Voici un exemple de "gribouillis psychédélique" :
" La langue sacrée était comprise dans le ghetto par quelques Regs, qui traitaient avec les représentants de la Guilde et avaient l'habitude de passer à Qodsabad pour leur petite contrebande. Mais ce qu'ils en savaient se limitait au commercial et se disait en chiffres et en gestes. La grande masse n'y entendait que pouic, la langue sacrée n'exerçait aucun effet sur elle, même si on lui versait tout le Gkabul dans l'oreille. Dirait-on qu'elle n'agissait que sur les croyants ? Ce n'était pas recevable, le Gkabul est universel et Yölah est le maître de l'univers en son entier, comme Abi est son délégué sur terre. Le sourd est bien celui qui n'entend pas." Etc. (2084, La Fin du monde, Gallimard, 2015, p. 111).
Le roman commence comme La Gloire de l'Empire (Gallimard, 1971) et se poursuit comme un certain Michaux, celui du Voyage en Grande Garabagne (Gallimard, 1936)...
Avec cette différence importante :
Jean d'Ormesson, en pleine course, malgré son jeune âge, pour un fauteuil d'Immortel, et sachant que beaucoup lui préféraient Pierre Gascar (journaliste indépendant, ami de Genet et de Foucault, révélé par Cocteau, auteur des Bêtes et du Temps des morts, poignant et confidentiel témoignage sur les camps de concentration, plus tard des Femmes et de L'Ombre de Robespierre), au point de s'endormir la nuit sur son manuscrit écrivit en hâte un immense pastiche, conçu comme tel, de certains historiens érudits du 19è siècle et de l'Antiquité : une fresque nostalgique où Tacite et Michelet se côtoient malicieusement !
2084, qui se veut une récriture d'Orwell, est pour commencer un pastiche de pastiche : La Gloire de l'Empire. Fallait-il se tromper à ce point d'hypotexte (comme dirait Genette) ?
Ensuite, l'auteur de Plume, de Connaissance par les gouffres et d'Ecuador, n'a jamais donné ses pays fabuleux pour de la réalité. Inutile de rappeler le peu de cas que le surréaliste faisait du réalisme, de l'exotisme, du roman à thèse et du roman tout court ! Il a inventé des peuples entiers, voire des idiomes, des figures... Un Barbare en Asie (1933), chef-d'oeuvre d'observation, pulvérise la vision coloniale.
B. Sansal, selon la convention ancienne, aurait pu attribuer ses inventions à Cid Hamet ben Engeli, ou nous faire croire qu'il a déterré un nouveau manuscrit de Saragosse... Tout le monde sait qu'il ne parle pas d'un ensemble de peuples réellement existants en particulier ! Ses toponymes et ses noms propres (onomastique très drôle...) ne sont nullement transparents ! La première phrase de l'"avertissement" du livre dit : "Le lecteur se gardera de penser que cette histoire est vraie ou qu'elle emprunte à une quelconque réalité connue". Le clin d'oeil est gros comme un quignon (dicton maghrébin) ! George Orwell ? Plutôt H. Michaux revu par Pierre Loti, les frères Tharaud et Edouard Michaux-Bellaire !
P. S. : à l'exception de deux dates et à une précision près (un titre de Michaux), cette remarque est une réponse faite à un interlocuteur rencontré sur le blog Médiapart de Krimo, à l'occasion du billet publié par ce dernier le 5 octobre 2015.
Ajout du 31 octobre 2015. Krimo a changé d'identifiant. Actuellement Akram Belkaid. Voir, sur son blog, "La chronique du bledard : Boualem Sansal et...", ainsi que le fil de discussion.