Donald Trump et son administration mènent une série d'attaques d'envergure contre les fondements de la recherche, de la science, des libertés académiques et de l'intellectualisme.
Cette offensive passe notamment par la censure de mots qui déplaisent à l'occupant de la Maison-Blanche et l'arrêt de financement fédéraux pour les recherches portant sur le changement climatique, l'histoire coloniale, le racisme, les thématiques LGBTQ+ ou plus généralement tout ce qui déplaît à Trump et sa clique. Face à l'effondrement ou tout au moins à la fragilisation du mastodonte américain de la recherche, que faire ?
Il est évident que l'arrêt des recherches étasuniennes sur tout ce qui à trait aux thématiques d'inclusion, au racisme systémique et à l'histoire et à la lutte contre les discriminations ou le climat aurait des conséquences dommageables bien au-delà des frontières des USA. Dans un contexte d'attaques globalisées contre l'université et la science et en particulier les sciences humaines et sociales, cela fragiliserait la position des trop peu nombreuses personnes travaillant sur ces thématiques en France, en Europe et dans le reste du monde. De plus, même si les pays ne sont évidemment pas les mêmes, nous bénéficions aussi de la recherche en SHS conduite aux Etats-Unis : les concepts développés et les résultats obtenus dans les universités outre-Atlantique peuvent être pertinents autre part, pour la simple et bonne raison que nous partageons avec les Etats-Unis une bonne partie de nos structures sociales qui participent au système d'oppression capitaliste, patriarcal, raciste, validiste et néocolonialiste occidental.
L'arrêt des contributions étasuniennes en sciences du climat serait également dramatique, ne serait-ce que par la puissance de feu scientifique du pays et le besoin actuel de recherches dans ce secteur.
Nous faisons donc face à un double constat : la mise en danger de recherches que l'on peut considérer d'intérêt général, et la possibilité d'émigration de chercheurs et chercheuses. Le gouvernement a déjà annoncé réfléchir à en accueillir une partie en France, et si l'idée de poursuivre les recherches que l'offensive réactionnaire et fasciste américaine veut faire disparaître est à première vue très attrayante, il ne faut pas perdre de vue certains points essentiels au niveau de la mise en place d'un tel dispositif.
- La France et l'Europe ne manquent pas de cerveaux mais de postes pour les accueillir. Attirer des chercheurs internationaux pour pouvoir ensuite communiquer sur l'attractivité de la France ou son supposé statut de grande puissance de la recherche coûte a priori plus cher que de recruter en local. Bien sûr, accueillir les personnes qui fuient la dictature en voie d'installation aux Etats-Unis est un devoir moral, mais cela ne s'applique pas qu'aux chercheurs et chercheuses.
- Un tel dispositif d'accueil coûterait de l'argent, et s'inscrirait dans une politique ambitieuse de financement de la recherche qui n'est clairement pas la direction dans laquelle s'orientent les politiques françaises et européennes dans les dernières années. Cela supposerait de créer des postes au lieu d'en supprimer, et avec un focus particulier sur les SHS et les sciences du climat plutôt que dans les domaines aux coûts sociaux et environnementaux forts actuellement en vogue tels que l'IA ou les technologies quantiques.
- Pour pouvoir supporter le coût d'une telle politique dans un contexte d'austérité budgétaire, il faudrait donc soit faire contribuer les personnes les plus aisées (ce qui serait la solution socialement acceptable), soit faire peser ce coût sur les classes populaires (ce qui est très probablement la stratégie macroniste).
Si l'on cherche réellement à défendre l'université et la science en général contre l'obscurantisme, la censure et le fascisme, il est bien plus efficace de défendre les personnels et institutions accusés de militantisme et de propager wokisme, antisémitisme, haine de la France ou toute autre élucubration d'extrême-droite. Toute politique d'accueil de chercheurs et chercheuses étasunien.ne.s par le gouvernement, dans le climat actuel, ne représenterait qu'une opération de communication - financée par les plus défavorisé.e.s - visant à mettre en scène la puissance de la France et son engagement pour les libertés pour mieux cacher la véritable offensive de l'internationale réactionnaire. Qui peut sérieusement croire que les forces politiques au pouvoir, représentant le patriarcat, le capitalisme et l'oppression systémique en général, cherchent à renforcer ou sanctuariser à long terme la recherche sur ces oppressions, leurs mécanismes et leurs conséquences ?