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Billet de blog 24 janvier 2025

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Traité Théologico-Politique de Spinoza chapitres 16 -20, fiche de Lecture détaillée

Dans l'optique de la conférence présentée le 26 janvier au lycée d'Etat Jean Zay, notes de lecture détaillées et mises en forme. Attention, tout n'est pas linéaire, mais la source des idées est détaillée en fonction de chaque chapitre.

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SPINOZA - TRAITE THEOLOGICO-POLITIQUE – CHAPITRES 16 à 20

fiche de lecture détaillée

Chap.16 : Droit naturel et droit civil

Chap. 17 : Puissance / Souverain

Chap. 18 : Hébreux

Chap. 19 : Religion

Chap. 20 : Liberté d'expression

Droit naturel et droit civil

Il faut déterminer la liberté de l'individu, notamment sa liberté d'expression et de pensée. Pour cela il faut comprendre le droit naturel de Spinoza. Droit naturel ; pas au sens de Locke ou Rousseau, un droit qui appartient par nature aux hommes dès leur naissance, comme « tous les hommes naissent libres et égaux en droit ».

Droit naturel = droit qui suit les règles fixées par l'ordre de la nature. Par exemple : la police de la nature de Montaigne. Ex : le droit de la nature pour les poissons est de nager. Ce droit ne peut pas être dépassé car il est directement dépendant de la puissance de Dieu, créateur et maître de l'Univers. Le droit de nature qui est propre au genre humain, c’est donc aussi le droit (ou la puissance effective) de pouvoir revendiquer des droits et de résister à toute violence qui contesterait ou entraverait la libre jouissance de ces droits.

Mais chaque individu possède également sa propre puissance, son propre droit, qui vient de sa nature. Car la nature de chaque individu est de persévérer en lui-même.

L'homme, soumis à la puissance de la Nature est-il libre ? Oui, mais pas exactement de la manière dont on l'entend. Il faut dépasser la simple opposition entre déterminisme et liberté absolue.

L'expression de la puissance en chacun

Tout d'abord, l'expression du droit naturel se limite à la puissance de chaque individu. Dans le droit naturel, « chacun voit midi à sa porte » seule la Raison est universelle. Les hommes vivent soumis à leurs passions ; à l'appétit, notamment.

La nature ne suit pas les intérêts de l'homme, qui ne peut décider de ceux-ci que grâce à la raison. La nature de l'homme ne s'oppose pas à l'état civil ; il faut dépasser la nature pour accéder à la liberté véritable ; sinon, la cité des hommes est une cité d'esclaves (si elle est guidée par la simple nature, égoïsme et qui n'est faite que d'opposition de puissances isolées), et non une cité d'hommes libres. Mais, dans les deux cas, cette société est une société qui imite le plus possible la nature, c'est-à-dire la manière dont les hommes existent, et ne cherche pas à s'en écarter de manière artificielle.

Il faut donc prendre en compte le désir, la force de nos passions.

Le problème d'accepter la loi de la Nature seule, c'est qu'elle ne fixe aucune limite par elle-même. Cela nous conduit d'ailleurs à un erreur de compréhension du monde ; nous croyons que la nature est mauvaise. Il n'en est rien ; nous sommes seulement incapables, de notre point de vue subjectif, de comprendre la chaîne universelle des causes qui mène à tel ou tel événement. Seul Dieu a cette connaissance, c'est en cela qu'il est omniscient.

C'est donc selon les règles de la Raison qu'il faut vivre ; elles nous permettent de comprendre et d'accepter le monde, et elles nous évitent d'être soumis aux passions violentes.

On pourrait imaginer une société conçue seulement sur la loi naturelle, et donc sur l'Appétit. Les hommes pourraient tout de même respecter leurs puissances mutuelles, quand bien même elles seraient antagonistes. Spinoza est donc en désaccord avec Hobbes. Nous sommes capable de déterminer le plus grand bien, le plus grand mal, et d'agir en conséquence. On peut tout à foait imaginer une société égoïste où tous les hommes ne suivent que leur propre intérêt. Le problème est que parfois, le vice peut se glisser dans ce calcul, et nous devenons rusés et perfides.

Si l'on superpose la Raison à ce calcul purement utilitaire, dès lors il devient forcément vertueux. Tant que la Raison n'est pas suivie par tous, on ne peut pas se reposer avec certitude sur la bonne foi de quelqu'un qui suit seulement le Droit Naturel ; car il ne limite son calcul d'intérêt qu'à sa puissance propre.

Le transfert de puissance

Concept central : la translation des droits.

Voici donc de quelle manière peut s’établir une société et se maintenir

l’inviolabilité du pacte commun, sans blesser aucunement le droit naturel : c’est

que chacun transfère tout le pouvoir qu’il a à la société, laquelle par cela même

aura seule sur toutes choses le droit absolu de la nature, c’est-à-dire la

souveraineté, de sorte que chacun sera obligé de lui obéir, soit librement, soit

dans la crainte du dernier supplice.

