
J'avais écrit il y a quelques jours un petit billet à propos des Indigènes de la République, un billet en forme de point d'interrogation. J'y disais le peu que je savais de ce mouvement, l'à priori favorable que j'avais dans un premier temps , et parallèlement les doutes qui subsistaient pour moi quant à leurs intentions à la lecture de certain de leurs textes, de l'emploi de certains termes qui me paraissaient plutôt... ambivalents.
J'espérais, naïvement sans doute, qu’à l'instar d'autres sujets qui sont traités dans le journal et le club Mediapart, des contributeurs viennent nombreux commenter mon billet, qui de son avis, qui ses nuances, qui de ses références, liens, analyses sur le sujet pour m'aider à y voir clair sur ce thème.. polémique, s'il en est!
... Trop polémique il faut croire, à moins que ça ne soit le sujet qui présente si peu d'intérêt?... C'est vrai que les thèmes ne manquent pas sur Mediapart. Et ailleurs sur le net!
J'avoue que je suis quand même un peu surpris des réactions autant que des non réactions...
C'est néanmoins un sujet qui enflamme, si j'en crois un échange que j'ai eu avec une personne dont j'avais sollicité l'avis sur le sujet, mais qui a préféré échanger en mode "privé" avec moi et non par le biais de commentaires sous le billet comme je l'avais pourtant souhaité..
Et sans dévoiler de secret de correspondance je puis dire que l'échange à vite tourné au vinaigre, et que sans obtenir de réponse à mes questions je me suis très vite vu traiter de tous les noms de la terre pour avoir ne serait ce que soulevé le sujet du PIR et posé des questions voire émis des réticences vis à vis de leurs propos, citations à l'appui et dans un esprit de dialogue poli...
Bref: pas facile d'avancer donc...
Alors, j'ai continué à essayer de comprendre tout seul comme un grand en retournant "à la source" et en lisant et relisant des textes directement sur le site des indigènes. C'était la chose à faire depuis le début, me direz vous... Certes, et je l'avais fait dans une grande mesure, mais il se trouve j'aime bien aussi avoir l'avis éclairé d'autres personnes et pouvoir mettre ce que je lis en perspective.
Et à fortiori, pour moi qui ne suis pas un érudit, loin de là, avec les concepts tant nouveaux que compliqués qu'on trouve dans les communiqués et textes des Indigènes de la République.
Comme je le disais dans mon premier billet, je recommande d'ailleurs vivement leur site qui est une mine d'info.
(Au passage une critique: on y trouve sauf erreur de ma part des billets en français et en anglais voire en espagnol mais à ma connaissance, ou alors ils sont bien cachés, pas en chinois ou en arabe. Encore moins en espéranto... Comme diversité on fait mieux: la dé-colonisation devrait pourtant commencer en bas de chez soi!!! )
Toujours est il que sur ce très bon site j'ai donc lu de nombreux billets afin de "partir de la source" donc et essayer de comprendre et de me faire une idée tout seul...
Encore une fois, les problèmes de la société française soulevés par les "indigènes" sont indéniables mais totalement passés sous silence dans les médias.
Je l'évoquais dans mon premier billet et rien que pour cela l'existence du PIR est sans doute salutaire.
Discriminations en tous genres, islamophobie, harcèlement policier avec des brigades spécialement créées à leur encontre telles la BAC, inégalités disproportionnées devant la justice, l'école, les services publics en général, stigmatisation permanente dans les médias, y compris de manière peut être inconsciente chez certains "bien pensants", y compris de manière insidieuse chez les "éditocrates" en chef..
Bref, la liste est longue, interminable, des souffrances qu'endurent ceux qu'on appelle "issus de la diversité", "issus de l'immigration", ceux qui viennent "des quartiers", "des cités".. pour ne pas dire simplement: ceux qui vivent dans des "ghettos".
