« Islamophobie et judéophobie – L’effet miroir » de Ilan Halevi Partie (1)
Cet article est une réflexion et un résumé de l’ouvrage d’Ilan Halevi. C’est aussi une invitation à lire un texte foisonnant d’un homme qui s’est donné pour but de « déjouer les pièges identitaires ».
Né de parents résistants durant la seconde guerre mondiale, peau brune, cheveux noirs frisés, traité de bougnoules ou moricauds, l’homme plonge dans différents univers et brise « les carcans » qui figent son identité. Il est marqué par l’altérité et s’identifie « à tous les damnés de la terre » en défiant « les rigidités identitaires ».
Son ouvrage est détonnant et audacieux si tant est que l’audace consiste à franchir les obstacles fumeux dressés par des éditocrates dominants. La thèse centrale de son ouvrage repose sur l’idée que l’islamophobie fonctionne de la même façon que l’antisémitisme dans sa nature sociale, elle joue un rôle comparable à celui que l’antisémitisme jouait en Europe avant la seconde guerre mondiale. Et c’est sur cela, selon I.Halevi, que peuvent croître, dorénavant, les nouvelles formes de fascisme.
Mais garde à lui ! Car A.Gresh le prévient dès la préface de l’ouvrage. Il sera ciblé de la haine de tous ceux qui hurlent à l’anachronisme « péché des péchés entre tous, irrémissible » quand on risque la comparaison entre l’antisémitisme meurtrier et l’islamophobie, aujourd’hui, dont « le cancer s’étend au sein de la classe politique, des journalistes », des intellectomanes « qu’ils soient de gauche ou de droite ». Pourtant, c’est bien cette « neutralité objectiviste qui paraît anachronique » car l’histoire n’a jamais été « un jardin clos de murs ». Les processus historiques qui emmènent au pire doivent être identifiés et neutralisés. La cruauté empruntant toujours les mêmes chemins.
Une islamophobie à gauche avez-vous dit ?
Oui, à gauche, mais pas de gauche insistera-t-on, celle là molle, « à combustion lente » - comme s'amuse à la qualifier I.Halevi - et drapée de bonne conscience et de séduisantes arguties civilisatrices, sûrement la plus pernicieuse car elle nécessite un grand effort et un discernement de taille à qui veut s’en libérer. Presque tautologique, l’appartenance « de gauche » est trop vécue comme un bouclier contre toute pensée xénophobe et islamophobe puisque, par essence, « la gauche n’est ni raciste, ni islamophobe ». Le poids de l’histoire étouffe encore, inconsciemment, une gauche et des militants qui peinent à reconnaître le racisme structurel dont l’islamophobie est la forme la moins combattue. Cette cécité n’a plus lieu d’être. Ce mal, il faut l’exorciser. Car dès les premières pages du livre, Ilan Halevi nous livre une réflexion, il est habité et hanté par une profonde question : aurait-il résisté s’il n’avait pas été juif ? Autrement dit : aurait-il combattu l’antisémitisme s’il n’avait pas été juif ? Son combat, tout au long de son existence, contre toutes les formes de racisme répondent pour lui.
En effet, l’affaire est humaine, profondément humaine.
Islamophobie ?
Rentrons désormais dans le vif de notre sujet. I.Halevi s’interroge : l’islamophobie est-elle une fiction, une fabrication culpabilisante, une escroquerie ? Première comparaison, l'auteur rappelle que les judéophobes - terme choisi par l’auteur – ont, aussi, et de manière virulente nié l’existence de cette haine qui s’abattait sur les juifs. Comment ? En l’accusant d’être une fiction auto-victimisante pour s’attirer des sympathies, des passe-droits, des privilèges sur les autres français. Pourtant, la haine doit être nommée pour identifier ses processus, ses mécanismes et ainsi être combattue de manière efficace. Dépasser les logiques communautaires, nommer le mal, sans hiérarchie, pour s’attaquer à toutes les formes de haine.
Et combien de livres sont écrits et combien de pseudo-intellectuels ont tapis rouge, aujourd’hui, dans les médias pour remettre en cause l’islamophobie. Ils parlent de chantage : les musulmans s’auto-victimisent pour s’attirer des sympathies et demander des privilèges. Il n’y a qu’un pas pour comprendre et deviner l’intérêt politique qui guide une telle démarche : l’absence de qualification précise des faits permet de regrouper les actes visant les musulmans sous la qualification générique et vague de « racisme », ce qui évacue de fait un traitement spécifique et efficace du phénomène islamophobe.
Le rejet commence par priver les autres de leur propre parole et finit dans la déshumanisation. Nous l’avons vu et nous le voyons.
Voilà en guise d’introduction rapide.
Nous poursuivrons le résumé et la réflexion de cet ouvrage dans les prochains articles. A très bientôt.