Pour passer de l'individu à la société, il y a un transfert de puissance ; encore une fois, pas pouvoir acquis, mais puissance d'agir. Ex. passation de pouvoir des présidents, qui se transmettent la puissance nucléaire = capacité d'appuyer sur le bouton nucléaire et de vitrifier un pays.

Le droit du souverain est absolu au sens constitutionnel ; il n'est pas besoin de le limiter car les individus ont transféré leur puissance d'agir à ce souverain. Il prend des décisions et réalise leur puissance à leur place. Exemple ; si je voulais aller chercher des épices en Chine, je suis Marco Polo et j'oriente mes actes pour le faire. Je peux avoir un Etat qui se donne comme mission d'aller chercher des épices. On passe de l'explorateur au colon.

Mais ce transfert ne réduit pas ces sujets à l'impuissance ; car en tant qu'êtres humains ils gardent leur puissance active, et peuvent donc limiter celle du souverain si elles rentrent en opposition, ce qui ne devrait pas être le cas puisque le souverain est en fait, dans une société naturelle, le prolongement de leur appétit, et dans une société libre, l'expression de leur raison.

Tant qu'il y a homogénéité entre ma puissance individuelle et la continuité de celle-ci incarnée par le souverain, je dois lui obéir. Sinon, je reprends mon indépendance.

Pour cela, Spinoza parle de Démocratie, contrairement à Hobbes. Le souverain n'est pas un maître qui dépasse mon être ; il incarne mon être et celui des autres en lui-même. Il ne m'efface pas, il me représente. On peut donc parler de pouvoir représentatif. C'est là que se pose la question de ma liberté.

Je suis esclave si ma puissance vise à servir la puissance d'un maître qui me trompe, je suis libre si j'ai transféré ma puissance pour qu'elle soit servie ET en même temps harmonisée avec celle des autres membres de la société. Encore une fois, désaccord avec Hobbes (cf.note 33) : la raison conseille à l’homme la paix, et la paix n’est possible que dans l’obéissance au droit

commun. En conséquence, plus un homme se gouverne selon la raison, c’est-à-dire

plus il est libre et plus il est fidèle au droit commun, plus il se conforme aux ordres du souverain dont il est le sujet.

Exemple clair ; les enfants transfèrent leur puissance à leurs parents, ce ne sont pas des agents autonomes. Un enfant SAGE, RAISONNABLE, sait qu'il transfère justement sa puissance d'agir à ses parents, mais que c'est pour son BIEN. En revanche, un enfant maltraité est LEGITIME à se rebeller contre ses parents, si ils sont méchants avec lui. On voit que la raison pousse au transfert de puissance, tant qu'il est équitable. La vraie liberté, c'est d'obéir à un pouvoir qui respecte nos intérêts.

Deuxième justification de ce transfert de liberté ; nous donnons au souverain notre puissance d'agir qu'il doit, encore une fois, représenter, et harmoniser avec les autres. Le souverain représente la société ; il saute l'obstacle qui se pose à tout individu, qui en affirmant sa puissance risque d'affronter la puissance d'autrui.

Exemple : j'aime prendre l'avion, mais les pollutions causées par cet avion vont avoir un impact climatique, qui détruiront les récoltes de tomate du Sud de la France. En quelque sorte, ma puissance d'agir comme touriste va aller gêner la puissance d'agir de l'agriculteur. Seul, je ne serais pas capable de prendre la décision, et l'agriculteur non plus. Grâce au souverain dans la démocratie, qui doit incarner à la fois ma puissance d'agir et celle de mon opposant, une solution va naître, il va arbitrer et permettre ainsi une cohabitation pacifique entre le détestable touriste parisien et le sympathique agriculteur Aveyronnais.

La promesse du chapitre XVI enveloppe, un désir de société qui se décline selon quatre principes de consentement mutuel :

1 – « tout diriger selon le seul commandement de la raison  » ;

2 – « réfréner l’appétit dans la mesure où il conseille quelque chose de dommageable à autrui  » ;

3 – ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fît ;

4 – enfin, défendre le droit d’autrui comme s’il s’agissait de son propre droit

On voit donc tout le magnfique paradoxe du Traité de Spinoza sur la question du transfert de liberté : les sujets qui ne peuvent obéir au souverain qu’en résistant à la domination. 

[Chapitre 17]

Le souverain ne peut effacer, par sa puissance, celle d'un homme, car précisément il ne cesse jamais d'être homme. Espoir de Spinoza : nos affects, nos ressentis, nos passions (à expliquer) qui viennent précisément des lois de la nature qui nous animent, ne peuvent pas être remplacés par ceux d'un autre.