Eh oui, c'est un mot qui fait peur en France, mais le fait est que, n'en déplaise à tous ceux qui préfèrent se voiler la face, certains quartiers sont devenus des véritables ghettos, au sens américains du terme. Je vous renvoie à "La loi du ghetto" un livre de Luc Bronner (Le Livre de Poche) excellent ouvrage basé sur un long travail de terrain. (certes, auraient pointé avec justesse les indigènes, pas un mec issu lui même du ghetto, mais bon..)

Un autre aspect où il faut vraiment ouvrir les yeux, c'est celui du RACISME.
Du racisme, non pas vu par ceux qui le dénoncent et veulent (sans doute sincèrement) lutter contre lui, notamment le monde politique, syndical et associatif, la Gôche quoi, dont les dirigeants dans leur écrasante marjorité sont.. blancs il faut le reconnaître... Non, il s'agit encore du racisme mais cette fois ci vu, pensé par ceux qui en souffrent réellement au quotidien.
Voici un exemple typique de l'"antiracisme" blanc par et pour les blancs qui énerve pas mal (et toujours à juste titre!) les "indigènes de la république".
(Je n'ai pas pris SOS racisme comme exemple, trop facile, où le slogan parle de lui même : touche pas à mon pote, c'est ce que dit un blanc... à un autre blanc..)
(
Lisez cet article ci dessous pour voir les formes ridicules que peut prendre parfois l'antiracisme.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/quel-antiracisme-pour-la-gauche-de-34964 )
Le problème que la gauche, le mouvement syndical et associatif a du mal à percevoir c'est le fait que, parmi les couches populaires, ceux qui viennent des "quartiers", les "minorités visibles", bref les arabes et les noirs pour ne pas faire de politiquement correct, sont les sous prolétaires des prolétaires et le racisme, plus que quelque chose d'abstrait de de" pas bien" qu'il faut redresser, c'est le quotidien, c'est une réalité concrète, durable, lourde pour eux.
Les militants anti racistes, les militants politques "blancs" sont habitués à présenter le racisme comme juste une "anomalie", le fait de l'ignorance ou de la manipulation une division dans la classe ouvrière agitée par le capitalisme comme une simple diversion.
Eh bien c'est plus compliqué que ça! plus pernicieux encore. Le racisme, c'est aussi un calvaire, une galère supplémentaire pour bon nombre d'habitants de l'hexagone. (bien français pour le coup!)
Pour comprendre mieux, je vous invite à lire ce billet de Gavroche (il s'agit du texte d'une Intervention de Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacemaux Estivales citoyennes 2012 du Front de gauche) qui définit mieux que je ne saurais le faire le fossé qui existe réellement entre les deux mondes de "la gauche" (politique, syndicale, associative..) et des "quartiers", deux mondes en cercles fermés qui s'ignorent - voire se confrontent même parfois en termes de revendications.
Non, ça ne fera sûrement pas plaisir à lire aux anciens soixante huitards et compagnie mais c'est une réalité que décrivent bien les auteurs... (même si on n'est pas obligé de partager 100% de leurs pointsde vue, ni ceux du Front de Gauche d'ailleurs!).
... Et revenons au PIR.
Le Parti des Indigènes de la République est depuis sa création en 2005 à la pointe de la dénonciation de cet état de fait dont je viens de parler plus haut.
Il a choisi d'être un mouvement actif, radical, et ça à la base.. ça me plait. Et la provoc', pourquoi pas?!
Mettre les pieds dans le plat comme l'a fait sa porte parole Mme Houria Bouteldja, en retournant le concept de "français de souche" et utilisant "souchien", est excellent. (Au passage, elle est trainée en justice par l'AGRIF, ce qui est tout de même un comble pour n'avoir fait que finalement retourner un concept de l'extrème droite la plus réactionnaire et le leur balancer dans la gueule... Mais c'est probablement qu'elle a visé juste... à suivre en tous cas)
"Souchien" versus "Français de souche" "donc. La réponse de la bergère au berger...
Mais ces retournements de concept, au delà de l'humour, ne légitiment ils pas au bout d'un moment ces mêmes concepts? ne les banalisent ils pas un peu?
Le PIR ne s'est il pas opportunément approprié le terme "Souchien" pour remplacer le terme "blanc" dans son discours, terme qui était un peu ambivalent?...
