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Zemmour, ses symboles perdus
Peut-on défendre la race pure et les Français de souche, quand on est soi-même le fruit de la créolisation. Né de parents algériens, berbères et juifs, parents naturalisés au bénéfice du décret Crémieux de 1870, Eric Zemmour n’est donc pas pied noir comme il le prétend. La démarche d’Eric Zemmour, depuis plus de deux décennies, est une manifestation du très connu syndrome de Stockholm. Prisonnier d’une identité fracturée, il combat la fragilité de son précaire statut de Français de seconde zone en voulant se démarquer des autres français algériens comme lui, maghrébins ou africains et qui sont aussi devenus français par jus soli, droit du sol ou par naturalisation. Ceux, notamment, qu’on désigne par déni, les Français de papiers. La frange de la France raciste ne se reconnait pas dans Eric Zemmour. Elle le méprise, mais au même temps retrouve dans son discours des vertus thérapeutiques qui colmatent les brèches de son malaise identitaire et de ses peurs du « péril migratoire ».
L’adhésion d’Eric Zemmour aux thèses de la submersion démographique et à la théorie du grand remplacement n’est qu’une quête de légitimation afin de conquérir la noblesse de l’Etat cher à Pierre Bourdieu, et aussi de combattre ses nombreuses pathologies de perte de capital culturel, cultuel et familial.
De son côté, Michel Onfray établit un diagnostic plus vaste de nos sociétés, un peu plus proche d’une certaine vérité que celui d’Eric Zemmour subjectif et ne visant que l’Islam et l’immigration. M.Onfray estime que la disparition des civilisations est en marche pour cause de déficits d'éducation du peuple et de désinformation, de déclin de la famille et de domination de l’instruction sur les réseaux sociaux. Ce biais, s’étend au manque de représentativité et de leadership politique, c’est cela l'épuisement des civilisations qui prépare davantage à une société trans-humaniste qu’à une société religieuse ou puritaine.
Toutefois, il ‘ y a il y a un sujet que nous cherchons tous à esquiver, l’art de l’insulte qui transgresse les protocoles du langage diplomatique. Eric Zemmour insulte à longueur de journée, la religion musulmane, les Africains et les Arabes qui ne sont pas seulement les étrangers vivant en France ou les « Français de papiers », ces outrages interminables, et de plus en plus sans prendre de gants, sont aussi adressés aux peuples et aux chefs d’Etats de tous les pays du continent africains et du monde arabe et musulman. Ces Etats souverains ne devraient-ils pas lui interdire l’entrée sur leurs territoires, candidat ou président de la République ?
L’Empire colonial face à ses anges et démons
A la question, des vagues migratoires climatiques de l’Afrique vers l’Europe sont-elles à venir ? Ma réponse serait sous la forme d’une autre interrogation : comment se fait-il que la France, à la veille de la seconde guerre mondiale, comptait 10% de la surface de la terre, 110 millions d’habitants et plusieurs confessions et ethnies réunies au sein de l’empire colonial ? Tournant le dos à cette part importante de l’Histoire de la France coloniale, Michel Poniatowski, à la fin des années 1980, arguait que « Son âme, la France est en train de la perdre, non à cause de la mondialisation, mais aussi et surtout, à cause de la société à la fois pluriethnique et pluriculturelle que l’on s’acharne avec de fausses idées et de vrais mensonges à lui imposer, le moment est venu de traiter énergiquement le problème de l’immigration africaine et notamment musulmane ».
Je suis parfois stupéfait de voir des gens gâcher leur existence pour débats alarmistes, et stériles qui dure depuis presque un demi-siècle, il faut dépassionner la société, avec le bien-vivre ensemble. La France a le droit de choisir démocratiquement sa politique migratoire, de réguler le regroupement familial et même d’opter pour la discrimination positive. Par ricochet, la France et les Français de « droit » doivent aussi dire clairement si c’est la problématique migratoire nationale qu’on doit démêler ou c’est de la distinction ethno-raciale entre ses citoyens qu’on débat.