Toutefois il ne faut pas nier l'obéissance, et donc le pouvoir du souverain ; il faut, pour que l'Etat existe, que le citoyen accepte son autorité, ce qui implique qu'il accepte d'agir pour servir la puissance d'un autre. Reprise de l'exemple de l'Aveyronnais ; pour que ce conflit entre 2 puissances soient réglées, il faut bien que l'on accepte qu'une 3e puissance intervienne et agisse, en l'occurence qu'un souverain, un gouvernement, vote une loi pour m'empêcher de prendre l'avion ou pour compenser les pertes de l'agriculteur.

Le souverain commande donc à nos passions, mais dans le même temps l'obéissance qu'il obtient est elle-même une passion, puisqu'elle fait appel à nos affects, notamment la crainte ou l'affection. On peut donc imaginer, et Spinoza avertit du danger, des hommes dont la seule passion est l'amour pour le souverain, ce qui serait donc dangereux car ils auraient perdu toute passion d'agir propre à eux.

Evidemment ce transfert de puissance est menacé. Dabord, par les passions humaines, dont Spinoza fait la liste ; corruption, luxe, avidité, etc. Il reprend le discours sur la chute des Empires, que l'on entend beaucoup actuellement ; ce n'est pas les structures du pouvoir qui mettent le peuple en péril et l'amènent à sa chute, mais le peuple lui-même qui perd la rigueur de ses ancêtres, qui oublie que le pouvoir a été dur à gagner, et qui le corrompt.

N'oublions pas aussi que le pouvoir doit se fonder aussi sur la Raison pour que l'on passe d'une cité d'esclaves à une cité libre. Et il y a à nouveau ici un danger : la corruption peut se faire au niveau des gouvernants,. On rappelle que le domaine de la Raison concerne la connaissance des essences, des Idées absolues. Les gouvernants peuvent être dangereux quand ils veulent convaincre le peuple qu'ils sont légitimes à gouverner parce qu'ils découlent eux-mêmes d'une essence, d'une idée absolue ; autrement dit, quand ils veulent fonder leur pouvoir de façon métaphysique. En effet, comme l'essence éternelle et absolue doit prendre le pas sur les passions et les puissances d'agir temporaires, il est tentant de se faire passer pour Dieu. Il faut donc se méfier de cette « divinité simulée » (p.281) Le pouvoir ne doit pas se fonder sur la divinité usurpée, mais sur le suffrage et le consentement des hommes. La Théocratie est légitime quand elle concerne Moïse et les Hébreux ; mais on ne s'improvise pas Moïse.

L'état des hébreux

Etat présenté par Spinoza comme d'une égalité parfaite, il s'est pourtant effondré. Il faut comprendre pourquoi. Et ce n'est pas lié à sa nature ; il n'y a pas de « nature des peuples ». La nature des hommes est toujours la même, ils ne se différencient que par les langues et les mœurs ; et la différence des mœurs vient des différences entre les lois. Qu'avaient-donc de si particulier les lois des Hébreux ?

C'est un État dans lequel il n’y a pas de domination de l’homme par l’homme ; l’égalité y est strictement respectée, ce qui assure à chacun « la liberté à l’égard de tout pouvoir humain  ». En effet, les lois viennent de Moïse, qui a un lien direct avec Dieu. En respectant les lois, le peuple jouissait d’une sécurité collective qui leur permettait de vivre en paix. De plus, , les Hébreux pouvaient réfléchir à la signification des lois divines et les intégrer dans leur vie. La soumission aux lois n’était pas purement extérieure ; elle était liée à leur foi, ce qui leur permettait de les accepter intérieurement, en toute conscience. Ainsi, ils ne se sentaient pas opprimés, mais libres, car leurs actions étaient en accord avec leurs croyances.

Le problème posé par l'Etat Hébreux est celui de son souverain. Moïse y est gouvernant absolu, porteur et interprète des Lois, messager direct de Dieu, administrateur de l'Etat. Il tire directement sa légitimité de Dieu. Ce qui est un risque, car il n'existe tout simplement pas de contre-pouvoir ; comme le dit Spinoza, même si dans le passage cité il ne parle pas de Moïse mais de ceux qui voulurent le remplacer, sans succès : « Ceux qui administrent l’État ou qui ont le pouvoir en main, quelque action qu’ils fassent, s’efforcent toujours de la revêtir des couleurs de la justice et de persuader au peuple qu’ils ont agi dans des vues honorables ; ce qui est chose facile, quand l’interprétation du droit est en leur pouvoir. ». Ainsi, ce qui est injuste venant de certains souverains, est juste pour Moïse, car sa légitimité est divine.

Le problème qui se pose est que cette légitimité ne peut pas être transférée ; lorsque Moïse meurt, son frère Aaron n'est pas un prophète aussi universellement reconnu, et donc l'organisation redevient tribale. Les individus avaient accepté d'agir en communauté parce qu'ils reconnaissaient la puissance divine de Moïse et elle avait scellé leur union ; une fois qu'elle a disparu, il n'y a plus aucune raison de la maintenir. Cela montre que l'action modératrice du pouvoir sur les volontés individuelles ne doit pas venir de la personnalité du souverain, mais d'une légitimité fondée encore une fois sur la raison. On peut penser à certaines dictatures d'aujourd'hui – les effondrements d'empire ne datent pas d'hier – où, au départ d'un certain souverain, c'est la forme administrative entière de l'Etat qui disparaît.

