Le père d'adoption de Léonard de Vinci était tailleur de pierres; Le père de Jean-Baptiste Godin était fumiste, un ouvrier chargé de l'installation et de la réparation des cheminées et des appareils de chauffage.

Né en 1817, il quitte l'école à 11 ans. Il continue à s'instruire en autodidacte avant de commencer son Tour de France, le métier de la métallurgie en héritage.

Godin est un bâtisseur dans l'âme. Il est en permanence dans l'innovation. Grâce à son idée géniale de remplacer la tôle de fer par la fonte, un matériau plus résistant, plus ductile, plus calorifique, il va passer en 30 ans d'un atelier de 30 personnes à une industrie de 1 000 employés et devenir le n°1 mondial dans son domaine.

Inspiré par ses lectures du philosophe socialiste Charles Fourier, engagé contre le paupérisme ouvrier qu'il a connu lors de son Tour de France, et fort de ses qualités d'entrepreneur, il s'engage, à partir de 1859, dans la construction du Familistère, une cité de 2 000 habitants, qui reflète sa quête d'un idéal pratique de justice social. 

Un logement digne de 50 m2 pour 5 personnes. L'habitation collective vise à fonctionner comme un « condensateur social » dont l'architecture cherche à faciliter la communication entre les habitants. Godin fabrique la machine à habiter ensemble. La solidarité pour principe, il se fait designer de l'hospitalité.

Pour éviter les épidémies, Godin intègre les contraintes issues des théories hygiénistes pour établir les plans du phalanstère : un bâtiment séparé des logements est dédié à la laverie. Sur le chemin entre l'usine et le familistère, les ouvriers y trouvent aussi des douches.

Au Familistère, l'instruction jusqu'à l'âge de 14 ans est obligatoire pour les garçons comme pour les filles. Les cours sont mixtes et laïques (pas d'église sur le terrain).

En plus de la lecture, des mathématiques et de l'histoire, l'enseignement vise à assurer l'autonomie alimentaire des futurs adultes par des cours de potager. Il y a même des cours de natation pour éviter les noyades dans l'Oise qui longe le terrain du Familistère. Toujours dans l'innovation, l'eau alimentant la piscine et le lavoir est chauffée par l'usine.

Le Palais social offrait « les équivalents de la richesse », c'est-à-dire qu'il mettait à la disposition de la communauté  les avantages matériels mais aussi intellectuels et culturels habituellement réservés à la bourgeoisie dans le but d'une émancipation  sociale et politique pacifique. Tout de bois et de velours, le théâtre est chaleureux et doté d'un système ingénieux avec une scène en pente pour permettre à tous de bien voir le spectacle.

Selon Godin, « La grève est un véritable malheur public ». C'est au théâtre qu'ont été débattus les sujets à l'origine des grèves que le Familistère a connues. Ainsi, lors de la mise en place des pénalités en cas de retard à la prise de son poste, Godin est venu au théâtre expliquer que ces pénalités allaient alimenter les fonds dédiés à la mutualité santé offerte aux locataires du Familistère.

Aboutissement de cette vie d'innovations techniques et sociales, Godin fonde en 1880 l'Association coopérative du capital et du travail au sein de laquelle les travailleurs acquièrent le rang d'associés. Le Palais et ses usines sont devenus, le temps de la vie d'un homme, leur propriété collective, pérenne jusque 1968. 

En 1972, alors que les Charlots chantent « Merci Patron », le Forum de Davos se tient pour la seconde année avec l'ambition de façonner le monde.

Depuis, la Société du Spectacle a complètement englouti l'oeuvre de Godin dans « les voluptés et les somptuosités de Babylone ».

Souvenirs d'une visite du Familistère, le 1er mai 2023 : ce billet, comme l'un des trophées que les ouvriers réalisaient chaque année au Familistère pour la Fête du Travail, depuis sa première célébration en 1867.

Crescendo : Une usine, des logements, des sanitaires, une école, une vie culturelle, un syndicat, une coopérative…toujours innover ou comment fabriquer une pensée critique...Merci Monsieur Godin.