Pardon les Enfants.
Je vous demande un pardon impossible. Je vous demande pardon au milieu d’un champ de ruines d’idées, de réflexions et de valeurs.
Car une colère sourde ruisselle à l’intérieur de moi. Un vent de révolte qui se brise contre un mur d’idéaux démolis. Une lueur d’espoir vacille mais elle semble déjà surannée, prête à être piétinée.
Je sens la haine et la violence flotter dans l’air, elles s’infiltrent un peu partout. Elles n’ont pas d’odeur. Elles s’infiltrent dans leurs corps, sous leur peau et ils finissent par leur appartenir.
D’où vient ce mal qui ronge et qui se diffuse ? La banalité du mal semble s’incarner en des lieux, en des êtres et en des idées de plus en plus nombreuses.
Mais pas en vous, les Enfants.
Je sais que celui ou celle qui prendra le contrôle de ce pays n’a pas d’enfants. Je crois, et c’est le pire, qu’aucun d’eux n’ont jamais pris le temps de vous observer, de vous contempler, de vous écouter, encore moins de vous aimer.
Vous êtes aujourd’hui les Enfants avec un grand E. Leurs noms à eux ne sont plus propres, ils sont Salis avec un grand S. Salis car ils ont piétiné la dignité de tellement d’entre nous, car ils ont oublié que vous aviez un futur. Que vos vies se poursuivront au sein des décombres dont ils seront responsables, quand ils ne seront plus là pour les regarder en face.
Ils vous creusent une fosse profonde. Un trou dont j’ignore s’il a un fond. Un trou qui n’a pas de nom. Des monstres se sont créés, ils ont fécondé ici et là. Ils se sont infiltrés dans les vies et avancent aujourd’hui à visage découvert, sans honte.
Contrôler et diviser pour mieux régner. Apeurer pour ne pas justifier. Créer un système tout-puissant dans lequel le contre-pouvoir n’est pas, ne sera pas. Dans lequel il n’est jamais question de vous.
Bercés par la démesure, l’ignorance, ou l'habitude, ils ont fait de nous des esclaves. Ils nous ont enchaînés à ceux qui ne représentent qu’une minorité. Sans la moindre pensée pour vous.
Comment peut-on penser que cette femme ou cet homme, bientôt à la tête de notre pays, puissent vous représenter ? De toute manière, vous ne votez pas.
C’est vrai ils s’en foutent de vous laisser une planète pourrie, des guerres. Pour l’instant ils peuvent encore vous abrutir (comme nous d’ailleurs) avec des écrans, nous faire croire que la beauté du monde se reflète dans des baskets. En espérant comme ça que vous nous ficherez la paix avec ce demain encore lointain… Avec un peu de chance ils ne seront pas là pour voir et ils s’en lavent les mains.
Vous êtes l’amour inconditionnel et ils incarnent l’égoïsme le plus abject.
Vous partagez avec spontanéité quand ils ne pensent qu’à leurs propres intérêts.
Ils sont le passé, le présent qu’ils saccagent et vous êtes l’avenir.
Vous pardonnez quand ils sont partout à sanctionner et à interdire.
Vous cherchez à comprendre la complexité de notre monde quand, dans le même temps, ils simplifient, omettent l’essentiel et nous empêchent de croire en l’existence du moindre paradoxe.
Leurs promesses ne sont pas des dettes, elles seront des mensonges.
Je connais la pugnacité avec laquelle vous parvenez à progresser, à apprendre, à comprendre.
Vous êtes forts, vous êtes justes et pour les plus âgés d’entre vous, vous entrevoyez ce système en déliquescence.
J’ai peur pour demain. Pour vous.
Mais chaque jour, je continue à espérer que vous pourrez venir cracher sur nos tombes.