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Portfolio 7 avril 2020

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Confinement et harcèlements pluriels : #JeNeSuisPasUnVirus

Mardi 31 mars, un drame en pleine pandémie s'est joué en Sicile. Un infirmier a étranglé sa compagne, étudiante en pédiatrie, après l'avoir accusée de lui avoir transmis le Covid_19. Isolées en période de lock down, les femmes victimes de violences sont encore plus exposées. Le confinement exacerbe aussi le racisme primaire et le cyberharcèlement.

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    L’actualité a choqué l'Italie entière. Un infirmier de 28 ans, Antonio De Pace, a été arrêté pour le meurtre sa petite amie, Loredana Quaranta (27). Les faits se sont déroulés à leur domicile, située dans la banlieue de Messine. Après avoir tenté de se suicider en se tailladant les veines, le suspect a appelé les carabinieri. Une fois interpellé, il a expliqué aux forces de l’ordre qu'il avait étranglé sa partenaire parce qu'elle lui avait « transmis le coronavirus ». L’argument semble être un faux alibi. Des tests réalisés sur le corps de la jeune femme, comme sur Antonio de Pace se sont révélés négatifs.

    Des violences de genre

    Lorena était une étudiante passionnée par son futur métier. La couverture de son profil Facebook la représente en service, masque de chirurgie sur le visage, avec deux mots lourds de sens en légende : « Ma place ». Son dernier message posté sera prémonitoire : « Maintenant plus que jamais, nous devons faire preuve de responsabilité et d'amour pour la vie. Ayez du respect pour vous-même, vos familles et votre pays. Nous restons unis, chacun dans sa propre maison. Evitons que le prochain malade soit un être cher ou nous-mêmes » livrait-elle. La nouvelle de son décès a bouleversé la ville de Furci Siculo. « Nous sommes choqués, notre communauté a toujours été à la pointe de la lutte contre les violences de genre » a exprimé Matteo Francilia, le maire de la ville où le crime a eu lieu.

    Vendredi 3 avril, c’est le même tableau qui se joue en Belgique. Le corps de Naomi Melaer (25 ans) est retrouvé sans vie dans son habitation de Zonhoven, dans le Limbourg. La victime est allongée dans la salle de bain. Des fleurs et des bougies entourent son corps qui présente des signes extérieurs de coups. Son partenaire, âgé de 36 ans, est rapidement interpellé. Selon des proches, le couple n’avait aucun problème, mais une violente dispute aurait éclaté juste avant le drame.

    Ces féminicides ravivent, un peu partout en Europe, les inquiétudes des femmes victimes de violence, contraintes à une cohabitation forcée. Depuis le début du confinement, les actes de violence recensés ont augmenté de 30%. Un drame dans le drame…

    Une libération de la parole raciste

    L’inquiétude qui saisit le monde se transforme en « hystérie collective ». La crise sanitaire entraîne dans son sillage une libération de la parole raciste sur les réseaux sociaux, avec une ostracisation de toutes les personnes d’origine asiatique. Des blagues potaches aux agressions ouvertes, le coronavirus est le prétexte au déversement de messages haineux.

    A Berlin, une Chinoise de vingt-trois ans témoigne avoir subi des insultes racistes et avoir été agressée par des inconnus dans la rue. En Australie, dans un supermarché de Port Hedland, un employé refuse l’entrée du magasin aux personnes d’origine asiatique en expliquant vouloir éviter la propagation du COVID-19. Aux Etats-Unis, une Américaine d’origine thaï est agressée verbalement dans le métro de New York par un homme lui criant des propos liés au COVID-19. En Italie, un bar près de la fontaine de Trevi à Rome interdit l’entrée de toute personne venant de Chine par « mesure de sécurité internationale ». En France, une actrice japonaise travaillant pour Louis Vuitton reçoit des commentaires liés au COVID-19 sur la page Instagram de l'entreprise. En Belgique, des stratégies d’évitement à l'égard de la communauté asiatique sont remarquées dans les lieux publics. Garderie refusant les enfants, remarques dans les transports en commun, femmes pointées du doigt, les témoignages se multiplient. De manière générale, partout en Europe, les commerçants et restaurateurs chinois subissent une baisse dramatique de leur chiffre d’affaires d’environ 70 %.

    Cette épidémie de racisme anti-asiatique provoque le lancement du #JeNeSuisPasUnVirus sur les réseaux sociaux.

    Le printemps,  la haute saison du harcèlement

    Avoir fermé les établissements scolaires engendre aussi des effets pervers. Début mars, une élève du collège Sainte-Véronique à Liège, en Belgique, est testée positive au coronavirus et reçoit une salve d'insultes. En Australie, c’est une vidéo poignante de Quaden, un jeune enfant Australien victime de cyberharcèlement, qui fait le tour de la toile, rendant compte de la cruauté que peuvent subir les enfants dès le plus jeune âge.

    Parenthèse enchantée ou enfer à domicile, pour relâcher la pression du confinement, certains parents délèguent une partie du job aux écrans. Or, les réseaux sociaux désinhibent les utilisateurs. Et cela n'arrive pas qu'aux autres : 40% des élèves de collèges et lycées déclarent avoir déjà été victimes d'une agression sur internet et 6% de manière régulière, selon l'essai de Catherine Blaya « Les ados dans le cyberespace ».

    Attention : nous sommes dans la haute saison du harcèlement ! Selon les spécialistes de la cybercriminalité, à la sortie de l’hiver, les hormones rendent les adolescents plus impulsifs. Afin de lutter contre l'effet « caisse de résonance » des réseaux sociaux, s’il faut travailler à sensibiliser les enfants et les adolescents, la prévention devrait aussi viser les adultes, estiment certains responsables associatifs, et ce afin de fédérer autour du slogan : « liker, c’est déjà harceler ! »

    Pas de pandémie sans bouc émissaires

    Peste, choléra, grippe espagnole, sida, virus Ebola, si l'histoire de l'humanité est émaillée d'épidémies, elle nous rappelle aussi qu’il n'y a pas d'épidémie sans boucs-émissaires. Au Moyen Âge, le peuple juif fût désigné responsable de la peste noire. Dans les années 80', la communauté homosexuelle fut accusée d'avoir propagé le sida. Voici à présent les Chinois jugés coupables de disséminer le coronavirus dans le monde. C’est faire preuve de simplisme. L’être humain n’est pas un virus !

    #JeNeSuisPasUnVirus

    Vous êtes victime de violences intrafamiliales, de racisme primaire ou de cyberharcèlement ? Un seul numéro d’appel d’urgence européen : le 112

    Alessandra d’Angelo

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