Abderrazak LEJRI

Abonné·e de Mediapart

43 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 mars 2013

Abderrazak LEJRI

Abonné·e de Mediapart

Tunisie: Le révisionnisme du parti islamiste Ennahdha et le négationnisme de l’histoire

Abderrazak LEJRI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vendredi 22 Mars  2013

Par Abderrazak Lejri *  

Quand la haine de Bourguiba aboutit à un complot révisionniste

L’histoire récente de la Tunisie a été marquée dès l’indépendance par une confrontation fratricide entre deux leaders nationalistes : Bourguiba qui avait opté pour un désengagement du pouvoir colonial en plusieurs étapes en passant par l’autonomie interne suite aux négociations avec Mendès France et Salah Ben Youssef intransigeant et davantage influencé par le nationalisme Arabe incarné par Nasser.

Ce fut la première scission entre frères ennemis qui a fini par un bain de sang, l’exclusion des Yousséfistes et le premier assassinat politique dont a été victime en Allemagne le leader Salah Ben Youssef.

Le héros incontesté de l’indépendance

L’actuel leader islamiste Ghanouchi –qui ne rate aucune occasion pour vomir sa haine de Bourguiba- en a fait son fonds de commerce niant systématiquement  l’apport du réformisme éclairé d’un grand homme à qui la Tunisie d’aujourd’hui doit ses fondamentaux en matière d’éducation, de santé, d’émancipation de la femme et d’institution des bases d’un état moderne combien jalousé par nos frères d’orient corrompus et vivant dans les ténèbres sociétales.

Certes,  les errements de sa gouvernance souvent controversée et les dérives despotiques du leader Bourguiba on constitué  une fois qu’il soit devenu vieillissant et sénile un terrain favorable à l’avènement  d’un régime corrompu et dictatorial de basse facture dirigé par un voyou analphabète et vénal qui a mis pendant 23 ans le pays en coupe réglée, mais qu’on le veuille ou pas, Bourguiba reste avec Ben Youssef et le leader syndical Farhat Hached le héros incontesté de l’indépendance de la Tunisie.

La réconciliation nationale par la réhabilitation même tardive des yousséfistes a servi de plateforme au révisionnisme pour occulter  les immenses progrès initiés par Bourguiba et les sacrifices qu’il a consentis en tant que leader du mouvement de libération nationale car les années d’exil et de prison supportées pour la bonne cause ne sont pas à rapprocher de celles que certains ont endurées pour des velléités d’imposer un modèle sociétal rétrograde voire des actes terroristes avérés.

La fête de l’indépendance objet d’un négationnisme systématique

Les citoyens de tout le pays ont été choqués de voir que depuis la révolution du 14 Janvier, la fête nationale du 20 mars est sciemment occultée et n’a fait l’objet à part un discours formel du Président Marzouki à Carthage ni de manifestation festive ni du déploiement habituel du drapeau national ce qui démontre si besoin est que la majorité des rouages de l’état sont devenus aux ordres.

Le 20 Mars 1956 n’appartient ni à Bourguiba et encore moins à Ben Ali mais à tout un peuple qui a mis fin à l’aventure coloniale de la France commencée un certain 12 Mai 1881,  dans ce que fut une province ottomane en déliquescence.

Que le président Marzouki dont le père Yousséfiste est mort en exil au Maroc ou que Ghannouchi le président du parti islamiste Ennahdha qui tient grief à Bourguiba pour l’avoir condamné à mort fassent un amalgame  dans le cadre d’un négationnisme éhonté en niant en bloc l’œuvre d’un Bourguiba qui est rentré lui dans l’histoire par la grande porte, dénote une lecture biaisée et tendancieuse des évènements ayant amené l’indépendance nationale à laquelle –au-delà de Bourguiba-beaucoup d’autres patriotes ont contribué .

Pour les islamistes, par un raccourci simpliste,  l’histoire de la Tunisie aurait commencé avec leur arrivée au pouvoir un certain 23 octobre 2011 suite à des élections sur lesquelles il y a beaucoup à dire et grâce à la trahison de deux militants dits démocrates qui ont vendu leur âme contre des maroquins, à savoir Moncef Marzouki devenu Président provisoire de la république et Mustapha Ben Jaafar auquel a échu la présidence de l’Assemblée nationale constituante (Anc).

A la limite,  s’ils concédaient à remonter plus loin dans l’histoire,  la Tunisie n’existerait que depuis l’’invasion hilalienne islamique soit depuis 14 siècles selon une lecture de l’histoire via un prisme salafiste ou wahhabite.

Qu’il ya ait eu une civilisation Capsienne datant de plus de 8500 ans av. JC et 3000 ans d’histoire avec des civilisations successives carthaginoise , romaine,byzantine  (donc chrétienne)  etc..  représente à leurs yeux une parenthèse qui doit impérativement faire l’objet  d’un négationnisme systématique, ce qui est le propre de toute tentative d’imposer un pouvoir dictatorial à fortiori théocratique.

Quand l’ancienne puissance coloniale a plus de reconnaissance que l’actuel gouvernement Tunisien envers une figure exceptionnelle

Les consignes sournoises de boycott des festivités de l’indépendance ont été prises par tout Tunisien pour ce qu’elles sont : un mépris et une insulte de leur mémoire de leur histoire récente.

A contrario, c’est en France que Bertrand Delanoë, maire de Paris a marqué le coup en dévoilant un buste de Bourguiba en présence notamment de membres de la communauté tunisienne dans le square qui porte son nom au sein du 7ième arrondissement de Paris.

Faut-il dorénavant que les Tunisiens envisagent de se déplacer par charters entiers chaque 20 mars vers la capitale de leur ancienne puissance coloniale pour y fêter l’indépendance de leur pays ?

  • Citoyen tunisien né dans un des bastions du Youssefisme ayant certains griefs contre Bourguiba

http://blogs.mediapart.fr/blog/abderrazak-lejri

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.