H JAN (avatar)

H JAN

Abonné·e de Mediapart

207 Billets

0 Édition

Portfolio 5 novembre 2023

H JAN (avatar)

H JAN

Abonné·e de Mediapart

Suis-je un cocu imaginaire ?

Dans le climat de défiance globalisée, la thèse de Jean Jaurès est une saine lecture pour le citoyen qui aspire à voir le monde dans sa réalité crue, plutôt qu’au travers des préjugés, des siens et des autres.

H JAN (avatar)

H JAN

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  1. Illustration 1

    « On croit naïvement à la réalité d'un objet sur les témoignages concordants de ses sens »

    Je vois l'indigence de l'hôpital, la crise dans l'éducation nationale, les défaillances de la police. J'entends pénurie d'eau et d'énergie, disparition des poissons, perte de surfaces arables, infertilité des individus. Ce tableau apocalyptique est-il réel ?

    Comme « on ne doute pas de ce que nos mains touchent…car il n’y a pas de reflet dans l’ordre des sensations tactiles contrairement à ce que l’on voit ».

    j'ajoute qu'y avait un état et qu’il n’y a plus rien. Aujourd'hui, c'est l'absence de la diplomatie quand l'état français ne fait qu'exprimer au gouvernement israélien « son étonnement et son incompréhension  » de voir les locaux de l'Agence France presse bombardés. 

    Je me sens bafouée par un état totalement inconsistant. Comme la nature a horreur du vide j'ai remplacé la sensation de ce vide abyssal par un pouvoir incommensurable : Le Monde de Davos. 

    Comme un phénomène « à beau apparaître avec intensité, vous pouvez encore vous demander s’il est réel ou imaginaire »,

    il se peut que ce blog, issu de mes vérités sensorielles, ne soit en réalité qu'un violon d'Ingres, une lubie, une illusion, une hallucination.

  2. Illustration 2

    Si « l'image est ferme, précise, vigoureuse, et de plus, elle est persistante. Voilà un premier signe de la réalité. Il est de l'essence même de la forme de s'affirmer persistante dans les variations suffisamment libres de ses éléments, c'est-à-dire, en somme, de durer. »

    Davos n’était jusque-là qu'un marronnier de janvier des journaux papier ou télévisés. Donc, le fait même que je décrive de façon hebdomadaire, depuis deux ans, l'influence de WEF sur l'état français constitue un signal sensoriel persistant et durable qui pourrait déclencher au moins un questionnement : Davos est-il plus qu’un événement mondain annuel ?

    Pourtant, la probabilité que le citoyen soit totalement indifférent à cette sollicitation est élevée tant tous ses sens sont accaparés, capturés, saturés par des signaux bien plus forts. On en vient même avec le conflit entre Israël et la Palestine à être obligé de voir le monde avec les yeux d’une Chimène juive ou d'une Chimène musulmane.

  3. Illustration 3

    « Sans doute, même dans ces moments de pensée forte ou d'émotions désintéressée, notre personnalité subsiste, marquant de son caractère propre nos émotions et nos pensées. »

    Chaque billet de ce blog a été écrit sous le coup d'une émotion teintée d’ironie parce que c’est chez moi un penchant naturel.

    De même, parmi toutes les personnalités publiques qui s’expriment sur le conflit entre Israël et la Palestine, chacune vous propose de voir le conflit avec ses propres lunettes, plus ou moins déformantes, selon que la correction soit historique, psychologique, économique ou émotionnelle. Au centre de la lentille, vous trouvez alors Yitzhak Rabin, la Shoah, la colonisation ou les massacres du 7 octobre. 

    Il est notable qu'en politique, plus la distance focale est courte, plus l'angle de champ est petit et la taille des individus élevée. Ainsi, quand le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby, fluctue entre larmes et insensibilité selon qu'il s'agisse de l'Ukraine ou de Gaza, on comprend qu'il a changé de lunettes.

    Les personnalités les plus dangereuses sont bien sûr les Docteur Folamour ou, selon le titre entier du film, ceux qui vous apprennent à ne plus vous en faire et à aimer la bombe, pour régler le conflit civilisationnel dont ils rêvent si fort qu'ils créent les occasions pour en faire une réalité, en lançant ici une insulte ou en transformant l'histoire à la César.

