Alessandra d'Angelo (avatar)

Alessandra d'Angelo

Journaliste d'investigation judiciaire - Professeure de droit - Auteure

Abonné·e de Mediapart

0 Billets

0 Édition

Portfolio 29 mars 2020

Alessandra d'Angelo (avatar)

Alessandra d'Angelo

Journaliste d'investigation judiciaire - Professeure de droit - Auteure

Abonné·e de Mediapart

Coronavirus et pénurie de civisme: L’homme est-il un loup pour l’homme ?

Les écoles sont fermées, mais l'éducation aux bonnes pratiques est au programme. Des forces de l’ordre sont mobilisés, partout en Europe, pour s’assurer que les mesures de confinement soient bien respectées. Les appels à la retenue ne sont cependant pas entendus par tous. Ces derniers jours, des incidents dus au non-respect des consignes de base ont éclaté en France et en Belgique.

Alessandra d'Angelo (avatar)

Alessandra d'Angelo

Journaliste d'investigation judiciaire - Professeure de droit - Auteure

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  1. Illustration 1
    © Capture Facebook

    #OnVousApplaudit - Le hashtag est désormais familier. Et pourtant, s’ils applaudissent le personnel soignant le soir, d’aucuns se sentent peu concernés la journée. Sorties non primordiales, faits d’incivilité, vols et violences urbaines, il y a des gestes posés hallucinants d’inculture que l’on préférerait ne pas voir dans un idéal pensé, en cette période d’exception, collaboratif au mieux-être de chacun.

    Des comportements primitifs

    En début de confinement, de nombreuses personnes se sont ruées dans les supermarchés. Les rayons de papiers toilette et de pâtes ont été dévalisés. Encore aujourd’hui, « chariots de courses inutilement pleins et manque de courtoisie dans les files d’attentes, la peur de manquer continue à rendre certains clients agressifs, voire hystériques. Un comportement purement insupportable », raconte cette cheffe de rayon dans une enseigne de la grande distribution. Pour calmer le jeu, des marquages au sol ont été posés devant les caisses. Souvent ignorés, mais indispensables, les agents de sécurités sont eux aussi particulièrement malmenés verbalement. Des tentatives d’intrusion ont même eu lieu dans plusieurs entrepôts, tandis que les cambriolages dans les magasins sont en hausse.

    Poussée de fièvre autoritaire, sur la voie publique, la police a dû intervenir dans plusieurs villes françaises et belges, notamment parce que certaines personnes ne respectent pas les règles de distanciation dans les parcs et autres lieux de potentiel rassemblement. Des cafés clandestins ont même été découverts à l'arrière de commerces. Est-il également utile de rappeler que les hypermarchés ne sont pas une aire de jeu pour occuper les enfants, ni une sortie pour compenser l’ennui ou faut-il mettre les sous-titres?

    Un délit d’épidémie ?

    Egoïsme et manque de civisme, il y a des choses que l’on préférerait ne jamais lire... « On va mourir à cause de toi ». Depuis quelques jours, Sabrina, infirmière à domicile, reçoit des messages agressifs de son voisinage devant sa porte d’entrée. Avec la pénurie de matériel, le personnel soignant est aussi victime de vols. Masques, gants, blouses et gels hydroalcooliques, les effractions dans les cabinets médicaux s’additionnent. Des véhicules de soignants ont été fracturés et des ambulances pillées. Des infirmières ont même été agressée lors de leurs visites à domicile. Alors que les soignants sont en première ligne face à l'épidémie et sauvent des vies, confrontés à la méfiance ambiante, certains sont priés de quitter leur immeuble par peur instillée de la contagion, pendant que d’autres reçoivent des messages de menaces sur le pare-brise de leur voiture.

    Toutes ces réactions primaires ne sont, à l'évidence, pas vraiment des déclarations d’amour, comme c’est pourtant l’usage consensuel à nos balcons et fenêtres, tous les jours, à 20 heures.

    La peste ou le choléra

    « Homo homini lupus est », la citation de Plaute (2ème siècle avant Jésus-Christ), rendue célèbre par Thomas Hobbes, semble tristement d’actualité. Elle résume l’homme à un être sans scrupules agissant au détriment de ses semblables. Alors que l’état de siège est viral et le confinement imposé, la voracité de l’être humain ne cesse de faire parler d’elle. L’instinct de survie se confond avec la bestialité des comportements avérés. Mais, en détruisant ses semblables pour neutraliser l’obstacle qui se présente à lui, l’homme oublie un paramètre : il s’autodétruit. Car si la civilisation est au service de la vie, le mécanisme d'extériorisation de pulsions primaires égocentrées, par lequel l'homme devient un loup pour l'homme, la détruit.

    La Chine a réussi à réduire de façon significative son nombre de contaminations quotidiennes au prix de mesures d’isolement drastiques, de citoyens masqués et d’agents de terrain dument équipés. C’est à cette condition seulement que nous éviterons le chaos italien. Alors, si individuellement, nous sommes bien peu de chose, nous pouvons, à tout le moins, tenter d’élever notre conscience collective.

    Cette pandémie foudroyante n’est pas un « escape game » qui se joue en solitaire. Citoyenneté et civisme sont les seuls mots d’ordre viables pour faire face à la crise sanitaire mondiale. Les historiens l’ont souvent décrit. Les grandes épidémies de maladies infectieuses ont été, de tous temps, d'une effroyable force meurtrière. Après le télétravail, le plaisir de retrouver les petits bonheurs simples et le sens de la famille, la culture en mode virtuel et le développement personnel, le confinement total doit nous rappeler son sens premier. On se pose, mais posons-nous les bonnes questions !

    Le pic épidémique du coronavirus doit encore frapper. Nous ne sortirons pas de cette peste qui nous est imposée en choisissant le choléra, mais en misant sur une vraie solidarité, à tous les échelons, à l’unisson et droit devant. En ligne de mire, une seule mission dédiée : participer à inverser la courbe du nombre de personnes infectées pour assurer, ensemble, la pérennité de notre Humanité !

    « Le paradoxe de la condition humaine, c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres » (Boris Cyrulnik)

    Alessandra d’Angelo

     

  2. Illustration 2

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.