Cher Monsieur Juppé,
Cela fait 451 jours que nous attendons Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. Le 10 mars dernier nous étions au moins 4500. Maintenant nous sommes au moins 16 730. C’est dire que le sort de ces deux professionnels, partis en Afghanistan pour faire leur travail, ne laisse pas indifférent.
On peut dire que le pouvoir en place n’a pas épargné Hervé et Stéphane et à travers eux, le métier de journaliste. Après avoir suggéré qu’ils avaient fait une erreur en faisant leur travail, on a carrément expliqué qu’ils allaient couter trop cher à la collectivité. Avant cela, durant les premiers mois et soit disant « à la volonté des familles », ce qui est faux vous le savez comme moi, on a interdit de dire leur nom. Il y a même eu la période floutage de visage, alors que les malheureux nous disaient texto que c’était la dernière vidéo que nous verrions d’eux, qu’ils allaient mourir.
Après nous avons avancé de petit mot en petit mot…de promesse non tenue en faux espoirs…de visite à l’Elysée en giga concert où les intervenants devaient relire leurs paroles sur le téléscripteur. Merci au passage à Florence Aubenas d’avoir refusé de se livrer à cette pratique. Il faut croire qu’elle est plus rapide que les autres à voir à quoi peut ressembler la pression.
Côté pression, Monsieur Longuet s’est encore illustré il y a peu, en suggérant qu’Hervé et Stéphane avaient peut-être été trop loin, « au-delà du fait d’exercer leur métier » (réunion du sénat du 4 marsdernier). En dehors du fait que l’on peut s’interroger sur le contenu réel de la pensée énigmatique de Monsieur Longuet en articulant ses mots, il est indiscutable que l’on ne peut pas parler d’un soutien franc et indéfectible, depuis le début, de la part du pouvoir.
Monsieur Juppé, je sais que vous trouvez que le soutien autour de ces deux journalistes et leurs accompagnateurs est de qualité…alors s’il vous plait…soyez à la hauteur. Au niveau de l’attente, de la douleur, de la peur de la torture…je n’insiste pas, vous comprenez très bien.
Il faudra bien qu’un homme au pouvoir arrive à être digne tout le long sur ce dossier là.
Et pour communiquer dignement, il faut commencer par être au courant de l’essentiel
Par exemple savoir VRAIMENT s’ils sont en vie ou non.
Pas juste le penser, comme une supposition « plutôt plausible ».
Pas juste le mot « penser » comme quand on dégage en touche.
Pas juste quand la France est engagée dans un autre conflit où d’autres journalistes risquent leur vie.
Pas dans votre rôle politique actuel.
Pas au bout de 451 jours.
Justement.