Je ne saurais dire.
Mais là où je suis encore moins Mme Bouteldja et le PIR, puisqu'elle parle en leur nom, c'est lorsqu'elle nous dit la chose suivante en présentant son mouvement en... Australie, (loin des cités...)
"(...) L’appel des Indigènes [en 2005] est une rupture idéologique qui sonne la fin du consensus républicain et qui détruit un mythe. Dorénavant, il fallait accepter l’idée qu’il y avait des sujets coloniaux en république et que le racisme n’est pas un simple problème moral. C’est un système dans lequel s’opposent deux catégories : les Blancs qui bénéficient du privilège racial objectivement, qu’ils soient racistes ou pas. Les Indigènes qui subissent le préjudice racial qu’ils soient blancs de peau ou noirs, qu’ils soient riches ou pauvres. Le racisme est un système articulé au capitalisme comme aiment à le rappeler les militants de gauche et d’extrême gauche mais il a son autonomie propre. Dans les classes populaires, les prolétaires blancs se battent pour préserver leur capital racial et maintenir la distance entre eux et les Indigènes. Entre ces deux fractions du peuple, il y a conflit d’intérêts. Quant au pouvoir, il s’active pour renforcer ce privilège comme par exemple avec le débat sur l’identité nationale ou la Burqa. Ainsi, le racisme fait apparaître un autre clivage qui traverse le traditionnel clivage gauche /droite et qui est le clivage racial. (...)"
(Houria Bouteldja, membre du PIR Université de La Trobe, Melbourne-Australie - le 17 septembre 2012 - les passages en gras sont de mon fait).
Là je vous avoue que je suis perplexe. Au delà de nouvelles notions telles que "capital" ou "clivage racial" que j'aimerais qu'on me détaille, j'ai l'impression que la porte parole des Indigènes de la République ne se contente plus de faire un constat que le racisme divise profondément la classe ouvrière, ce dont je parlais ci dessus, mais elle semble "s'inscrire" dans ce conflit au lieu de vouloir le dépasser, et elle s'affirme dans un camp contre un autre ...
Evidemment, "blancs" et "indigènes" sont des concepts très souples... On peut être blanc et indigène. On peut être noir et agent de la domination blanche. Alors pourquoi s'évertuer à les utiliser, ces concepts bancals? à les pérenniser?
Mon problème, c'est: jusqu'où veut on cultiver le clivage entre les souchiens et les indigènes? Veut on en jouer? l'aggraver?
C'est parfois la question que je me pose en lisant certains textes des "têtes pensantes" du PIR.
Et dans tous les cas, entre les souchiens et les indigènes, est on vraiment obligé de choisir son camp?
Dans un autre texte concernant la commémoration du 17 octobre 1961, le PIR nous explique que "La vague d’islamophobie et de négrophobie sans précédent qui s’affiche maintenant au grand jour, l’idéologie suprémaciste blanche qui désormais est assumée sans complexe par des politiques, des policiers, des magistrats et leurs affidés, sont dans la droite ligne du crime du 17 octobre 61." (voir ce billet)
Si l'on passe l'anglicisme (Supremacist: one who believes that a certain group is or should be supreme i.e. greastest in power, authority or rank,; paramount or dominant) est ce que la situation actuelle mérite d'agiter précisément ce terme qui se rapporte spécifiquement aux néos nazis du sud des Etats Unis? N'est ce pas une analyse pour le moins.. lapidaire?
A l'aune de ce système suprémaciste (mondial j'imagine?) blanc, comment interpréter alors la négritude d'Obama? de Condolezza Rice, complice de Bush? Mon propos est volontiers provocateur mais ce sont des gens qui ont eu une importance capitale dans les décisions de la politique étrangère particulièrement anti arabe de l'impéralisme US...
Des anomalies me dira -t-on peut être? Un autre exemple alors... comment comprendre qu'il y ait des couples 100% français qui dilapident leur "capital racial" en donnant un prénom arabe à leur gamin(e)? Une autre anomalie?
Quid des mariages mixtes? d'autres anomalies dans le système des "races sociales"?..