Le second risque, après le despotisme, est le mauvais mélange entre politique et religion. Certes, la religion commune d'un peuple fonde un lien extraordinaire, qui permet dans un premier temps de dépasser tous les clivages personnels ; l'union ne se fait pas par calcul, mais par adhésion mutuelle à un idéal transcendant. Mais cet idéal, quand il est incarné par des hommes ordinaires, et non plus des Prophètes, se dégrade. Cela se voit notamment dans l'injustice des Lévitiques. Donc les hommes n'incarnent plus les valeurs religieuses qui faisaient socle commun ; l'état théocratique s'effondre. En revanche, audacité énorme de Spinoza, si les Hébreux avaient gardé les mesures concrètes d'égalité et de justice « administratives » en quelque sorte, si ils avaient fondé leur Etat sur ces mesures rationnelle et en avaient fait leur socle commun, au lieu d'en faire la conséquence d'un socle commun théologique, alors l'Etat se serait maintenu plus facilement et plus justement.

L'effondrement du premier état hébreux est lié à sa constitution théologique. Evidemment, celle-ci ne peut pas être critiquéece qui serait un blasphème puisque critiquer les lois dictées par Moïse reviendrait à dire que Dieu lui-même a voulu des lois imparfaites. Or, Dieu est parfait. Spinoza justifie ce paradoxe avec une pirouette théologique ; dans les Ecritures, on voit que Dieu était en colère, notamment à cause du Veau d'Or. Il a donc fait en sorte que les hommes fondent non pas un état rationnel mais fondé sur un socle théologique. Cette même constitution théologique portait en elle les germes de sa destruction. Pourquoi ? Parce qu’elle était fondée sur des principes irrationnels, c’est-à-dire des croyances et des superstitions, et non sur une compréhension rationnelle des lois civiles et de la nature humaine. Selon Spinoza, un État fondé sur la peur de Dieu ou sur une obéissance aveugle ne peut pas perdurer, car :

  • Ces bases sont fragiles : dès que la foi commune vacille, l’autorité s’effondre.

  • La superstition peut facilement être manipulée par des leaders corrompus.

De plus, impossibilité de réformer ou de remettre en question les lois divines a rendu l’État hébreu rigide et incapable de s’adapter aux changements :

  • Les lois mosaïques ont été données dans un contexte spécifique, celui du peuple hébreu sortant d’Égypte, mais elles n’étaient pas adaptées à toutes les époques ou situations.

  • L’interdiction de critiquer les lois a empêché l’évolution politique et a rendu l’État vulnérable.

Attention, ce n'est pas Dieu qui est en cause. Dans les Écritures, on voit que Dieu semble s’adapter aux fautes des hommes (par exemple, avec l’épisode du Veau d’Or). Spinoza propose une explication subtile :

  • Dieu adapte ses lois à la condition humaine : les hommes étant imparfaits, Dieu leur dicte des lois qui conviennent à leur nature limitée, mais qui ne sont pas parfaites en elles-mêmes.

  • Les lois mosaïques ne sont pas universelles : elles étaient faites pour un peuple particulier, dans un temps particulier. Elles ne sont pas éternelles ni rationnelles dans un sens absolu.

Ainsi, Spinoza interprète les lois de Moïse comme des règles pragmatiques, destinées à maintenir l’ordre social, mais pas comme des lois idéales ou éternelles. C’est là une critique indirecte du fondement théologique de l’État hébreu.

Spinoza affirme aussi, enfin, que la corruption des dirigeants a joué un rôle clé dans l’effondrement de l’État :

  • Les lois mosaïques étaient conçues pour un peuple uni, sous l’autorité de chefs justes (comme Moïse ou Josué).

  • Mais une fois que le pouvoir est tombé entre les mains de dirigeants corrompus, l’unité du peuple s’est brisée, et les lois divines ont été détournées pour servir des intérêts particuliers.

On peut donc tirer de cela une leçon universelle : un État qui repose sur la religion et la superstition est particulièrement vulnérable à la corruption, car il manque de fondements rationnels. Ce n’est pas la faute des lois divines en elles-mêmes, mais de leur incapacité à empêcher l'accession au pouvoir d’hommes mauvais.

[Chapitre 18]

Quatre conclusions s'imposent, après avoir étudié cet exemple :

  1. Il ne faut pas mélanger le pouvoir politique et le pouvoir religieux, car sinon il y a un risque de corruption des lois, et de la religion. Les lois règlent les conflits particuliers, tandis que la religion s'adresse immédiatement, et uniquement, à l'universel. La secte est le symbole de cela ; des hommes corrompus utilisent la religion pour servir des fins personnelles.

