
C’est une colère sourde qui ruisselle à l’intérieur de moi. Un vent de révolte qui se brise contre un mur. Pourquoi ? Comment ? A cause de quoi ?
Je pourrai hurler mais aucun son ne sort de ma bouche. J’écris mal, des mots qui sombrent et qui ne reflètent pas ce que je ressens. Parce qu’ils sortent de ma tête je finis par me dire. Ceux qui sortent ce soir sortent de mon ventre, je ne les contrôle pas, je ne sais même pas s’ils m’appartiennent entièrement. Ils sont là. Ils sont eux. Ils ont besoin de sortir.
Je sens la haine flotter dans l’air, la violence qui s’infiltre un peu partout. Elles n’ont pas d’odeur. Elles s’infiltrent dans nos corps, sous notre peau et c’est comme ça que nous finissons par leur appartenir.
D’où vient ce mal qui ronge, qui se banalise et qui se diffuse ? La banalité du mal semble s’incarner en des lieux, en des êtres et en des idées de plus en plus nombreuses.
C’est le mot « étranger » brandit comme une menace qui est à l’origine, au centre, partout. Employé comme un ennemi, il est l’origine, la naissance de ces discours monstrueux qui inondent des pensées et des cœurs. Qui fait parler certains comme s’ils crachaient du sang, qui remplissent d’autres ou les mêmes d’un venin qui les emplit tout entier, réduisant leur cœur et leur raison à une obscurité folle.
Car dans ces paroles qui dénigrent l’autre, cet étranger, il y a une déliquescence de la pensée. Nous sommes et nous serons toujours l’étranger d’un autre. En chacun de nous sommeille cet étranger qui pourrait être un frère ou une sœur. Un père ou une mère.
Déjà certains ont pénétré dans l’absurde, la folie et ils foncent dans le mur. Le mur ne cédera pas. C’est eux, leur dignité qui imploseront.
Un homme ça s’empêche, disait le père d’Albert Camus. Je ne peux formuler mieux cette prise de conscience qui aurait dû sonner l’alerte. Plus fort. Dire que c’était inhumain, dangereux. Que c’était trop.
Car ces bêtes immondes, comme le disait Brecht, sont fécondes. Elles ont évincé du débat public les véritables questions pour les remplacer par un monstre. Cette hantise de l’autre, de celui qui mangera du pain qui sera payé avec mes impôts. De celui à qui, aussi, je peux tendre la main et qui demain pourrait me la tendre ou la tendre à mes enfants.
Et ces immondices ne servent que Monsieur Macron qui, déjà dégagé de toutes confrontations en raison d’un contexte qui n’est qu’un miroir, se sert du racisme et de la haine ordinaire pour ne rendre de compte à personne. Cet homme, qui a fait passer les devoirs avant les droits, a ouvert la porte à cette escalade qui lui promet une confortable réélection. Contrôler et diviser pour mieux régner. Apeurer pour ne pas justifier. Créer un système tout-puissant dans lequel le contre-pouvoir n’est pas, ne sera pas.
Le mot « résignation » tombe sur le sol. Il résonne. Puis il s’éteint. Souffler la bougie, la laisser se consumer. Puis reprendre espoir. D’autres mots écrits par d’autres femmes et d’autres hommes, lâchés ici, brandit ailleurs, brillent encore dans le noir.
Ces billets, ces mots, ces textes me redonnent espoir et courage. Et comme me l’a, un jour, dit un ami, tant que nous avons encore le courage et l’espoir c’est que nous n’avons rien perdu. Cette nuit je prierai les hommes. Je prierai pour qu’ils ouvrent les yeux sur le jour qui se lève, pour que la haine ne les avale pas, pour qu’ils entendent les cris et les pleurs de ceux qui les ramèneront à la raison.