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Billet de blog 9 avril 2023

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EMMANUEL MACRON ET L’AFRIQUE : LA DIPLOMATIE DE LA TERRE BRULÉE

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Emmanuel Macron n’a jamais connu la colonisation et on ne lui a jamais demandé d’acter l’épuration mémorielle car l’histoire n’est jamais scellée. A contrario, le Président avec ses discours brutaux sur l’Afrique ne fait que nourrir la tension inter temporelle entre l’histoire et la mémoire. Au Burkina Faso, Emmanuel Macron n’avait pas épargné son président par ses moqueries, à la République démocratique du Congo il a accusé le chef de l’État de ne pas avoir été capable de restaurer les souverainetés administrative et sécuritaire et au Rwanda il a menacé le pays de sanctions. A l’automne 2021, il a ordonné à ses ministres de diviser par deux le nombre de visas délivrés aux marocains, aux algériens et aux tunisiens, la réalité est une coupe de 75%, elle continue.

Pire, Emmanuel Macron en essayant maladroitement de s’immiscer dans le conflit entre le Maroc et l’Algérie a refermé le piège sur lui-même. Paris n’a plus ni ambassadeur du Maroc ni ambassadeur de l’Algérie. Si le président se refuse à ce que la France continue de se comporter comme puissance coloniale, son mépris témoigne d’une arrogance impériale et d’une posture humiliante vis-à-vis de nombreux dirigeants africains.    

Dans cette histoire sans fin, le malaise de la jeunesse africaine avec la question post coloniale est évident, il s’est nourrit des interventions en côte d’Ivoire, en Libye et des opérations sécuritaires dans le Sahel mais aussi des tournées ratées d’Emmanuel Macron. Pendant que la France s’active à faire le gendarme en Afrique en s’engageant avec de l’argent public à pacifier les territoires gangrénés par les groupes extrémistes, l’Europe tourne le dos, Allemagne, Pays-Bas et Italie œuvrent en catimini à la conquête des marchés et à exploiter les ressources minières.

E pourtant ! pourtant le président pouvait enjamber la parenthèse coloniale et construire avec les africains, le jour d’après. Tenons-nous- en aux faits, l’Afrique n’a pas besoin qu’on revisite sa mémoire ni de faire des procès interminables de la colonisation et de ses travers. Le Constat est pourtant unanime, le devoir de mémoire à lui seul n’est qu’un leurre, ce qu’il faut pour l’Afrique ce sont des alliances du futur, des incubateurs de politiques publiques et des trajectoires de défense et de développement pour ériger des infrastructures, construire des écosystèmes de la connaissance et faire sortir les pays du syndrome de l’illimitée dépendance.

Quand Emmanuel Macron dénonce les compromis à l’africaine pour s’interposer en promoteur de la démocratie, il fait de l'auto dénonciation car sa diplomatie schizophrène et son deux poids deux mesures adoubent des dizaines de dictateurs sur ce continent. En voulant casser l’ordre en France et à l’étranger à travers sa doctrine de l’ultralibérale substitution du public par le privé, le président fait le nid de la diplomatie de repli. Il accélère le déclassement de la France de grande puissance mondiale à puissance d’équilibre coincée entre les logiques impérialistes russes et américaines et les logiques de dominance géoéconomique de la Chine de l’Inde et de la Turquie.

La France selon Emmanuel Macron, c’est l’État plate-forme, la gouvernance par les nombres et la diplomatie sans diplomates. Au pays du rationalisme politique, le Macronisme décrit comme un populisme sournois a réussi à imposer comme rempart à l’extrême droite en l’absence de fort contrepouvoir démocratique. Avec son tremplin technocratique, le jeune président s’est attaqué aux lois par les chiffres, dogme élargi à la politique internationale.  

Mais visiblement, la France pouvait jumeler ses intérêts économiques avec les intérêts de la paix et de la prospérité du continent africain, ce continent sera en 2050 un des plus peuplés du monde, avec 2.5 milliards et une moyenne d’âge à 17 ans, il fera face à un vieux continent qui portera plus que jamais son nom et dont la moyenne d’âge sera de 47 ans pour une population de 525 millions. Ne rien faire pour les transitions économique et démographique c’est se résigner à subir des Tsunamis de réfugiés climatiques.

L’Afrique et la France survivront à Emmanuel Macron. En Afrique, le ressentiment anti-français n’a jamais réussi ni à faire disparaître le lien entre les peuples ni à déconstruire les temples de la Francophonie. Sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle écrivait Français Mitterrand en 1957, Emmanuel Macron n’en a jamais eu conscience.

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