C'est décidé. Etonné par la partialité avec laquelle l'histoire de la révolution française est enseignée à ma fille, nous partons pour une semaine en Vendée. Je sais bien que Marcel Pagnol moquait "les cours d'histoire élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine" et que Balzac dénonçait "l'histoire officielle, menteuse qu'on nous enseigne", mais tout de même, j'avais appris à vénérer la république naissante, à considérer la révolution comme l'enfant des lumières en dépit du doute instillé plus tard par François Furet. Le choc n'en fut que plus grand tout au long de ce parcours historique. Un peuple s'était soulevé, élisant ses chefs parmi les siens, un colporteur, un garde-chasse; persuadant à grand peine quelques aristocrates de se joindre à lui pour leurs compétences militaires. Un peuple qui, avec deux siècles d'avance sur les idées, voulait préserver son identité face à une république qui, trahissant une par une les promesses du bel été 89 , s'abimait dans la dictature. Un peuple qui voulait protéger ses enfants contre les exigences du moloch lequel après avoir déclaré à l'Europe entière une guerre dont la fin ne surviendrait qu'en 1815, venait prélever son tribut de chair à canon.
Face à ce peuple, la réaction de l'état jacobin ne fut pas de comprendre mais d'écraser. Pour commencer , on le déconsidéra, on affecta de le mépriser: ce n'était qu'une bande de brigands obscurantistes menés par des curés et des nobles qui voulaient rétablir les fers de la monarchie. C'est étrange comme les régimes qui entendent à toute force vous apporter les lumières de l'être suprème, de la pureté raciale ou du socialisme réel commencent par vous humilier avant de vous massacrer. Puis ce fut la tuerie. Plus de 120.000 hommes, femmes et enfants selon les estimations les plus faibles. Une tuerie qui est le premier génocide des temps modernes, la convention ayant déclaré le "populicide". Une tuerie dont les méthodes ignobles n'ont rien à envier à la barbarie nazie: des fours dans lesquels on jetait vivantes des femmes qu'on se vantait de faire fondre, des ateliers de culottes en peau humaine, des Oradour sur Glane aux Lucs sur Boulogne. Qu'il est éloquent le rapport que ce fier général Westermann adressait à la convention: "Il n'y a plus de Vendée, elle est morte avec ses femmes et ses enfants...Suivant les ordres que vous m'avez donnés, j'ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré des femmes..Je n'ai aucun prisonnier à me reprocher. J'ai tout exterminé..". Partout dans les villages, on trouve les traces des sinistres colonnes infernales dont le chef voulait faire de la Vendée "un cimetière national". Il est cependant impossible d' imaginer ces scènes apocalyptiques en parcourant cette campagne paisible ; tout juste est-on surpris de ne trouver que quelques rares bâtiments antérieurs au 19ème s. On alla jusqu'à débaptiser la Vendée pour mieux l'effacer. Ce génocide occulté dans la mémoire nationale ne l'a pas été partout puisque le doux Lénine répétait avec gourmandise : "il nous faut des Vendée" !
Après ce voyage au fond de l'horreur de la guerre d'extermination, un arrêt réconfortant au Puy du Fou: un spectacle qui commémore ses trente ans, qui fait appel à près de quatre mille personnes se préparant toute l'année avec ferveur, qui a créé des compétences et des emplois , qui ne coûte pas un centime d'argent public , qui est applaudi chaque soir par quinze mille personnes.
Avec raison , notre pays relit les périodes sombres de son histoire et y trouve matière à repentance. Puisse-t-il un jour en faire de même avec cette période et effacer cette tâche hideuse sur le beau message de la révolution.