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Billet de blog 7 mars 2020

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En défense de Jean Vanier, chapitre 4

Aujourd’hui, point de vue de Arnaud Dumouch sur le communiqué de presse accusant Jean Vanier d’avoir commis des agressions sexuelles. Ce blog essaie de démontrer l'inanité de cette accusation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jean Vanier était un homme libre qui a travaillé, non pour sa gloire, mais pour essayer de rendre la vie des personnes accueillies à l'Arche plus belle. Pas pour devenir un Saint destiné à figurer sur les calendriers catholiques, comme le proclamaient avant le 22 février 2020 ceux qui, du jour au lendemain l'ont fait passer directement du statut de Saint à celui de criminel.

Arnaud Dumouch dès la diffusion urbi et orbi du communiqué de presse de M.Posner a de façon très fine bien distingué crime et péché dans la vidéo mise en ligne le 23 février.

Le texte écrit de sa vidéo permet de s'attarder sur beaucoup de points cruciaux qui avaient échappé à la horde des auteurs de commentaires d'autant plus haineux qu'ils avaient été précédemment plus hagiographiques, comme pour sen excuser.

Bonjour. Nous sommes le 23 février 2020.
Hier a été révélée à la presse,
et ça a fait tache d'huile sur tout Internet,
l’affaire « Jean Vanier ».

Je rappelle de quoi il s’agit.
Jean Vanier est le fondateur, il y a une cinquantaine d'années,
d’une association catholique
qui s'occupe, dans l'Église, des personnes handicapées,
qui les reçoit, qui leur donne une dignité.
De cet homme, d'un très grand dévouement
et d'une très grande qualité morale et intellectuelle,
il a été révélé hier,
suite à l'enquête d'une association indépendante
par Stéphane Posner qui est le président général
de l'Arche de Jean Vanier
que Jean Vanier avait eu durant sa carrière,
des années 1970 à à peu près 2005
à peu près six femmes adultes non handicapées
comme maîtresses, successivement.

Il y a la circonstance aggravante que ces femmes-là…
il s'en occupait, il les suivait spirituellement.
Jean Vanier n'était pas un prêtre,
mais un homme célibataire consacré à cette œuvre-là en particulier.
Alors, pourquoi je fais cette vidéo ?

Parce que je voudrais rappeler simplement la loi.
La loi et le bon sens qui président dans l'Église catholique
On peut dire que, depuis à peu près soixante ans,
depuis les années 1960,
globalement dans l'Église on a vu un excès se réaliser.
À savoir que, crime et péché
étaient gardés dans la même attitude de secret et de non-révélation.

Il me faut rappeler maintenant ce que c'est qu'un crime.
Un crime c'est quelque chose qui est aussi défini par la loi civile.
Nous sommes dans une civilisation
basée sur le catholicisme.
Le crime, c'est par exemple le viol.
C'est aussi l'abus sexuel concernant une personne fragilisée.
Une personne mineure, c'est la pédophilie bien sûr.
Cela, c'est un crime par définition.

La loi civile et la loi religieuse se rejoignent
pour reconnaître qu'il y a là un phénomène gravissime
qui est passible d'ailleurs de peines pénales.
Le péché, c'est ce qui est lié à la morale sexuelle en l'occurrence ici.
Par exemple, quand un homme
va sur internet et consulte des sites pornographiques
c'est un péché.
Lorsqu'un homme adulte a une maîtresse adulte,
qui est consentante
même s'il y a entre eux un état de faiblesse réciproque,
c'est de l'ordre du péché.
C'est ce qu'on appelle un péché mortel de faiblesse.
Saint Thomas d'Aquin en parle : « le péché contre le Père »,
parce qu'on attribue dans la Trinité, au Père
la toute puissance. Et donc la faiblesse est en rapport.
Le péché est traité par la loi des hommes, la loi pénale…
de manière non judiciaire.

Les hommes et les femmes qui subissent des péchés,
ou qui commettent des péchés entre eux,
sont appelés à résoudre leurs problèmes mutuellement.
Dans l'Église catholique c'est pareil.
Le péché n'a pas du tout le même traitement que le crime.
Le pape François l'a rappelé en ce qui concerne les crimes,
particulièrement s'ils concernent des enfants,
il doit y avoir dénonciation au pouvoir judiciaire et enquête.
Dénonciation privée, bien sûr, parce qu'il peut y avoir
de fausses accusations.
Il faut vérifier que la chose a vraiment eu lieu.
En ce qui concerne le péché, le traitement de l'Église
c'est la confession,
et une pénitence qui consiste souvent
à réparer auprès de la personne envers qui l'on a péché,
lorsqu'il y a véritablement
possibilité, ou nécessité de réparer.
Attention ! C'est une loi voulue par Dieu.
Ce n'est pas seulement une loi de l'Église.
En effet, on sait que les péchés,
les pensées mauvaises que nous avons en nous…
notre visage ne les révèle pas.
Cela veut dire que c'est caché dans le secret des cœurs
Un homme qui publiquement…
révélerait un péché
est passible de la loi des hommes.

Cela paraît normal parce qu'il y a une distinction entre les deux.
Je donne un exemple.
Un évêque, il y a à peu près quinze ans…
un évêque suisse a révélé publiquement…
que l'un de ses prêtres avait manifestement une maîtresse.
Le prêtre a porté plainte.
L'évêque a été condamné par la justice suisse
à dix mille francs suisses de dommages et intérêts.
L'évêque a fait appel.
Il a été recondamné par la justice à dix mille francs de dommages et intérêts.
Que veux-je dire par là ?
Simplement que dans l'Église actuellement…
il y a véritablement une panique et un passage d'ordre affectif…
pas d'ordre réfléchi, je pense
entre Charybde et Scylla,
comme un balancier qui va d'un extrême à l'autre.
À un moment donné, dans les années 1960-1980
on a caché, y compris les crimes !
On les mettait sous le tapis, on déplaçait les prêtres.
C'est un scandale qui a explosé.
Un scandale qui doit être réglé.
Du coup par réaction, on en arrive maintenant
à révéler publiquement
dans des messages radiophoniques ou à la télévision
les péchés.