  4. Illustration 4

    « Pourquoi les hommes perçoivent-ils la réalité de tant de manières différentes ? »

    Cette interrogation est le point de départ de la thèse de Jean Jaurès intitulée « De la réalité du monde sensible ».

    Suivant la démarche méthodologique qu'il propose, j’ai commencé à aborder le rôle que jouent nos sensations et nos émotions dans la génération d'une multitude de « réalités ». 

    Continuons car « il ne faut pas que le monde des sens fasse obstacle aux clartés de l'esprit.»

  5. Illustration 5

    « Au contraire des visions du rêve, les visions de la vie réelle forment un système où tout est lié, où tous les faits sont rattachés les uns aux autres par la loi de causalité. »

    J'aurais pu m'arrêter à observer les manquements de l'état, à n'y voir qu'une succession de hasards malheureux et conclure que le monde est fou.

    Mais convaincue de la réalité du Monde de Davos, j'ai cherché à révéler la chaîne d'évènements qui relie la fondation du Forum de Davos en 1971 à la fragmentation actuelle des démocraties, en passant par le Manifeste de Davos en 1973, le passage du statut de fondation à but non lucratif au statut d'instance internationale en 2015 ou le rappel en 2020 par le directeur de Davos de ce qu'est le « stakeholder capitalisme », une structure satellitaire qui remplace peu à peu la structure pyramidale de la démocratie représentative.

    Contrairement aux rêves où l’histoire n’a ni queue, ni tête, le réel est ce qui est intelligible et la liaison intelligible se trouve dans l’enchaînement causal entre les événements. Accuser d’antisémitisme celui qui recherche les causes du massacre perpétué par le Hamas le 7 octobre revient donc à faire de cet événement un cauchemar au lieu de l'ancrer en tant que réalité substantielle sur laquelle bâtir un futur solide.

  6. Illustration 6

    « Le réel, c'est ce qui est intelligible »

    Le pouvoir des médias réside dans le choix des événements qu’ils portent ou non, à notre connaissance.

    Ils peuvent révéler ou occulter la chaîne causale entre des événements ponctuels en les mettant ou en les retirant de leurs pages ou de leurs reportages.

    C’est donc à eux que la population doit d’avoir une vision du monde intelligible ou incompréhensible.

  7. Illustration 7

    « Dans le système de Démocrite, ce qui était le fond de la réalité, la base de l'univers, c'était l'atome...Descartes considérait l'étendue comme l'essence même de la matière »

    Si je n'arrive pas à montrer la réalité du Monde de Davos, est-ce parce que je trouve indécent de parler de moi ?

    Or notre époque aime à décrypter le monde à l’échelle de l'individu. Il revient donc à l'individu de rendre visible les ressorts invisibles de la géopolitique. Par conséquent, notre époque opte pour les jumelles, voire le microscope, qui s'intéresse à JE en majuscules

    Outre de parler du conflit Israël - Hamas et non Israël - Palestine, le traitement du conflit entre Israël et la Palestine est symptomatique :

    • >Par média interposé, on peut faire le paquetage des réservistes de Tsahal en faisant les courses dans un supermarché de Tel-Aviv : et je mets dans le caddie un savon, une brosse à dent, la mousse à raser…
    • >Par contre, avec un risque d'erreurs non négligeable, c'est seul que mon cerveau établit, sur base de ce qu'il capte, une hypothétique chaîne causale entre la « normalisation » d'Israël signée par le Maroc, la reconnaissance par Israël des droits du Maroc sur le Sahara occidental, le silence du Maroc dans les premiers jours suivants le 7 octobre, l'article d'un journal algérien sur des marocains dépossédés de leur terre par des colons israéliens, de récentes explosions au Sahara occidental,...

    Selon le traitement de l'information, on voit comment la réalité de l'espace d'un conflit peut différer : locale ou globale.

