Joël Martin n'est pas désabonné. Parce que son abonnement est inattaquable, si j'ai bien compris.
Joël Martin consulte les pages du journal et du club, mais il ne peut plus commenter, ni publier de billet. Si la Rédaction l'a ainsi mis en quarantaine, si j'ai bien compris, c'est qu'elle en aurait le droit.
Si j'étais à sa place, je ne serais pas content de voir tant de billets et de commentaires tourner autour de mes mésaventures avec Mediapart, sans pouvoir y prendre part, afin de faire les rectifications nécessaires, en cas d'erreur, les mises au point indispensables, en cas d'équivoque...
C'est très inconfortable. D'autant que Mediapart non plus ne peut pas trouver le sommeil, en reléguant de la sorte un "contrevenant" (qui proteste vigoureusement) !
Les contrevenants sont légion : au hasard, nombre de fois j'ai buté sur des violences stupéfiantes. Heureusement pour leurs auteurs qu'ils échappent à la vigilance...
L'infantilisme est le champion de ces sorties qui sont moins désinvoltes qu'irréfléchies, plus blessantes qu'inspirées (en oubliant toujours d'être réparatrices de lésions avérées). C'est un manque de modestie flagrant.
L'esprit doctrinaire, le dogmatisme, la difficulté qu'éprouvent certains des participants à supporter la contradiction, sans parler d'un narcissisme surnourri d'aigreurs, de ressentiments, font le reste.
En parcourant les pages et les fils de discussion, on rencontre aussi des étincelles d'un ordre différent : croisement de fer loyal, en souplesse, sans intention de froisser, de meurtrir, d'esquiver avec mauvaise foi les bonnes questions. Ce sont des joutes au meilleur sens du terme. Cela donne du piquant.
Il y a un autre type de choc : le burlesque. L'enjeu disparaît face à une faconde folle. Il se peut même que des rébus, ou des débris d'idées voltigent dans la poussière. L'amour-propre et la vivacité des prétentions font rire innocemment.
Les idées et les tempéraments sont divers.
Laissons la chicane. En gardant présente à l'esprit l'image d'un interlocuteur parmi d'autres (et non d'un censeur inflexible et omnipotent, puisque de son propre aveu la Rédaction sait ne pas pouvoir sévir sans nuance, réprimer avec abus, tancer sans discernement, sans parler du fait qu'une intervention préventive et systématique équivaut à anémier les débats), quand je lis donc les propositions de Mediapart, soutenu par l'ethos avantageux d'un arbitre censément intelligent (rigoureux, bienveillant et élégant), je ne peux m'empêcher de relever d'une part une fermeté gauche, d'autre part des timidités circonspectes.
J'en déduis que la délibération continue.
Le verdict aura, on l'espère, la souplesse et la franchise d'un grand journal, sans rancune, ni arbitraire, ni prévention pour ses amis, dont Joël Martin.
Car en quoi consiste tout ça, finalement ? C'est un apprentissage pour les uns et les autres : Mediapart n'a pas vocation à l'ominiscience, ni à l'infaillibilité (il lui échappera heureusement toujours quelque chose s'il se refuse à être blasé, victime d'une routine impitoyable, avec des automatismes à toute épreuve) ; les participants doués de vigueur, de caractère, de fortes convictions sont censés y aider (en faisant des concessions à des usages fondés, ou plutôt encore à fonder de concert et honnêtement).
Rendre la parole, ce n'est pas déroger à une règle, si la règle est de causer en bonne intelligence. Les mouvements d'humeur, de part et d'autre, c'est parfois le sel des conversations : on leur doit des épigrammes et des sourires, des emportements mémorables et des mots ondoyants.