Le système "nouveau" de "races sociales" du PIR n'est il pas plutot un peu bancal?..
Le PIR nous explique aussi que "Un Noir ou un Arabe qui dit “sale Blanc” exprime au pire un sentiment d'intolérance ou de haine en réaction aux humiliations qu'il subit, un Blanc qui dit “sale Noir” ou “sale Arabe” exprime forcément un sentiment raciste. »
Même si j'ai un peu l'impression d'entendre Chirac dans les années 80 qui nous disait que "je n'excuse pas le racisme mais je le
comprends ", je puis tout à fait prendre en compte le fait qu'en effet, il n'y a pas un signe égal entre le racisme du dominant et du dominé. D'accord à 100%.
Ai je tout de même le droit de penser que ce Noir se trompe en insultant quelqu'un juste par rapport à sa seule couleur de peau? Qu'il place mal sa haine, sa "réaction"?
Que ce n'est ni le fond du problème ni encore moins la solution de réagir ainsi?
Si c'est un positionnement politique que de revendiquer cette fracture entre les "races sociales" , et que c'est celui du PIR, ai je le droit de dire que focaliser sur les "privilèges blanc" et limiter le combat à la "lutte des races" (pour reprendre la terminologie du PIR) est pour moi erroné ?
Voici simplement les questions que je me pose. Ce billet n'est pas un pamphlet contre le PIR mais, encore une fois, un appel à témoins, à remarques, à reflexions.
Est ce que, en m'interrogeant comme je viens de le faire, je deviens d'un coup semblable à Copé, à l'AGRIF, à Hortefeux, à Sarkozy, Le Pen et Valls comme on me l'a dit ?..
Je ne demande pas mieux qu'on me contredise, qu'on m'explique que je me trompe et que je n'ai pas tout compris ce qui est après tout fort possible...
Par contre, je ne me contenterai pas de "tu es blanc, tu ne peux pas comprendre" d'un côté, ni de "je suis blanc et je les soutiens c'est donc qu'ils ont raison" de l'autre, je voudrais des arguments plus étayés qui répondent précisément à mes questions.
Peut être est ce beaucoup demander?..
En conclusion, et parce qu'encore une fois j'ai dit et je répète que les indigènes de la république ont au moins le mérite d'exister et de mettre les problèmes sur la place publique par ceux là même qui les vivent, une citation provocatrice comme je les aime de Houria Bouteldja qui a fait jaser mais que moi, je fais volontiers mienne.
Parce qu'avant tout j'essaie d'être tolérant... et lucide.
Si ce qui dit Mme Bouteldja ci dessous ne plait pas à tout le monde.. eh bien tant pis pour eux! C'est la vie! c'est la vie! Faudra s'y habituer!
Moi cela ne me pose pas de problème...
... Mais ce que je n'accepte pas , c'est l'idée qu'il y aurait actuellement et qu'il y aurait toujours fondamentalement des interêts divergents entre les "souchiens" et les "indigènes".
J'ai bien le droit, non?!
Citation de H. BOUTELDJA
"Aussi douloureux que cela puisse être ressenti par les écorchés du drapeau et les thuriféraires d’une France éternelle et gauloise, nous transformons la France. En d’autres termes, elle aussi, s’intègre à nous. Certes en y mettant le temps, mais nul besoin d’une conspiration fomentée par les masses arabo-négro-berbères, ni d’un quelconque complot ourdi par des cellules dormantes de barbus-le-couteau-entre-les-dents. La France ne sera plus jamais comme dans les films de Fernandel. Notre simple existence, doublée d’un poids démographique relatif (1 pour 6) africanise, arabise, berbérise, créolise, islamise, noirise, la fille aînée de l’Église, jadis blanche et immaculée, aussi sûrement que le sac et le ressac des flots polissent et repolissent les blocs de granit aux prétentions d’éternité » (19 septembre 2009)."
On pourra objecter qu'elle se croit autorisée à parler au nom de tous les indigènes des quatre coins de la planète, certes, mais ... c'est joliment dit et bien envoyé!