  8. Illustration 8

    « Quand j'oppose le philosophe au vulgaire, qu'on m'entende bien : il n'y a pas dans mon propos le plus petit grain d'aristocratie. Je n'admets point qu'il y ait des castes dans les intelligences humaines. Il n'y a point des hommes qui sont le vulgaire, d'autres hommes qui sont les philosophes. Tout homme porte en lui-même le vulgaire et le philosophe. »

    Ceci lu, je continue ma recherche de la réalité au-delà du « monde changeant des sens. »

  9. Illustration 9

    « C'est l'esprit qui voit par l'oeil, l'esprit est un puissant architecte d'images, mais un architecte aventureux qui, avec quelques fragments de réalité dont il comble les intervalles, bâtit bien souvent des chimères. »

    J'ai ressenti l'empreinte de Davos dans ma vie quotidienne comme si une secte cherchait à faire main basse sur ma conscience par un prosélytisme forcené sur les bienfaits du Progrès, tout en m'imposant ses rituels et ses codes, en particulier cette façon de tout mesurer et de tout évaluer en vert, jaune, rouge.

    Athée, comme 50% de la population française selon les chiffres de l'INSEE, je vivais la montée de l'idéologie néolibérale comme un étouffement. Rationaliser Le Monde selon Davos me permet de garder mes distances avec cette espèce de religion.

    Par contre, mon athéisme ne me permet pas d'appréhender les émotions qui animent la moitié croyante de la France. Je suis comme une autiste face à des neuro-typiques. A mes yeux, le conflit entre Israël et la Palestine n'est qu'un ex-véto lamentable, une souffrance des populations offerte à un dieu qui n’en croit certainement pas ses yeux.

  10. Illustration 10

    « Dire que Dieu, étranger lui-même à la douleur, la produit, qu'il fait simplement métier de créer la douleur, c'est véritablement nier Dieu. »

    Dans cette république française, laïque, à forte tradition anticléricale, j'ai grandi en créant des univers avec mon andouillette de Guémené, des cercles à l'infini pour faire des 8, des étoiles, des binocles, des bonhommes et en entendant les adultes bouffer du curé. J'ai fini par imaginer le paradis comme une terre d'accueil pour les sans-religion dont les extrémistes religieux va-t-en guerre sont expulsés.

    Alors quand Emmanuel Macron a déclaré que la Cité internationale de la langue française était un « rêve fou », devenu réalité, qui consacre le français dont le but, « doit être de continuer de se répandre et d'être compris », j'ai imaginé qu'avec pas moins d'une centaine de mots argotiques pour désigner un prêtre défroqué, le français pourrait en effet bien être la langue pour défendre « l'unité et l'universalité » mise en danger par des religions mal embouchées.

  11. Illustration 11

    « Le monde, pour être réel, doit non seulement être soumis à l'enchaînement causal, mais encore être organisé en systèmes relativement fixes...et il ne suffit pas que dans le monde il y ait des lois; il faut que ces lois soient constatées. »

    Le sociopathe n'a que faire de son impact sur l'Autre, que cet Autre soit la nature, un concitoyen, un co-religionnaire ou un étranger. Quelle que soient ses motivations, jamais ne pèse sur lui le poids de sa responsabilité. 

    Le nationalisme intégral a toujours réfuté avoir été à l’origine de l’inspiration assassine, restée impunie, contre Jean Jaurès ou contre Yitzhak Rabin même si peu de temps avant, Léon Daudet écrivait dans le journal Action Française : « En aucun cas nous ne souhaitons inviter quiconque à commettre un assassinat ; toutefois, que Jean Jaurès agisse avec prudence » ou Benjamin Netanyahu incitait à la disparition de son opposant.

    Etonnants, ces intellectuels qui ne voient que par « l’action politique, et politique d’abord » mais qui réfutent toute responsabilité dans les débordements de cette même action politique. Je pense ici au cynisme d’appeler les écologistes des terroristes.

    « Ne tirer pas sur l'ambulance » ? Le sociopathe ne connaît pas tant la notion même de conscience lui est totalement inaccessible. A ce niveau de liberté, la liberté du sociopathe touche à l'extase. 4% de la population « bénéficie » de cette pathologie. L'incidence grimperait à 10% chez les détenteurs de pouvoir. 

