Lettre ouverte d'Action Droits des Musulmans (ADM) à Monsieur le Président de la République française.
Nous, Action Droits des Musulmans (ADM), Association de défense des droits de personnes de confession musulmane et des minorités, tenons à vous exprimer notre plus vif soutien envers la nation.
Nos pensées et notre solidarité sont dirigées vers la victime, sa famille, ses proches, les élèves ainsi que le personnel de son établissement scolaire.
L'acte ignominieux qui s'est déroulé fera l'objet d'une information judiciaire mais se posent immanquablement des questions auxquelles nous devrons répondre collectivement. Elles touchent autant à la liberté d'expression qu’à la liberté religieuse.
Nous vous écrivons pour exprimer notre compassion et notre solidarité face à cet acte de barbarie, aussi parce que nous craignons que dans un climat déjà extrêmement tendu, cet attentat soit instrumentalisé au profit de discours politiques radicaux et il l'est déjà.
En effet, plusieurs voix se sont déjà élevées pour appeler à une forme de "révolte" et dont on voit bien qu'elle est susceptible de viser des personnes de confession musulmane. Si nous ne faisons rien, alors les discours de division ne pourront qu'augmenter la méconnaissance de la religion musulmane et créer par ailleurs un sentiment de défiance à l'endroit de ses croyants et pratiquants.
Des choix doivent désormais être faits et il nous apparaît indispensable d'être associés à cette réflexion. Nous réaffirmons que la religion musulmane, car c'est elle qui est injustement et implicitement remise en cause, est parfaitement compatible avec le pacte républicain.
En tant que gardien de la cohésion nationale, vous devez impérativement veiller à ce que de tels crimes n'aient pas pour effet de concourir à ce que vous voulez combattre, à savoir l'extrémisme.
Par son atrocité, cet acte barbare réclame une réaction rapide, mais celle-ci ne doit absolument pas empêcher un dialogue avec l'ensemble des acteurs de la société civile pouvant être concernés.
Nous condamnons fermement l'attentat contre le professeur d'histoire géographie, qui nous a horrifié. En effet, un citoyen innocent a perdu la vie suite à un cours au Collège de Conflans Saint-Honorine sur la liberté d'expression. Son assassin, bien que se prétendant appartenir à l'Islam, n'a fait que s’en détourner en embrassant l'idéologie mortifère d'une secte terroriste. L'Islam n'a nul besoin d'un meurtrier - qui n'a rien d'un musulman - pour le représenter, puisqu’il trahit les fondements de notre religion à savoir respecter le droit à la vie, les droits de son prochain croyant ou non croyant. Ce terroriste a commis une grande injustice envers l'humanité et a trahi l'Islam et les musulmans.
La communauté musulmane est dévastée par cet attentat, elle vit dans la peur, d'autant que les amalgames qui ont suivi l'information sur l'attentat, augmentent sa crainte et se sent en insécurité. Elle craint d'être victime d'un attentat ou d'un acte antimusulman. Depuis le 16 octobre, elle fait l'objet d'un déferlement haineux sur les réseaux sociaux, et des plateaux de TV où des personnalités publiques et politiques diabolisent les musulmans, l'Islam et les immigrés.
Nous sommes extrêmement inquiets de voir des discours politiques et publics se radicaliser de part et d’autre. Depuis ce nouvel attentat, c'est toute la communauté musulmane qui est accusée de terrorisme, alors que les musulmans sont aussi accusés par les takfiris – extrémistes violents - de mécréants et forment 90% des victimes du terrorisme de Daesh et d'Al Qaeda.
Nous sommes beaucoup à avoir des proches, victimes de ce terrorisme et nous refusons de le voir adossé à l'Islam.
Le projet de Daesh est de diviser la société entre les musulmans et les non-musulmans. La lutte contre le terrorisme n'est pas et ne doit pas être exclusivement basée sur la répression. Elle ne doit pas non plus être sujet à la discrimination d'une partie de la population. Elle doit se faire en conformité avec les droits fondamentaux, puisque les moteurs d'endoctrinement terroriste sont l'exclusion, la discrimination et l'arbitraire.
La liberté d'expression a besoin de pédagogie et d'explications approfondies , chacun dans un État de droit peut exprimer pacifiquement ses opinions sans pour autant mettre sa vie en danger, sans pour autant faire l'objet de menaces ou de discrimination.
Nous restons à votre disposition pour, si vous l'estimiez utile, vous rencontrer afin d’expliquer notre mandat, nos idées, et surtout pour échanger sur la lutte contre l'extrémisme conduisant au terrorisme et sur la lutte contre les discriminations fondées sur la religion
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'expression de notre très haute considération.
Sihem Zine
Responsable ADM
Action Droits des Musulmans