Dans le cas de Jean Vanier il y a une question.
Est-ce que c'est un crime, ou un péché ?
Parce que c'est entre les deux,
dans la mesure où il a un rôle spirituel…
même s'il n'est pas prêtre.
Il a une grande autorité morale.
Par ailleurs il s'avère qu'il a des actes sexuels…
avec des personnes en état de fragilité.
Mais des personnes tout de même adultes.
Ce ne sont pas des handicapées. Tout cela a été reconnu.
Adultes, mais comme l'est toute jeune femme adulte…
qui a ses propres faiblesses.
Stéphane Posner, en conscience, a jugé
qu'on était du côté limite…
du côté limite du crime.
Il a donc livré publiquement les choses.
Pour ma part je ne suis pas du tout sûr qu'il ait bien fait.

J'ai très peur que, manifestement, on en arrive à quelque chose
comme un « #MeToo », ou un « #BalanceTonPorc » général
dans l'Église catholique.
Nous reconnaîtrons tous que…
nos prêtres, nos religieuses et puis nous laïcs,
nous ne sommes pas à la mesure de notre Maître
qui lui, était parfaitement pur.
Pour bien comprendre cette nécessité de se remettre des repères…
surtout dans ce domaine limite qui est celui-là,
il faut regarder l'attitude de Jésus.
L'attitude de Jésus on la voit particulièrement
dans saint Jean face à la femme adultère.
Cette femme adultère, on le devine tous, cherche l'amour.
Elle n'est pas du tout en train de faire des abus sexuels.
Il y a des hommes, des notables, des pharisiens sans doute…
qui sont là, et qui probablement couchent avec.
C'est ce qu'en tout cas le pape Jean-Paul II avait dit
en commentant ce texte.
Et le matin…
l'un d'eux qui a probablement couché avec elle pendant la nuit,
lui amène la femme surprise en flagrant délit d'adultère
pour voir s'il ordonne de la lapider.
L'attitude de Jésus est significative.
Il se met à écrire par terre. Personne jamais n'a su ce qu'il avait écrit.
Puis il se lève, et il dit – parce qu'ils continuent de l'interroger, ils veulent sa réponse…
« Que celui qui n'a jamais péché lance le premier une pierre. »
Cela veut dire quoi ?
Il n'a pas révélé publiquement le grave péché…
qui actuellement serait pris comme un crime
serait livré dans l'immédiat comme un #MeToo
ou comme un #BalanceTonPorc.
Il n'a pas révélé leur péché.
Cela ne veut pas dire que toujours cela restera secret.
Le péché de tous sera manifesté, mais…
il sera manifesté dans l'autre monde.
Nous serons alors à nu, et toute la difficulté
face à ce qu'il s'est passé ici…
où l'on est face à une limite,
où chacun est avec le poids de son péché
c'est que…
il faut, par exemple, que ceux qui ont décidé de publier cette vidéo
soient eux-mêmes vraiment sans péché sur ce point là.
Parce que s'ils ont péché,
si l'un d'entre eux a eu un amant ou une maîtresse
à un moment donné dans sa vie,
peut-être qu'il y aura un retour de bâton.
Ce retour de bâton est honteux évidemment.
Cela veut dire qu'on ne peut pas livrer ainsi des péchés publiquement.
En tout état de cause, devant de telles décisions…
face à des cas aussi limites,
on devra arriver au ciel avec ses propres péchés.
Or, la parole de Jésus est significative dans ce texte.
Il dit : « Mais eux, entendant cela…
sans allèrent un à un, à commencer par les plus vieux. »
Cela veut dire que dans le domaine des maîtresses…
des amants, ou des pensées sexuelles,
ou des fréquentations sexuelles d'Internet…
très peu de gens,
mais comme toujours dans l'histoire de l'Église,
pourront apparaître avec une totale pureté.

On a par exemple sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus
qui à un moment donné, lorsqu'elle est face à sa novice…
qui confesse des tentations sexuelles – c'est la petite Léonie,
devenue sœur Marie de la Trinité –
reconnaît très simplement : « Ah ? Eh bien moi, je ne connais pas
ce genre de tentations liées au plaisir. »
On peut être à peu près certain que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus
est l'une de ces âmes absolument pures,
innocentes sur ce point là.
Mais qui d'entre nous le sera entièrement ?
Donc il faut faire très attention pour remettre les repères dans l'Église,
et bien distinguer le péché et le crime.
Dans le domaine qui est flou, qui est entre les deux …
plutôt privilégier une réconciliation,
quelque chose qui se fait en privé,
mais certainement pas quelque chose qui se fait en public comme ça,
et qui salit toute l'œuvre d'un homme.
Un homme qui s'est dévoué, personne ne peut le nier…
et que certains sites déjà,
commencent à réduire à un porc de plus.
Comme si Jean Vanier pouvait être réduit à ça.
Qui est-ce qui se fera l'accusateur de nos frères
lorsque nous serons face à Jésus pour le jugement ?
Certainement pas Jésus ! Mais quelqu'un d'autre.
Il y aura quelqu'un pour dire que nous sommes réductibles
à ce qui est par ailleurs les côtés sombres de notre vie.
Arnaud Dumouch

(vidéo : https://youtu.be/1NT_3OLyuXs )

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