La colère rebondit et retombe comme une balle, la raquette est une télécommande. Divine souveraineté de l'individu maître de ses sortilèges, trésorier de ses pensées, gestionnaire de ses émotions !
Les inondations récentes dament le pion au typhon précédent ; une tornade de flashes, dans un festival lacunaire, se disant cérémonie mondiale, éclipse criquets dévastateurs et kidnappings en série. C'est le Far West du spectacle, le feu d'artifice de la fin de l'histoire... Kojève disait que l'humanité, pour se consoler du fléau de l'Evénement, saura raffiner dans les raffinements, et le snobisme démocratisé lui tiendra lieu de pratique sociale...
Les uns prennent l'autoroute pour aller admirer les derniers souffleurs de verre, les autres jouent au squatter dans des ruines pittoresques pour venir en aide aux marginaux embêtés, entêtés, qui refusent un foyer réglementaire et du boudin, les restes inécoulés d'un supermarché. D'autres encore, pour satisfaire aux exigences d'une agence inspirée, renoncent à une direction et s'engouent pour une autre, en raison de la logistique d'accueil ou des faits divers accumulés, inventoriés, fournis comme autant de critères pour arrondir sa connaissance de la terre et de l'humanité...
L'humanité progresse, malgré les crises économiques. C'est son destin. A-t-elle le choix ? Fatiguée des experts et des pessimistes patibulaires, elle se résigne sagement à la vertu moyenne : une opinion tempérée, faite de mini-calculs et d'utopies peu grandioses. On a appris à être modeste : les camps de concentration et les exécutions sommaires, pour faire triompher la version miraculeuse des temps, ne sourient à personne prise à part. Quoique...
Les missiles à tête nucléaire font la sieste, ne dormant que d'un oeil. Des télescopes vigilants patrouillent en parmanence, en quête du filon qui préserverait l'Amazonie et reboucherait les trous dans l'ozone, ou dans la croûte terrestre faite de cratères gigantesques et de terrils.
On s'ennuie beaucoup, on zappe sans arrêt. Ce qui semble manquer douloureusement, comme dans Le Rivage des Syrtes, c'est un canon qui tonne une fois pour toutes, un volcan d'acier qui réveille les vieux enthousiasmes... Plutôt brûler tous une fois pour toutes que se consumer à doses lymphatiques au gré des caprices, des sévices, du bulletin météorologique -- et des téléfeuilletons ? Cette perspective reste rentable et prometteuse, mais, par bonheur, seulement à des fins cinématographiques. Hubris massive, lucrative et purgative, comme disent les médecins d'antan.
L'homme feuilletonesque ne sait plus quoi inventer. A moins de se refaire, à la manière des clients de la chirurgie esthétique, par petites touches, ou même de radicaliser l'exigence et de finir par refaçonner chacun de ses organes atrophiés ou soupçonnés d'usure, en s'en procurant consciencieusement de moins détériorés, catalogués et tarifés comme il sied, avec la procédure adéquate, l'éthique convenable, on ne voit pas comment l'éternelle vigueur ne lui échapperait pas à la fin ! Jouant avec des planètes et des génomes, radiant de sa face les rides et de ses abîmes physiologiques le moindre vieillissement, peut-être viendra-t-il à bout de son mal initial, et intimidera-t-il jusquà la mort, à force de dépouiller la profondeur, de surfer en pure perte sur des chiffres, des plates-formes et des platitudes... Apothéose du nihilisme, une fois épuisées les combinaisons qui permettent de ruser allègrement, ou dangereusement, avec l'adversaire, le bouc émissaire, avec soi. Avec une laisse et une clôture inassignables...
Soyons optimistes pour les atomes, les cellules et les gisements, même si tous les tissus biologiques soigneusement cultivés ne rendent pas intact le tissu social... Soyons sublimes, pour ne pas succomber aux assauts du guignolesque. Trop sensibles et trop éclairés pour dépérir en riant...