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Ce billet est une réponse à Vancouver dans mon dernier article http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/abassourdine/280708/istanbul-sous-tension-exploseJ’avais commencé à répondre dans les commentaires mais la réponse grossissant à vue de clavier, je décide d’en refaire un article. Voici donc ce que vous m’écriviez : « J'étais à Istanbul fin mai, pour mon travail, et quand j'ai voulu offrir aux jeunes filles laïques -qui étaient mes interprètes-un verre au bar de l'hôtel, pour les remercier, le serveur a refusé qu'elles boivent un verre d'alcool! Elles m'ont dit que ça leur arrivait de plus en plus. » Vancouver, un participatif de Média...Ayant vécu 2 ans à Istanbul, je suis très attachée à ce pays et à son peuple. Me permettez-vous de rappeler quelques éléments connus de tous : Mustapha Kemal Atatürk, (1880-1938) s'inspirant en partie de la Révolution française, a fondé la République turque en 1922. Par la quantité de réformes, qu'il a instaurée, il a complètement modifié la société turque sur une dizaine d'années. Il a abolit le sultanat et le califat. La laïcité a été inscrite au sein de la Constitution. Il a puisé dans différents codes de pays européens pour rédiger la Constitution. Dès 1926 l'égalité des sexes est déclarée. Les femmes ont eu le droit de vote dès 1935 (en 1944 en France) et ont su l'utiliser en étant députés dès 1936. Il a réformé l'écriture (l’alphabet latin remplace l’alphabet arabe). L’école gratuite, laïque et obligatoire (selon le modèle de Jules Ferry) a fait chuter le taux d’analphabétisme. Imaginez tout un peuple retourner à l’école pour réapprendre à écrire, cela en à peine 6 mois. Certain président rêve de pouvoir réformer un pays avec autant de célérité. Pas facile ! N’est-ce pas Monsieur Sarkozy ?
Atatürk a toujours été très attiré par la culture occidentale. Il va donc imposer ses goûts à la nation turque. La radicalité de certaines réformes frôle un nationalisme extrémiste, pour ne pas dire dictatorial. Il a ainsi transformé la façon de s'habiller (le port du fez a été interdit, préférant le costume cravate, voire le chapeau haut de forme). Le port du voile a été interdit dans tous les lieux publics)
Atatürk a toujours aimé l’alcool notamment le raki (sorte d’anisette). Il a d’ailleurs fini sa vie avec une cirrhose ce qu’évite de dire les plus républicains pour ne pas entacher l’image du « père des turcs ». La consommation d’alcool est plus que permise (d’ailleurs c’est un des rares pays musulmans où boire de l’alcool est autorisé). Je l’ai vécu comme un acte démocratique en Turquie. Le culte d’Atatürk est très ancré. Le moment qui m’a le plus marqué, comme tous les 10 novembre à 9h05, jour de la mort d’Atatürk, le pays se paralyse. Un pays qui pendant une minute ne bouge plus. Les gens où qu’ils soient se fige. Alors Boire est-il un acte démocratique ?Pour en revenir à vous, cher Vancouvert, le geste de ce serveur envers les jeunes femmes qui vous accompagnaient est révélateur d’une islamisation omniprésente.
D’autre part qu’appelez vous « jeunes filles laïques » ? Comme je l’expliquais plus haut, tout turc est laïc puisque ça fait partie de la constitution. Cela ne les empêche pas d’avoir une religion qu’elle soit musulmane pour la majorité (sunnite, alévis) ou juive ou orthodoxe…). Donc je pense que vous vouliez dire par là que ces jeunes femmes ne portaient pas le foulard. Depuis plusieurs années, les jeunes filles aux influences islamistes extrémistes, détournent la loi en troquant leur foulard à l’entrée de l’université pour une perruque. Psychologiquement, je trouve assez intéressant. Les faux cheveux ne semblant pas faire la même sensation sur la gente masculine. Aujourd’hui je dirai que le port du voile va au-delà des convictions religieuses, c’est la pression familiale, des imams mais aussi c’est très tendance. Oui je sais, c’est paradoxal, mais s’acheter le dernier voile à la mode et la manière de la nouer vous permet d’appartenir un mouvement comme pouvait l’être le perfecto pour les motards.
L'armée a toujours été un peu un garde fou de la laïcité. Elle est toujours intervenue lors de périodes de grande instabilité comme le vit actuellement la Turquie. La première grande réforme, la séparation du pouvoir et de la religion, auquel il tenait, est menacé aujourd'hui par l'AKP, le pouvoir en place. Ce qui se joue en Turquie est crucial pour la suite de son histoire. A Ankara, la justice délibère depuis 3 jours sur l’interdiction au non de l’AKP. Si la dissolution du parti était légitimée cela voudrait dire que le gouvernement aurait élu pour représenter un parti qui n’existerait plus. Voir l’interview de Jean Marcou, directeur de l’Observatoire de la vie politique turque à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul.http://www.lepoint.fr/actualites-monde/turquie-il-s-agit-d-obtenir-la-legitimite-juridique-pour-eliminer/924/0/263808
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