  2. Pour le même problème de confusion entre particulier et universel, les Prophètes (ou les hommes de religion) ne doivent pas prendre de décision politique, c'est-à-dire interférer dans la gestion des conflits entre particuliers. Ce n'est pas leur rôle de décider, notamment, de ce qui est juste ou injuste. Cela est montré par exemple, si on laïcise l'idée, par les « grands hommes » admirés pour leurs idéaux, mais dont le bilan gouvernemental est bien plus discutable : Thomas Sankara, Nelson Mandela, Lénine...

  3. La corruption amène une gestion des conflits déraisonnable. La raison, calculant les intérêts de chacun, sait qu'à la fin d'une guerre les vainqueurs doivent avoir pitié des vaincus et laisser leur dignité. Exemple : la « paix des braves » de De Gaulle, demandée au FLN pour apaiser le bain de sang de la guerre d'Algérie. Si nous sommes guidés par nos affects, d'orgueil, de violence et d'avidité, alors les vaincus meurtris ne songeront qu'à se venger, et on s'engage alors dans une spirale de conflits destructeurs, qui mènerton à la ruine pour tous. On rappelle que Spinoza défend un pouvoir politique fondé sur la raison, capable d’imposer des lois universelles qui transcendent les passions particulières.

  4. Cette spirale de violence et ce triomphe du chaos des intérêts particuliers amène à l'idée suivante ; la révolution violente, qui amène la destruction des Institutions, est dangereuse. La violence contre un tyran et la destruction de son administration rendent légitime la suivante. Une première révolution donne au peuple le goût du sang et rend la nation instable. Le sang appelle le sang ; une autorité nouvelle doit tout détruire de ce qui la précède pour s'imposer, et chaque changement brutal d'autorité affaiblit cette-dernière aux yeux des individus. Ainsi, les coups d'Etat en Russie à la fin de l'URSS ont brisé tout l'effort de démocratisation de Gorbatchev et ont renvoyé le peuple Russe à un régime autoritaire.

c) Le droit civil privé : la législation et l'utilisation de la puissance que je conserve

[Retour au Chapitre 16]

Droit civil privé = mon existence comme agent indépendant, le pouvoir que je garde tout en ayant transmis la majeure partie de ma puissance d'agir au souverain.

Ce droit civil privé, on l'a vu, est déjà ce qui permet ma rébellion éventuelle si le souverain ne respecte pas sa part du contrat.

On admet que le souverain respecte sa part du contrat, donc il ne peut pas contredire ma puissance d'agir, donc seul un particulier peut me causer du tort, de l'injustice.

Justice = suit une loi universelle de distribution à chacun de ce qui lui revient sans prendre en compte son caractère particulier. D'où lien fait par Spinoza à l'âme = essence éternelle, indépendante des événements particuliers.

Injustice = Déformation du droit naturel qui lèse qqn. Abus du particulier.

Exemple des pays qui font des pactes de non-agression mais qui savent très bien que ce pacte sera rompu dès que l'un des deux pays sera plus puissant que l'autre. Le droit naturel est ainsi, il permet la ruse, et les puissances d'agir particulières s'affrontent. On peut utiliser Spinoza pour réfutzer la critique du Pacte Molotov / Ribbentrop, qui selon la propagande de l'époque montrait bien que nazisme et communisme étaient les 2 faces d'une même pièce. C'est faux : le Pacte Germano-Soviétique existe parce qu'en 1939, aucun des deux pays n'avait la capacité d'affronter l'autre. Ils ont pu signer ce pacte particulier. Mais il leur manquait la Raison, c'est-à-dire que la paix n'était pas garantie par une essence universelle et justifiée. Le communisme et le nazisme s'opposaient trop et Staline comme Hitler savaient très bien qu'ils finiraient par s'affronter, puisque leurs intérêts particuliers s'affrontaient, l'un voulait coloniser l'autre !

Cela est bien une preuve qu'il faut quitter le domaine du particulier et atteindre l'universel dans la communauté politique.Ainsi, la Raison, qui permet de passer de la pensée du particulier à la compréhension de l'essence, est ce qui permet au citoyen de quitter l'intérêt personnel et se préoccuper de l'intérêt commmun. C'est ce qui différencie la cité des esclaves et la cité libre.

On voit apparaître ici la « liberté commune  ». Une liberté publique qui ne s’exerce réellement que sous la souveraineté démocratique, c’est-à-dire au sein d’une société qui reconnaît l’égalité du droit de chacun et dont la liberté se manifeste dans et par la pratique, elle-même commune, de la puissance d’agir dans la justice et la charité. C'est cela qui fait des individus, des citoyens.

Les crimes de l'individu : comment sont-ils possibles ?

Il y a crime de l'individu contre la communauté quand il a transféré sa puissance d'agir et qu'il agit encore pour lui-même. Ex : un soldat dans une armée a transféré sa puissance d'agir au commandement. S'il ne suit pas les ordres et n'accomplit pas sa mission, il trahit le commandement et en même temps la communauté de son armée, c'est un crime.

