Abdel Yassine et Ulysse Rabaté

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Billet de blog 14 mars 2022

Abdel Yassine et Ulysse Rabaté

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« Mélenchon c’est mon gars sûr » : la politique et ses repères

Il suffit de mettre le pied dehors pour constater que Macron est « gonflé à l’hélium » : une personne qui fait les gros bras mais dont l’autorité ne tient qu’à un fil. Nous restons convaincus que la mobilisation des quartiers populaires sera la paire de ciseaux qui coupera ce fil. Un texte d’Ulysse Rabaté et Abdel Yassine sur le vote Mélenchon dans les quartiers populaires.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’élection présidentielle aura lieu dans 28 jours. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne fait pas l’actualité là où la politique doit être : dans la rue, au sens premier du terme.

Dans les villes populaires qui ont structuré notre engagement politique, nous avons ces dernières années assisté, médusés, à des scrutins à 20% de participation, sans que les élus concernés ne montrent une réserve particulière quant à leur légitimité dans ce contexte. A chaque fois, on se disait : les gens attendent les présidentielles. En fait non. La vérité c’est que pour l’instant, la présidentielle n’est pas vraiment le sujet dans les quartiers.

Les raisons du dégoût de la politique sur ces terrains, on les connaît : il suffit d’y être engagé pour mesurer l’ampleur d’un conflit qu’il ne faut pas confondre avec de la dépolitisation. Au contraire, les modes d’engagement dans les quartiers populaires se démarquent par leur dynamisme et leur diversité. Il n’y a pas de rendez-vous manqué, pas de rupture non plus, encore moins de désert politique. La mobilisation est quotidienne, et de nombreux collectifs ont érigé leur analyse de la situation en marque de fabrique : « la meilleure façon de faire de la politique, c’est d’en faire contre la politique ».

Pas une fatalité

Ce constat n’est pas une fatalité et surtout il est à considérer comme tel, sans illusion ni déploration. Notre expérience de nombreuses années de militantisme politique et associatif dans les quartiers nous fait aujourd’hui adopter un point de vue clair : au-delà du dégoût (et sans même y renoncer), il faut prendre cette élection pour ce qu’elle est : le principal moment de consultation électorale que nous offrent nos institutions, et une occasion certaine d’orienter la politique du pays. Et dans ce cadre-là, Jean-Luc Mélenchon et son programme représentent un repère indéniable, l’un des derniers sans doute d’une représentation « positive » de la politique.

Face à l’effondrement des formes traditionnelles de la politique, ce repère compte, et nous apparaît de fait comme une base précieuse pour résister, et faire rentrer dans le champ de la politique un ensemble de pratiques populaires qui pour l’heure s’en tiennent à distance.

Lorsque surgit d’une discussion devant une épicerie de quartier, dans un hall, sur un terrain de foot, devant une école ou à la table d’un café PMU, la phrase « Mélenchon c'est mon gars sûr », on est sûr d’une chose : la politique est à sa place, dans les conversations et les ordres de perception ordinaires. Demain, il faudra sans doute appeler « la conscience de classe » autrement, mais en aucun cas renoncer à cette résonance instantanée entre les intérêts des classes populaires et les mots qui les défendent. Là encore, Jean-Luc Mélenchon aura tenu bon dans un rôle nécessaire de contre-feux, comme disait Pierre Bourdieu, face à la violence néo-libérale et les discours de stigmatisation auxquels elle est toujours adossée.

La mobilisation des quartiers populaires sera la paire de ciseaux qui coupera le fil ! 

Il est évident aujourd’hui que celles et ceux qui souffrent seraient les premières victimes du deuxième tour de manège que promet le président sortant face à l’extrême droite. La position de « puriste » à l’égard du vote, comme si cet acte n’était pas un processus complexe et contradictoire, ressemble parfois à un privilège omettant toute une partie de la société, qui ne peut pas se permettre de bouder une élection comme celle-ci et dont l’engagement dans le scrutin dépendra aussi de la conviction qu’il y a un coup à jouer. Dans le contexte actuel, tout ce qui contribue au discours de l’impossibilité de faire bouger le cours des choses est une faute. D’autant plus lorsque cela vient de gens à qui le statuquo ne coûte finalement pas grande chose.  

Il suffit de mettre le pied dehors pour constater que Macron est « gonflé à l’hélium » : une personne qui fait les gros bras mais dont l’autorité ne tient qu’à un fil. Nous restons convaincus que la mobilisation des quartiers populaires sera la paire de ciseaux qui coupera ce fil.

Et l’expérience du terrain nous fait dire : les critiques formulées ne disparaissent pas dans un vote. Au contraire, « une foule ne se tait pas d’elle-même » comme disait l’auteur russe Mikhaïl Boulgakov. Faire gagner la gauche au mois d’avril sera sans aucun doute le meilleur moyen pour que ces critiques survivent et se déploient, ouvrant la voie à la recomposition politique qui vient.

Ulysse Rabaté

Auteur de « Politique Beurk Beurk. Les quartiers populaires et la gauche : conflits, esquives, transmissions » (Editions du Croquant, 2021) 

Ancien conseiller municipal de Corbeil-Essonnes (91)

Abdel Yassine

Ancien Conseiller municipal de Fleury-Mérogis (91)

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