    Pour le reconnaître ? Ses émotions sont complètement superficielles, exceptée sa colère qui explose dès que vous osez remettre en question la haute opinion qu'il a de lui. De plus, le sociopathe a une tendance générale au mépris, à l'humiliation et à la violation des lois que ce soit les accords de Genève ou la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

  12. Illustration 12

    « Il suffit donc que l'esprit puisse durer assez pour que la permanence de la forme et de la loi se révèle à lui dans les phénomènes changeants. »

    Le Hamas a frappé Israël 50 ans après la guerre du Kippour. Sinistre.

    Par contre, le cinquantième anniversaire du Manifeste de Davos n'a pas été marqué alors que WEF a indiqué qu'il s'agissait de l'acte fondateur de la société néolibérale basée sur la fusion public-privé en vue de financiariser tous les aspects de la vie.

    Chaque année, en janvier, WEF fixe sur base de son rapport annuel des risques, les objectifs que les gouvernements se doivent de mettre en oeuvre. La permanence de la forme et de la loi est prégnante mais reste l'organisme a tout de « l'homme invisible qui ne voit rien que son intérêt propre et son salut. Tous ses projets égoïstes et brutaux. Il a blessé des gens et il en tuera d’autres, si nous n’arrivons pas à le prévenir. Il soulèvera une panique. Rien ne peut l’arrêter. Le voilà maintenant lancé, furieux. »

    Car le Hamas, au-delà d'Israël, a remis en cause une notion essentielle pour le néolibéralisme qui est la gestion du risque. Née de sa profonde défiance envers l'Homme, il exige la transparence de nos vies pour les IA qui se goinfrent de nos data pour anticiper tout ce qui peut diminuer leurs retours sur investissements. Le Hamas a donc commis un terrible blasphème en remettant en cause le fondement même du néolibéralisme.

  13. Illustration 13

    « Veut-on dire que le principe générateur et organisateur de la réalité n'est autre que le moi que nous trouvons en nous ? Mais il ne s'agit pas évidemment du moi de nos passions, de nos imaginations, de nos associations d'idées, de ce moi qui voit jaunes les objets rouges. Il ne s'agit même pas du moi qui perçoit la réalité sous la forme de l'espace, du temps et des catégories...Il s'agit du moi créateur d'unité. »

    Et Jean Jaurès de nous inciter à travailler et à agir sur nos imperfections en prenant conscience de notre modeste orbite.

  14. Illustration 14

    « C'est une ère d'impuissance raffinée et de débilité prétentieuse qui ne durera pas; la conscience humaine a besoin de Dieu et elle saura le saisir malgré les sophistes qui n'en parlent que pour le dérober; la société humaine a besoin de justice fraternelle.»

    ou comment combiner croyance en Dieu et convictions socialistes. 

  15. Illustration 15

    Le temps presse : pour Gaza, pour l'environnement, pour la biodiversité. Il faut agir.

  16. Illustration 16

    « L’essence même de la vie religieuse consiste à sortir de son moi égoïste et chétif, pour aller vers la réalité idéale et divine »

    Entre l'effroyable « souvenir » de la Shoah et la désastreuse ambition de la possession d'une terre exclusivement juive inspirée du livre de la Genèse, à quoi peut ressembler cette cité idéale sans poursuivre la colonisation effrénée et l'apartheid qui mettent à mal les principes de base de notre société ? 

    Si la brutalité a pris une autre forme, le néolibéralisme a colonisé également, depuis 50 ans, toutes les structures de la société et notre statut de citoyen est remis en cause par notre asservissement en tant que consommateur. La même question se pose : à quoi peut ressembler cette cité idéale ?

    C’est à nous de répondre.

  17. Illustration 17

    « Si la conscience absolue est la réalité, elle est la réalité idéale, et le seul moyen qu'aient les forces et les âmes de se rapprocher d'elle, c'est de ne point déserter leur modeste destinée individuelle, enchaînée à d'autres destinées; c'est de régler leurs rapports avec les forces et les âmes voisines selon l'harmonie et la douceur. »

    Et si la réalité, c'était finalement ce qui met, tout simplement, des paillettes dans les yeux ?

    Références du billet :

    • >Jean Jaurès, De la réalité du monde sensible
    • >Molière, Sganarelle ou le cocu imaginaire
    • >H.G. Wells, L’homme invisible
    • >Nougaro, Y avait une ville
    • >La fabrique des lumières, Gaudi - Dali

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.