La Religion contre le droit civil ?

L'ordre d'obéir au souverain, notamment par la Raison, n'est-il pas superflu ? L'individu qui suit le droit naturel suit les lois de la nature, donc les lois de Dieu, et donc obéit à la loi de l'amour envers son prochain.

Cf. thèse Rousseau : l'individu qui suit les lois de la nature a de la pitié et de l'amour pour autrui, c'est la société qui lui a fait perdre.

Réponse de Spinoza : il y a un problème de compréhension. Nous suivons les lois de Dieu car elles nous façonnent ; mais nous ne les comprenons pas. Le poisson nage parce qu'il est fait ainsi, mais il ne réfléchit pas sur le fait qu'il nage, et il ne s'applique pas à mieux nager pour davantage plaire à Dieu. Être croyant, c'est apprendre à connaître le monde pour ensuite mieux connaître Dieu, et non pas simplement vivre dans le Monde. L'obéissance à Dieu n'est pas « automatique » ; si les hommes doivent obéir au droit divin, c'est qu'ils ont passé un pacte d'obéissance avec Dieu, et donc qu'il faut suivre ce pacte, ou qu'ils peuvent y désobéir. CF. jardin d'Eden : la désobéissance a fait que l'homme doit acheter sa place au Paradis par ses actes ; depuis qu'il a failli, il ne suffit plus de se balader nu dans le jardin merveilleux pour être vraiment la créature de Dieu.

Ainsi, le droit naturel, le droit civil, le droit privé, et le droit divin, ne doivent pas s'opposer ; ils se complètent et doivent vivre en harmonie.

Le droit civil prime sur le droit privé et le droit naturel. Si la Raison intervient, il est une compréhension totale et universelle de ceux-ci et il les harmonise complètement. Le droit civil s'incline devant le droit divin s'il est de nouveau bien compris par la raison, ou incarné par quelqu'un qui le connaîtra encore mieux : un Prophète (et lui seul, pas un prêtre ! Le pouvoir politique est la synthèse de tous les droits, légitimée par la connaissance des essences de ces droits, et il peut être seulement dépassé par une révélation religieuse absolue).

Idée précurseuse de la laïcité : si la Religion prend le pas sur l'Etat, on retombe dans l'anarchie, car chacun aura un ressenti particulier et une vision différente.

[Chapitre 19]

C'est au souverain d'arbitrer le pouvoir religieux, et non l'inverse. Pour Spinoza, le souverain poliique est même « interprète du droit divin ». En effet, la pérennité de la religion dans une société ne peut être assurée que par la pérennité et la continuité du pouvoir politique. « Dieu ne peut fonder son royaume parmi les hommes que par le moyen des souverains, ».

En effet, la piété est intérieure : elle concerne la conscience et les pensées de chaque individu, et non des pratiques extérieures imposées par une autorité religieuse ou politique. Ce qui compte, c'est l'attitude sincère du cœur, pas l'observance formelle des rites. Chacun est libre dans sa foi intérieure : La foi ne peut pas être réglementée par l'État ou par une institution religieuse, car elle est propre à chaque individu. C'est une sphère inviolable que ni la politique ni la société ne devraient contrôler.

On voit donc que la religion implique la liberté de chacun, c'est-à-dire que la foi de chacun dépend de sa puissance d'agir, en même temps que d'une essence universelle. Du point de vue de la foi de chacun, de la foi particulière, seul le pouvoir politique peut décider pour tous.

Ainsi, si la religion commande à chaque individu justice et charité, seul le souverain peut organiser la société de manière à ce que cette justice et cette charité puissent être réalisées effectivement. Ainsi, dans l'Etat Hébreux, les commandements se réalisent de manière concrète, parce que les Hébreux acceptent de construire un Etat où ils réalisent l'égalité, la justice, la charité, etc. Cet état se construit administrativement, il est fondé par le droit civil, prenant le pas sur le droit naturel ; le droit divin est donc à l'arrière-plan. Spinoza l'affirme : « Il est vrai que les Hébreux transmirent en outre leurs droits à Dieu, mais cet acte fut plutôt mental qu’effectif. » L'effectivité concrète, c'est l'instauration de l'Etat : seule la communauté politique permet à l'individu religieux de réllement vivre sa foi.

Bien sur, la foi possède un aspect métaphysique, qui sur le principe dépasse tout objet dépendant du droit naturel, ou toute loi politique. Mais cet aspect métaphysique, absolu et éternel, ne se révèle qu'à l'homme particulier et temporel que dans un acte très précis ; la révélation. La plupart du temps, les hommes ne vivent pas au gré des expériences mystiques ; certains mêmes n'en ont jamais eu. Ainsi, plutôt que de faire tenir le renoncement au droit naturel sur la révélation divine, il est plus sensé, raisonnable, de justifier ce renoncement au moyen de l'organisation politique et sociale. Spinoza justifie donc le dépassement du religieux par le politique au moyen « de l'expérience et de la raison » (p. 317).

