois·es défendent une politique de l'accueil, digne et humaine, pour toutes et tous, mineur·es comme majeur·es.Agrandissement : Illustration 2
Originaire d'Afghanistan, Alireza est arrivé en Suisse au printemps 2021, à l'âge de 17 ans. Il souffrait d'un stress post-traumatique dû à des violences subies dans un camp de réfugié·es en Grèce. Fin novembre 2022, l'adolescent met fin à ses jours lorsque le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme la décision du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) : sa demande d'asile est rejetée. Son renvoi vers la Grèce est également prononcé. Les deux institutions connaissaient son dossier médical et les risques que cette expulsion pourrait provoquer.
Quelques jours après le drame, la porte-parole du SEM déclarait : « Si une personne exprime des intentions suicidaires, ça ne correspond pas forcément à un obstacle à l'exécution [d'une décision] selon la jurisprudence en vigueur. Sinon, on ne pourrait plus renvoyer qui que ce soit. »
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Devant le Crédit Suisse, le cortège marque une pause. Les tambours du collectif féministe la Red de Tamboreras de Suiza retentissent sur cette petite place trop étroite pour accueillir tout le monde.
Un peu plus tôt l'une de ses membres a affirmé : « Nous nous joignons en solidarité avec la famille et les frères d'Alireza. En sa mémoire, et pour que son nom ne soit jamais oublié. Cela nous révolte que la Suisse nie le racisme systémique qu'elle exerce à l'encontre de la population migrante et des requérants d'asile. Alireza est une victime de la Suisse [...] contre laquelle nous venons aujourd'hui faire résonner nos tambours. »
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"Ne nous enterrez pas avec nos rêves." Par cette phrase, la banderole en tête du défilé résume la violence subie et le manque d'humanité auxquels font face les personnes exilées durant la procédure d'asile. Des conditions d'hébergement à la prise en charge des mineur·es non accompagné·es jusqu'à l’exécution des renvois. Un traitement inhumain que les associations genevoises qui s'activent dans le domaine de l'asile dénoncent et martèlent à répétition.
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À mesure que la manifestation s'engouffre dans les hauteurs de la vieille ville, les ruelles se font plus étroites. Les vitrines des magasins reflètent le défilé, gonflant subrepticement le nombre de participant·es. Sur les terrasses, la clientèle des cafés et des restaurants observe, incrédule, le cortège qui s'étire.
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En 2022, 24 511 demandes d'asile ont été déposées en Suisse dont 2 700 par des mineur·es non accompagné·es. Ils/elles viennent surtout d'Afghanistan. Depuis la prise du pouvoir par les talibans en août 2021 leur nombre a augmenté. Fin 2022, les jeunes isolé·es étaient 171 à être pris·es en charge à Genève. (Données: SEM/ Hospice général)
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N. : « Nous sommes dans un pays qui se targue d'être un havre de paix pour les personnes qui fuient les persécutions et les conflits dans leur pays d'origine. Cependant, la réalité est que de nombreuses personnes qui cherchent un refuge ici font face à des obstacles majeurs pour obtenir le statut de réfugié. Ces obstacles complètent des procédures d'asile longues et complexes, des décisions arbitraires et incohérentes des autorités ainsi que des conditions de vie difficiles pour les demandeurs d'asile dans les foyers inhumains.
Les personnes issues de certains pays sont souvent traitées de manière plus favorable que celles issues d'autres pays, créant ainsi des inégalités flagrantes. Les droits fondamentaux de l'homme doivent être respectés pour tous, quels que soient leurs origines ou leurs naturalités. Nous devons faire pression sur nos dirigeants pour qu'ils prennent des mesures pour garantir un traitement équitable des demandes d'asile. [...] Solidarité, justice, égalité pour tous ! »
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Devant l’hôtel de ville, de faux permis F sont déchirés puis jetés sur le pas de la grande porte en bois qui donne sur la cour du bâtiment administratif. Plusieurs policiers gardent les lieux, observent, en retrait. Cet acte symbolique est un rappel aux autorités de la précarité induite par ce statut. En Suisse, le permis F correspond à une admission provisoire dans le pays. Renouvelable tous les 12 mois, il est octroyé aux personnes n'ayant pas obtenu l'asile mais dont l'expulsion est jugée inapplicable au regard du droit international, de la mise en danger ou de l'impossibilité matérielle.
Dans les faits, son caractère "provisoire" est critiqué car il freine l'accès au marché du travail et ne permet pas de trouver facilement un logement. Se projeter dans l'avenir devient compliqué et ce, malgré une tendance à renouveler ces permis. Environ 45 000 personnes vivent aujourd'hui sur le sol helvétique avec cette autorisation temporaire selon le SEM.
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Face à la machine bureaucratique de l'asile, difficile pour les jeunes exilé·es de ne pas se reconnaître dans le parcours d'Alireza. Un frère pour les uns, un ami et un camarade de classe pour les autres. Son histoire renvoie aussi au destin tragique des personnes qui ont mis fin à leurs jours avant lui. Comme Ali Reza (homonyme) en 2019 ou Yemane en 2018. Les drames s'accumulent sans qu'une véritable prise en charge se mette en place.
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La majorité des garçons mineurs non accompagnés, dans le canton de Genève, sont logés au centre de l’Étoile. Un ensemble de bâtiments en préfabriqué, entourés de grillages près d'une voie rapide avec la présence d'agents de sécurité. Un environnement austère, décrit comme une "grande prison" par certain·es. C'est le plus grand centre pour mineur·es non accompagné·es de Suisse. À ce jour, 155 résidents (mineurs et jeunes majeurs) occupent les lieux.
Le centre de l'Étoile est géré par l'Hospice général, l'établissement public en charge des services sociaux dans le canton. Cette institution est critiquée pour ne pas apporter un encadrement suffisant et des conditions de logement adéquates aux jeunes exilés hébergés dans ce centre. Alireza ainsi que son homonyme, Ali Reza, résidaient dans cette structure. Ouvert en 2016 pour faire face à l'arrivée d'un nombre conséquent de requérant·es d'asile, ce foyer n'est pas adapté à un jeune public. Sa fermeture, annoncée à plusieurs reprises, est sans cesse repoussée, faute de places alternatives dans des structures plus petites.
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Le rassemblement touche à sa fin. Un autel est construit sur le mur extérieur de l'hôtel de ville. Des roses blanches et une dizaine de bougies accompagnent le visage d'Alireza, de Yemane et d'Ali Reza sur une pierre froide. Un dernier geste pour que leur mémoire, et celle de toutes les personnes qui se sont données la mort dans l'exil, ne tombe pas dans l'oubli.
Portfolio 23 avril 2023
À Genève, un rassemblement pour alerter sur la situation des personnes exilées
Le 29 mars dernier, une nouvelle manifestation s'est tenue dans les rues de Genève pour dénoncer les conditions d'accueil et de vie des personnes exilées dans le canton suisse. Ce rassemblement fait suite à un nouveau drame : le suicide d'Alireza, jeune requérant d'asile afghan de 18 ans qui s'est donné la mort à l'annonce de son expulsion vers la Grèce.
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