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La lobotomie, autrefois réservée à la psychiatrie, est en pleine expansion. Nous sommes tous touchés bien qu’à différents degrés.
Nous sommes accros aux écrans, aux infos, aux jeux vidéo, aux commentaires, aux pouces levés ou baissés.
Nous lisons des articles, influencés par le nombre de recommandés. Parfois, nous recommandons sans trop savoir pourquoi, même si nous n’avons pas tout compris, si des détails nous ont déroutés. Nous suivons le troupeau pour le meilleur et surtout pour le pire : perdre confiance en nos capacités de questionnements et de jugements.
Nous suivons la masse qui nous a précédés. Les choix des sujets traités par les journalistes nous font gober la priorisation de l’information.
Nous lisons des commentaires qui reflètent souvent notre côté voyeur. Qui nous entraînent dans des réflexions de bas étage et qui nourrissent des égotiques déglingués, qui loin de penser qu’ils ont besoin de se faire soigner, prennent leur pied à diffamer, insulter et provoquer. Nous les lisons parfois énervés, parfois peinés, parfois écœurés, mais nous les lisons. Ils participent avec génie à notre lobotomie. Au lieu de débattre d’un sujet, nous allons discuter de la manière dont il est débattu. Ça pourrait se nommer « sujet perdu de vue ».
Idem, avec ces histoires de recommandés, nous allons quelques fois les louer, d’autres fois les jalouser.
Et moi aussi je me sens crétinisé à regarder la vie, le monde sur un écran, je sens que je vais finir par m’intoxiquer et me conduire avec le web comme un camé.
C’est pour cette raison que de temps en temps je prends la tangente. Je coupe tout. Pour montrer l’exemple à mes enfants que je ne veux pas voir, plus tard, agressifs et drogués avec des yeux carrés.
Et là que je retrouve enfin la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher.
Je vois la neige blanche, brillante dans les champs et la neige salie, noircie sur les trottoirs par les pots d’échappement.
J’entends les oiseaux, le bruit du vent et du torrent.
Je sens l’odeur du café et de ma transpiration.
Je peux toucher l’eau glacée et les feuilles mortes.
Je savoure un chocolat.
La toile tissée est un outil incroyable, formidable, tant que nous savons encore regarder et analyser ce qui nous entoure. Sans nous sentir amputés si nous n’y avons pas accès un moment.
Tant que nous gardons en tête ce que la toile peut nous apporter. Tout en sachant comment éviter de se faire dévorer par l’araignée.