La France qu’on aime tous, a une Histoire, une Culture, des racines, des traditions, un esprit et un trésor de valeurs qui font d’elle le berceau des lumières, de l’humanisme et de l’universalité. La France est en droit de réguler les flux migratoires, et c’est somme toute légitime, mais sans adhérer aux théories fallacieuses de la fin de l’Homme blanc. C’est absurde et cela confirme une mélancolie sans raisons. .
L’égalité n’est pas la multiplication des identités, le communautarisme islamiste est autant que le racisme un fléau qui gangrène la société et la divise. Racisme et islamisme n’augurent que d’un avenir davantage fracturé, sous firme de faux clivages, et d’une France émiettée et préparée à la décomposition et des guerres ethniques et de religions.
Les communautés françaises ne sont pas le communautarisme blanc ou le communautarisme islamiste aussi haineux et dangereux l’un que l’autre. Les communautés françaises ont toujours formé un tout harmonieux et une essence qui permet la régénérescence de toute vieille nation, l’éloignant des senteurs et des réflexes de la xénophobie, du déclin et du suicide.
Chacun à une idée de l’histoire, mais l’histoire mise en scène est celle du temps présent. Elle nous raconte une France prise en otage par les discours ségrégationnistes d’Eric Zemmour qui prennent la campagne présidentielle en otage et exigent des rançons pyramidales. Et qui, avec la complicité de la tyrannie médiatique de certaines chaînes de télévisions, enfoncent le pays dans une spirale dépressive et dans le conformisme de l’abjection.
Les deux visages du grand remplacement
Loin de toute lecture romanesque, la question de fond est de savoir si les extrémistes défendent t- ils la France pour s’opposer à la croisade musulmane et la conquête africaine de la France ou devront-ils plutôt blâmer la colonisation et la mondialisation sauvage qui ont conduit à l’asservissement des anciens colonies. C’est dire, que cette convergence des injustices a engendré des vagues migratoires post décolonisation pour accoucher d’un racisme social pire que le racisme ethnique a déclenché une guerre entre exclus qui a substitué la lutte des races à la lutte des classes.
Si la France refuse le multiculturalisme, c’est légitime et il y va de sa souveraineté, qu’elle le dise. Marine le Pen ne s’encombre pas pour défendre l’idée de se poser comme l’alternative entre la France, son identité, ses valeurs, sa prospérité et un pays que nous nous reconnaîtrons plus, qui nous sera devenu étranger. Cette thèse vilipendant le multiculturalisme pourrait construire un nouveau paradigme d’une France qui revoit sa politique migratoire, mais qui doit en parallèle revoir sa politique démographique et sa fécondité, construire un dividende démographique national, reconnaitre dans les faits et gestes l’égalité entre tous les citoyens et encourager le brassage entre communautés. Ce qui nécessitera que les médias opèrent une transformation radicale de leur menu servi aux Français et au monde tous les soirs. Un menu dont le seul plat de résistance est l’étranger, l’islam, l’immigration et les banlieues. Montrons les réussites et invitons sur les plateaux de télévision des Français « les autres » qui réussissent et qui font la fierté de la diversité et qui sont fiers aussi d’être Français même sans être reconnus comme tels par l’immense majorité de la population, c’est cela le mal français, le reniement de l’autre chez certains. Les fantasmes sur le grand remplacement ont recours à des constructions biaisées, basées sur des concentrations ethniques dans les banlieues populaires et dans les laboratoires de l’exclusion sociale et occulte l’absence des populations d’origines immigrés des quartiers riches, du monde agricole, et de l’Ouest de la France.
On avance ici et là des chiffres, tous erronés, mais en réalité et selon l’INSEE, en 1975, la population française de naissance représentait 89.9% des plus de 15 ans, en 2014. Ce chiffre demeure à 88 %, c’est la preuve la plus éclatante du caractère inexact du grand remplacement. Une publication du Think Tank Pew Research Center, datée du 29 novembre 2017, envisage une augmentation de la population musulmane de 12.7% à 18% d’ici 2050, dans le monde et pas en France, la solution n’est pas la « remigration » mais la réussite sociale, culturelle et économique de toutes les communautés, le brassage par le biais de politiques de logement et d’éducation inclusives et les unions mixtes.
