Des migrants en provenance du Soudan, d’Erythrée, du Tchad, d’Ouganda, du Niger et du Turkestan sont bloqués au poste frontière Saint-Ludovic, entre Vintimille et Menton. Ils sont là depuis le 11 juin dernier et ne comptent pas partir. « Open the Borders » (Ouvrez les Frontières), peut-on lire en anglais, ou « Pas de frontières ». Telles sont les doléances des migrants rapportées jeudi dernier. Le littoral est bordé d'un amas hétéroclite de parasols, de bâches, de tentes, on y voit même une voile de bateau servant d’abri. Un campement de fortune à ciel ouvert sur les rochers où les heures s’étirent. D’habitude, ce site attire des masses de touristes qui viennent profiter du soleil, de la plage et du farniente. Mais… c’est n’est pas le cas des personnes que j’ai rencontrées. Haytem est Soudanais. En tant qu’aîné, il a dû quitter l’université, trouver du travail et subvenir aux besoins de sa famille. Il a du travailler dans le domaine du textile pour ne toucher qu’un salaire de misère. Haytem en a eu marre. Il a voulu tenter sa chance en migrant vers la Libye comme étape avant de prendre le large en direction de la rive nord de la Méditerranée. Après trois années de labeur, de mauvais traitements et d’agressions multiples associées à du racket sous menace d’arme blanche ou d’arme de guerre, il parvint à avoir lui aussi sa place sur un bateau de fortune, monnayant environ 1700 dinar libyen – soit l’équivalent de 1130 euros. Haytem se souviendra à jamais de cette nuit du 6 juin. Qui fut la plus longue et la plus effrayante de sa vie. « La levée du jour nous a permis de nous rendre compte du danger que l’on était en train de courir. L’embarcation flottait sur les vagues et tout à coup l’eau a submergé le bateau qui a sans tarder… commencé à couler. « Je ne me souviens plus du reste. Tout s’est passé très vite. Sous l’eau, je me débattais pour essayer de garder la tête hors de l’eau. Et puis, les secours n’ont pas tardé à nous venir en aide », raconte-t-il les yeux rivés vers l’horizon. Même récit d’Hassan. Durant son enfance, il a été bercé par les histoires de ses oncles et de ses voisins voyageurs qui étaient partis loin pour travailler et aider leurs familles. Fuyant la pauvreté, la sécheresse, la terre qui ne nourrissait plus et les cheptels décimés. Hassan m’explique en substance les grands problèmes que doit affronter son village au Sud Soudan : « Le manque d’eau et l’absence d’électricité, les routes et surtout les guerres claniques et ethniques ».
Ces migrants sont tous de passage. Ils ne demandent qu’une seule chose : qu’on leur ouvre les frontières. Presque tous affirment chercher à traverser la France pour se rendre en Angleterre et y demander l’asile. Ils vivent tous dans la crainte d’un futur incertain, portant en eux et sur eux les traumatismes et les séquelles liés à la misère et à la guerre et à tout ce qu’elle comporte d’inhumain, encore sur le chemin, dans l’espoir d’arriver quelque part pour pouvoir enfin se poser et vivre en sécurité et être respectés en tant qu’être humains et reconnus dans leur histoire.
La France, en fermant sa frontière avec l’Italie, viole ainsi les Accords de Schengen, le droit international (le bouclier des pauvres) ainsi que le droit européen. Une situation de flou juridique s’est installée à la frontière franco-italienne bloquée pour toute personne qui veut demander l'asile en Europe. Pire encore, la France pratique actuellement des refoulements collectifs vers l'Italie en toute illégalité.