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Billet de blog 9 août 2014

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Faut-il craindre le pire ? Appel aux consciences juives pour qui la dignité juive n'est pas un appel au crime

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En monopolisant la parole sans vergogne sur les canaux d'information complices, sur fond de plusieurs décennies d'intoxication, de malversations, de falsifications effrontées, au sujet de leurs victimes palestiniennes, pendant que les grandes puissances leur sont acquises en Occident et qu'Israël travaille avec acharnement à éradiquer la présence historique d'un peuple de plus en plus abandonné, quoique timidement reconnu à force de massacres indéniables et dont la communauté internationale est, d'une manière ou d'une autre, impuissante ou s'aveuglant, objectivement complice, les intellectuels sionistes non seulement triomphent trop facilement de la vérité, du simple bon sens et de la justice, mais se condamnent à demeurer tributaires d'une option extrême, qui mettrait fin au conflit, en mettant tout le monde devant le fait accompli, quitte à subir des reproches grandiloquents, à susciter un ressentiment indéfini, tandis que le coup de force serait irréversible : l'effacement définitif du Palestinien !

On en frémit, bien sûr, et il est scandaleux d'envisager l'hypothèse. Pourtant, au train actuel des choses, face à l'obstination meurtrière d'Israël que seules de molles ou hypocrites déclarations contrarient, face au cynisme exorbitant des lobbyistes et agents de communication pro-israéliens aux commandes des médias, face aux centres de décision internationaux entièrement ou partiellement gagnés au credo sioniste, le pessimisme n'a rien de révoltant. Depuis 1947, il n'y a eu aucun répit. Ni les frontières de 1948, ni celles de 1967 n'ont eté reconnues comme limites à l'expansion israélienne, et nul scandale (des attentats effroyables des terroristes de l'Irgoun aux carnages rituels à Gaza, en passant par les Sabra et Chatila coutumiers), et qu'il s'agisse de ravager l'O. L. P. laïque, le Fatah réunificateur ou le Hamas religieux, n'ont incité l'humanité révoltée à mettre un terme ferme à cette démesure chronique. Le moment viendra peut-être où, juridiquement convaincue d'innombrables illégalités, humainement reconnue à l'echelle mondiale (car le monde, c'est aussi le Tiers monde tenu en joue ou en respect par des puissances arrogantes et gangstérisées par des rivalités sans merci) comme un outrage permanent à la décence et à la justice, un scandale face à la raison, au droit, à la morale élémentaire, une violation résolue de tous les acquis de la législation internationale postérieure aux génocides et aux transplantations, aux crimes contre l'humanité, mais sachant ne pouvoir se repentir sans des réparations qui l'humilient et des jugements qui offensent sa certitude d'être au-dessus de toutes les lois, sauf celles qu'elle s'est souverainement et contre toute raison données, la machine sioniste, plutôt que la panne réparatrice ou le rebut idéologique (à l'image de ce qui a eu lieu en Afrique du Sud), préférerait le pari ultime, le tout pour le tout, le coup de dé fatal : jouer gagnant et, muni de ses atouts militaires et de ses appuis invincibles (sur lesquels on peut compter pour verser des larmes convenues), Israël aura une fois pour toutes assuré la tranquillité de ses conquêtes illégitimes et le silence pétrifié, la clameur paralysée de ceux et celles qui ne le croyaient pas capable (en dépit des spiritualités juives et d'un destin de martyre sensible aux malheurs des autres peuples) d'aller jusque-là !

L'argument décisif (mais sophistiqué en machine de guerre idéologique qu'il est, avec ses dérivés partout voyants) aura été le monde arabe et musulman devenu fou et imprévisible, irrémédiablement en proie à des guerres civiles et offrant le spectacle d'un désordre sans frein, préjudiciable à la paix mondiale ! Ce n'est que pour échapper à une menace devenue patente et permanente qu'Israël aura agi. Les manifestations de l'opinion publique ne l'ayant jamais intimidé, pas plus que les résolutions onusiennes ou les remontrances de ses meilleurs alliés, la colère de ses adversaires loquaces ou terrorisés, Israël pourra enfin vaquer à des activités plus rassurantes : la prière et les cantiques pour rendre grâces au Vainqueur des nations, le négoce pacificateur, le "doux commerce" des Lumières purifiées et purificatrices, une vitalité intellectuelle remarquable, un rayonnement mondial par la grâce de ses élites incomparables et le dynamisme légendaire de ses ressortissants... Bref, la civilisation !

Le prophète le plus révéré de la démocratie, qui est aussi le théoricien froid du colonialisme méthodique et impitoyable, Tocqueville, ne choque pas par ses inconséquences lorsque, déplorant le sort des Indiens décimés et des Noirs martyrisés, transplantés, propose en même temps de brûler des récoltes et de mener des raids effroyables contre des tribus arabes insoumises ou attachées à leurs terres, et, sitôt la conquête achevée à coups d'intrigues et de razzias soigneusement préparées, avec les moyens d'une armée moderne et une puissance de feu absolument inégalée, passer à l'étape administrative à coups de fonctionnaires rompus aux affaires indigènes, agissant avec l'efficacité psychologique et les dérogations juridiques les plus incompatibles avec l'esprit démocratique, mais les plus urgentes au point de vue de la maîtrise du terrain et des populations. Au continent, la démocratie providentielle ; dans les colonies, les horreurs licites. Pour contrecarrer l'empire colonial anglais, on n'a pas le choix, quitte à chanter les louanges communes des pionniers blancs en Amérique !

Le racisme européen et américain institutionnel et pulsionnel (historiquement établi et assez communément admis parce que trop accablant), bien que tempéré ou combattu progressivement (quand il est trop tard pour éviter le pire, la prise de conscience douloureuse et les remords de parade étant moins prompts que les sévices infligés avec ardeur et fustigés solennellement au cours des commémorations, donc toujours a posteriori et avec ou sans repentance...), ne saurait constituer un frein aux conquêtes israéliennes, nation censée protéger les populations de la diaspora qui a eu à pâtir du génocide le pire que les Blancs aient commis sur la terre sacrée démocratique du Vieux Continent (crime auquel les autres peuples, et le peuple palestinien notamment, qu'il méprisait et méprise encore, n'ont eu aucune part). Israël n'a pas de leçons à recevoir de ce côté, mais seulement de l'armement, de la propadande, une collaboration tous azimuts à un projet commun de "civilisation"...

Est-ce bien cela que souhaitent les intellectuels sionistes, ou juifs inconscients ?

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