Les fausses peurs des croisades démographiques
L’appartenance à une Nation ne se décrète ni par une couleur ni par une croyance, mais par une adhésion à des valeurs communes. C’est un tout indivisible. Pour répondre à ceux qui posent la question, serons-nous encore Français dans 30 ans ? Rien ne prouve le contraire et les démographes sont unanimes, le différentiel de fécondité entre les « Français de souche » et les « Français de papiers » et les étrangers en situation régulière ne changera pas la donne. Pourtant, c’est le brassage entre les diversités qui fera de la France, une Nation unie. Car c’est dans les singularités qu’on devient pluriel. Ce pluriel qui constitue la singularité. Mais, si parler de ces peines c’est déjà se consoler, je voudrais rassurer que concernant l’Afrique, 90% des migrations se font entre pays africains. Elles sont climatiques ou économiques, elles se font entre l’Afrique du Sud et le Nigéria et d’autres pays, entre les pays francophones de la CEDEAO et de plus en plus avec le Maroc. Quant aux réalités démographiques, les dynamiques démographiques dans le Maghreb montrent une réelle décrue. Le Maroc, à titre d’exemple, a achevé sa transition démographique en 22 ans lorsqu’il a fallu 170 ans à la France, de quel remplacement parle-t-on ?
Puis, parlons de ces pays silencieux. Cette Afrique qui souffre en silence sous les pluies déchaînées des insultes et de la maltraitance d’ extrémistes comme Eric Zemmour, ces pays ne souhaitent qu’ être aidés pour rêver d’un futur meilleur, pouvoir entamer leur rupture et ne plus dépendre de l’aide au développement, retrouver leurs souverainetés monétaire, alimentaire et démocratique. Naître tout simplement et exister, construire l’Afrique de l’après. Si pour le cosmplotiste, le grand remplacement est identitaire, le grand remplacement pourrait aussi être indépendantiste. Résumons : remplacer la dépendance de l’Afrique par l’indépendance des Africains.
L’épuisant désir de purifier la société française est un leurre. Les migrations sont et seront irréversibles. L’accompagnement du développement et du décollage de l’Afrique est le seul rempart contre les peurs du grand emplacement. Si les décolonisations du 20ème siècle n’ont pas permis aux nations indigènes de se développer et de construire des démocraties sociales prospères, libres et souveraines. Alors qu’en revanche, une partie de l’imaginaire social de l’extrême droite des pays colonisateurs se nourrit de plus en plus de l’existence d’une contre-offensive de vengeance des nations colonisées poussée par les mauvais traitements du passé. Se nourrit aussi des entraves volontaires et involontaires faites aux interminables vœux de progrès, d’émancipation et de développement de ces peuples. Cette déformation du réel masque les vrais défis et enjeux de l’avenir de l’humanité. Parallèlement, l’âge moyen en Afrique est de 19 ans, aucun jeune n’a en mémoire l’histoire de la colonisation ni les dernières guerres de religion, mais le vrai enjeu ce sont les naissances en Afrique : 34.6 millions par an contre seulement 4.2 millions dans l’Union Européenne. En Afrique la disponibilité du temps et des jeunes est déconcertante comparée au vieillissement et à la pénurie du temps en Europe.
Il est clair que l’avenir est le seul point commun entre l’Europe et l’Afrique, il sera de taille, une conjugaison de déséquilibres environnementaux, de risque d’exodes humains massifs, de vieillissement, de raréfaction des ressources et de l’emploi. La solution n’est pas de se barricader inutilement, mais de lancer un véritable Plan Marshall sur 30 ou 40 ans pour développer ce dernier continent ignoré de la mondialisation. Le seul rempart contre l’invasion démographique « crainte » est le développement par le rattrapage industriel, en capital humain et économique, l’intelligence collective. La Chine ne le fera pas à la place des pays occidentaux menacés ; Pour la simple raison qu’elle est en train d’agir en spoliateur en endettant l’Afrique pour la déposséder de ses richesses naturelles, de ses eaux et de ses terres pour ensuite mettre, et dans un avenir proche, ses populations sur le chemin de l’exil vers le Maghreb et vers l’Europe du Sud.
Il s’agit, en définitive, de se projeter dans le « Devenir » pour mieux appréhender, sans appréhension, le « Présent ».