Spinoza va plus loin encore : la piété, c'est-à-dire en même temps l'amour de Dieu et sa compréhension rationnelle, se matérialisant par la justice et la charité peut être secondée par un sentiment patriotique. Ce-dernier est même la condition de cette piété, à la fois émotionnelle et rationnelle. Exemple du manteau ; peut-être que ma piété me dit de donner le manteau, mais si jamais cela mettait en danger l'état ? C'est là que l'aspect rationnel de la piété rentre en jeu. Je suis rationnel, je sais que si le gouvernement disparaît, il n'y aura plus de possibilité de justice et d'égalité ; je ne donne pas le manteau. Ainsi, celui qui veut vraiment accomplir le dessein de Dieu, doit accomoder la piété et la religion à l’utilité publique.

Or, comment connaître ce qui est l'utilité publique ? En suivant les lois édictées par le souverain ! Il faut donc bien se remettre à son pouvoir pour être sûr d'être capable d'exercer pleinement sa foi.

Seul un prophète, directement lié à Dieu, peut passer au-dessus de l'autorité politique à des fins religieuses. Ainsi les disciples du Christ ont-ils bravés l'autorité de leur temps pour fonder la chrétienté ; mais ils avaient été missionnés par un Prophète qui leur avait prouvé son lien direct avec Dieu, ce qui leur donne le droit sacré de dépasser le droit civil.

Bien sur, c'est parce qu'il y un danger dans le fait de laisser le droit sacré dépasser les prérogatives du droit civil. Celui qui s’efforce d’enlever cette autorité au souverain s’ouvre par là un chemin à la puissance absolue.Ainsi, cela doit être totalement exceptionnel.

Dernière opposition : si les souverains deviennent impies, ne risquent-ils pas d'entraîner les peuples avec eux dans l'impiété ? Certes non ! Déjà, cette critique peut être faite pour les prêtres, les responsables religieux, qui restent des hommes, possiblement pêcheurs. De plus, si les souverains s'opposent à la volonté de Dieu, sans aucun doute leur règne s'arrêtera vite et ils setont punis. Pour Spinoza, l’État impie (ou irrationnel) tend à s’effondrer, non parce que Dieu intervient, mais parce qu’il ne respecte pas les lois rationnelles nécessaires à sa propre pérennité. Enfin, c'est là précisément un argument supplémentaire pour que les Religieux et les Hommes politiques soient séparés : ainsi, les religieux, ayant gardé leur indépendance pourront ramener à l'ordre les hommes politiques égarés par leurs passions.

Ce conflit entre Etat et Religion vient, selon Spinoza, surtout des Chrétiens, car ce sont des particuliers qui ont eu à développer leur théologie en opposition à des Etats, ce qui leur a donné de bien mauvaises habitudes. Spinoza reproche aux chrétiens d’avoir développé une attitude subversive parce qu’ils étaient initialement persécutés.

Cela s'oppose à la vision d'Hegel, qui au contraire défend l'idée que le Christianisme est la religion la plus laïque, en comparaison du judaïsme, puisque Jésus fonde sa religion sur une critique des normes et dogmes du Judaïsme. Le Christianisme, anti-dogme, se fond bien mieux dans des structures sociales imposées.

La liberté d'expression

[Chap. 20] 

L'aspect le plus difficile dans la translation des droits est de céder sa liberté de pensée. Personne ne peut être contraint ; dicter à un individu sa pensée, c'est être violent. Il ne faut pas faire de confusion ; parfois, un souverain très habile peut sembler ne faire qu'un avec la pensée de ses citoyens, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il a supprimé l'individualité de toute pensée ; il a su plutôt parfaitement remplir son rôle et incarner la pensée de chacun. Donc, dans ce cas merveilleux, chacun va dans le sens du souverain. Ou bien, de manière plus sombre, il manipule les individus en faisant croire qu'il est en accord avec leur pensée.

Ainsi, chaque homme est naturellement fait pour user librement de son esprit. Cela signifie qu'aucun homme ne peut aliéner son esprit à l'Etat. De plus, l'Etat ne pourra jamais empêcher qu'un homme « pense » quelque chose de son action. Même si l'Etat contrôle chaque parole, l'homme pense toujours comme il veut. Ce serait délétère de la part d'un Etat qu'il tente de museler totalement ses individus ; à force qu'il y ait un décalage entre la parole officielle et celle des individus, la société finira forcément par en pâtir.

