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Billet de blog 6 mars 2025

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Entretien de Loukachenko avec Naufal

nouvelles spéculations autour des négociations de paix

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Le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko a accordé une interview au blogueur américain Mario Naufal. Il est intéressant de noter que ce blogueur a déjà été remarqué pour sa crédulité excessive envers la propagande russe, ce qui rend le choix de cet interlocuteur pour l'interview tout sauf surprenant.

Illustration 1

Loukachenko, qui en 2022 a permis à Poutine d'utiliser son territoire pour lancer une invasion à grande échelle en Ukraine, a tenté de rester assez retenu et amical tout au long de l'entretien. Pendant la discussion, il a abordé de nombreux sujets : les États-Unis, Trump et ses actions actuelles en politique étrangère, les relations avec la Chine et l'Occident, la guerre en Ukraine, Zelensky, les négociations de paix, les armes nucléaires, mentionnant même Prigojine dans ce contexte. Le leader biélorusse distribuait volontiers des conseils à tous les dirigeants du monde, sauf à Poutine.

Loukachenko a particulièrement insisté sur sa proposition d'utiliser Minsk comme plateforme pour les négociations entre l'Ukraine et la Russie, mais cette idée est vouée à l'échec avant même sa mise en œuvre. Premièrement, Minsk s'est déjà imposée comme un lieu défavorable pour la conclusion d'accords de paix, comme en témoignent les accords de Minsk, qui ont finalement conduit à l'escalade de l'agression russe. De plus, Loukachenko cherche à attirer des dirigeants occidentaux en Biélorussie pour signer cet accord, espérant ainsi renforcer sa légitimité. Cependant, les chances d'un tel scénario sont extrêmement faibles.

L'accent mis par le dictateur biélorusse sur une fin « pacifique » de la guerre repose toujours exclusivement sur les conditions russes. Parmi celles-ci figurent des points totalement absurdes auxquels ni l'Ukraine ni l'Occident ne peuvent souscrire. Le média Aktualni Zpravy a publié cette liste, élaborée sous la direction de l'assistant du président russe, Iouri Ouchakov :

1. Éliminer les menaces à la sécurité de la Russie en raison de la violation des « garanties de non-extension de l'OTAN ».

2. Kiev doit renoncer à sa politique anti-russe, notamment en cessant l'éviction de la langue, de la culture et de l'Église russes du pays.

3. Reconnaître au niveau international la Crimée, les « républiques populaires » de Donetsk et Lougansk, ainsi que les régions de Kherson et de Zaporijjia comme faisant partie de la Russie.

4. Procéder à la « démilitarisation » et à la « dénazification » de l'Ukraine, en revenant aux conditions de l'accord d'Istanbul.

5. Refuser tout déploiement de forces armées étrangères sur le territoire ukrainien sous quelque forme que ce soit.

6. Un accord de cessez-le-feu ne sera signé qu'après des accords solides sur un règlement définitif du conflit.

7. Organiser en Ukraine des élections présidentielles, parlementaires et locales pour éliminer les obstacles juridiques liés à la « non-légitimité de Zelensky » et lever l'interdiction des négociations avec les autorités russes.

8. L'Occident doit renoncer à l'idée d'une « défaite stratégique » de la Russie, de la « paix par la force » et de plans similaires ; les États-Unis doivent cesser de fournir des armes aux Forces armées ukrainiennes, arrêter la transmission de renseignements et lever les sanctions contre la Russie.

Pour tenir sa promesse de campagne et obtenir le prix Nobel de la paix, Trump fait pression sur l'Ukraine, mais ne peut pour l'instant pas faire de même avec la Russie. Cela encourage Moscou à renforcer ses exigences envers Kiev : elle veut obtenir ce que Kiev ne peut tout simplement pas lui donner, faute de mécanismes juridiques adéquats. Les conditions russes, soutenues de toute évidence par Loukachenko, vont à l'encontre de la législation ukrainienne : la Constitution ukrainienne ne prévoit aucune possibilité de renoncer à ses territoires — Donetsk, Lougansk, Zaporijjia, Kherson et la Crimée. Même si des élections avaient lieu en Ukraine dès maintenant, il serait totalement irréaliste de voir des forces prorusses entrer dans le nouveau Parlement — il n'en existe tout simplement pas en Ukraine aujourd'hui. Une autre question est de savoir dans quelle mesure cela est compris à Washington. Peut-être s'agit-il simplement d'une ruse pour attirer Moscou dans un processus de négociation, afin de la punir ensuite pour son intransigeance.

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