Par conséquent on peut dire qu'il existe une irréductible indépendance de la raison. Précisément, c'est pourquoi un gouvernement doit obéir aux lois de la RAISON pour dépasser correctement le droit naturel de chacun. La société politique doit être un ensemble d'individus penseurs, sachant utiliser la raison ; c'est cet usage de la raison qui en fait des citoyens. Par exemple, un Etat ne peut pas selon Spinoza envoyer ses citoyens à la mort pout des motifs futiles, car ils sauront juger qu'alors le souverain se comporte de manière déraisonnable, et donc n'accomplit pas son devoir comme il devrait.

Dans le même temps, la liberté de pensée et d'expression ne peut être totale, au risque de mettre l'Etat en difficulté. Ainsi, on atteint le dernier objectif de Spinoza dans le TTP : Nous devons donc déterminer maintenant dans quelles limites cette liberté, sans compromettre ni la tranquillité de l’État ni le droit du souverain, peut et doit être accordée à chaque citoyen.

Le but de l'Etat, selon Spinoza, n'est pas d'asservir les hommes ; il s'agit de suffisamment arbitrer les relations entre individus pour qu'elles ne soient plus une préoccupation. Les hommes, voyant leur vie organisée, peuvent ainsi chacun développer leur puissance d'agir propre, et donc s'émanciper. La fin, le but de l'Etat, c'est la liberté, c'est-à-dire l'accroissement de son être en accord avec les principes de la Raison.

Il n'y a toujours pas de conflit ici entre le pouvoir de l'individu et les décisions politiques ; l'individu doit respecter le choix du souverain, qui dans une Démocratie est le choix majoritaire du peuple, mais il peut toujours user de sa Raison pour juger de ces choix et éventuellement les critiquer. Si cette critique est pertinente, c'est-à-dire ratinnelle, d'autres individus doués de raison sauront l'écouter, et finalement la critique pourra changer les actes du souverain ! Il ne s'agit pas remettre en question le pouvoir, ce qui serait de la sédition et amènerait du trouble pour tous, mais il s'agit d'utiliser sa raison pour le bien commun. Exemple de mon Aveyronnais et de mon parisien ; le parisien sera sans doute mécontent si l'Etat décide de ne plus le laisser prendre l'avion.. Mais sa raison le poussera à accepter cette décision. Et s'il trouve une autre idée qui rspecte l'équité de la décision prise par le gouvernement, libre à lui de la réfléchir et de la proposer à un Aveyronnais raisonnable qui en jugera !

Celui qui ne respecte pas cet engagement commun, cette responsabilité mutuelle d'obéir à la raison, se rend coupable d'impiété car l'impiété suprême, nous l'avons déjà expliqué, est de ne pas respecter le pouvoir à qui on a confié nos droits naturels et qui cherche à les harmoniser.Ce transfert de droits, on le rappelle, est fondé sur la raison et c'est donc aussi l'usage de la raison par les citoyens qui en garantit la stabilité. On en arrive à une idée qui n'est pas sans rappeler le « paradoxe de la tolérance » de Karl Popper : il faut qu'un Etat tolère l'expression de toute pensée, tant qu'elle est raisonnée, et tant qu'elle n'est pas pleine de passions violentes dirigées contre l'Etat et la société. Il faut tolérer tout le monde, sauf les intolérants.

La liberté de la pensée est nécessaire aux sciences et aux arts. On peut rappeler que Spinoza affirme que le transfert de droits naturels est nécessaire pour que l'on soit moins préoccupé par la possibilité ou non d'affirmer notre puissance d'agir, et donc que l'on ait plus de temps libre pour se consacrer davantage à l'étude de sujets où la pensée et la raison sont mobilisés. Dans une zone de guerre, il est difficile à un mathématicien de découvrir de nouveaux théorèmes !

En tous cas, on ne peut pas nier que les hommes, face à un « cas de conscience », réagiront toujours et se placeront au-dessus de la loi qui cherche à leur imposer une opinion. Ce qui nous paraît individuellement vrai sera toujours supérieur, à nos yeux, à quelque chose « d'officiel » qui nous paraît faux. Beaucoup d'hommes se sont sacrifiés pour leurs idées, pensons à Galilée par exemple. Cela prouve pour Spinoza que la liberté de pensée est l'état naturel de l'homme.

La conclusion s'impose d'elle-même : il faut qu'un Etat qui désire que ses citoyens lui soient fidèles laisse à chaque individu la liberté de penser. Par la force, cet Etat n'obtiendra qu'une obéissance craintive. Par la ruse, il amènera ses citoyens à la perfidie. Mais par le respect de la liberté de penser, il poussera chaque citoyen à user de sa raison, ce qui amènera une émulation collective qui ne peut avoir que de beaux résultats.

« C’est pourquoi je conclus, comme je l’ai déjà fait au chapitre XVIII, qu’il n’y a rien de plus sûr pour l’État que de renfermer la religion et la piété tout entière dans l’exercice de

la charité et de l’équité, de restreindre l’autorité du souverain, aussi bien en ce qui

concerne les choses sacrées que les choses profanes, aux actes seuls, et de

permettre, du reste, à chacun de penser librement et d’exprimer librement sa

pensée. »

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