Cet éveil national s'est articulé autour de l'adoption unanime du drapeau guyanais et la réaffirmation d'une identité guyanaise intégrante. Cette prise de conscience collective s'est traduite dans les Accords de Guyane par la demande d'évolution statutaire.
L'adoption unanime du drapeau Guyanais
Le drapeau guyanais a été créé dans les années 60 et 70. Il est composé d'une étoile rouge sur fond jaune et vert. Le jaune et le vert symbolisent la richesse du sol et du sous-sol guyanais tandis que l'étoile rouge rappelle le principe d'émancipation sociale. Ce drapeau a été adopté depuis 40 ans par la principale centrale syndicale du pays à vocation indépendantiste, l'UTG. Le MDES en a fait son emblème depuis sa création il y a 25 ans. Le comité drapeau fait depuis le début un travail de terrain acharné pour la promotion et l'adoption du drapeau guyanais.
Le mouvement social du mois de mars et avril aura permis une adoption quasi unanime du drapeau Guyanais. La marche du 28 mars fut particulièrement nourrie de la bannière guyanaise. Plusieurs centaines de drapeaux flottaient sur l'énorme marche de Cayenne. Par la suite dans le mouvement on le retrouvait partout, sur les piquets de grèves, les barrages, les véhicules etc... Le drapeau guyanais fut hissé sur le fronton de l'hôtel de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) en présence de son Président qui avait jusque là refusé avec acharnement que ce drapeau puisse cohabiter avec le drapeau français et le drapeau de l'union européenne. La bannière guyanaise flotta également sur le Rectorat de Guyane durant le mouvement. Enfin, lors de la signature des Accords de Guyane dans la Préfecture de Cayenne, le drapeau guyanais s'est imposé sur le devant de la table des officiels.
A l'issu de ce mouvement, le drapeau guyanais qui a pu faire l'objet de contestations par le passé semble s'être définitivement imposé comme repère identitaire. Le Kolectif Pou Lagwiyann Dékolé (KPLD) a d’ailleurs créé sont sigle sur la base de ce drapeau et le président de la CTG s'est engagé à ne pas retirer celui qui flotte sur l'hôtel de la collectivité.
L'avancée de l'identité guyanaise intégrante
Comme dans toute société qualifié de « post-coloniale », l'identité guyanaise est depuis longtemps l'objet de débats multiples. Entre assimilationisme et identité intégrante, l'identité guyanaise a souvent été l'objet de confusion. Ce mouvement sociale a permis l'expression de ces diverses revendications identitaires. On a ainsi vu ces deux conceptions identitaires s'affronter.
D'une part, les tenants d'une Guyane française, avec pour revendications le fait que les guyanais doivent avoir le même traitement que les français de métropole. Il ne conçoivent pas la Guyane en situation coloniale et considèrent les retards accumulés comme un « oubli » de la France. Cette vision de l'identité guyanaise est souvent compatible avec une démarcation forte entre français et étrangers mais empêche nullement la démarcation identitaire entre français de métropole et français de Guyane lorsque leurs propres intérêts économiques sont en jeux. Une large part de la bourgeoisie adopte se positionnement idéologique.
D'autre part, nous avons les tenants d'une identité guyanaise à part entière qui conçoit la population vivant sur le territoire guyanais comme une communauté de destin pour l'avenir d'une nation guyanaise. Cette vision de l'identité guyanaise s'accompagne de l’analyse coloniale de la situation guyanaise qui veut que le sous-développement économique soit une composante sin e qua none du colonialisme. L'identité défendu est largement intégrante et repose sur une vision internationaliste inscrivant la Guyane dans l'ensemble sud américain. Plusieurs intellectuels guyanais, ainsi que des militants luttes de classe et/ou indépendantistes défendent cette vision identitaire.
Dés le début du mouvement c'est la vision assimilationniste qui dominait les débats, notamment par l'intermédiaire des leaders des 500 frères, mais au fur et à mesure que le conflit avançait, la vision identitaire intégrante à gagné du terrain jusqu'à se traduire par « l'esprit du 28 mars » en référence aux énormes manifestations qui ont regroupé toute la Guyane dans la diversité de sa communauté de destin. A la fin du conflit, tout le monde concédait que la Guyane est un territoire avec de nombreuses spécificités économiques, géographiques, démographiques et structurelles et, par conséquent, que les lois françaises ne peuvent s'appliquer systématiquement sur le territoire. Cela à notamment permis que la modification statutaire s'impose dans les revendications du KPLD.
Notons toutefois que l'avancé de cette vision identitaire intégrante reste malgré tout fragile. En effet, a en croire le résultat des élections présidentielles française qui se sont tenu le lendemain de la signature des Accords de Guyane, la vision assimilationniste demeure encore forte. Ainsi, bien que seulement 40% du corps électoral se soit prononcé, la percé du FN à 25% qui a axé sa campagne sur la xénophobie et le sentiment d'appartenance à la France doit nous interroger. Assiste t-on à une radicalisation coloniale ? Doit-on y voir le résultat de l'amalgame habillement orchestré par une partie du mouvement social entre immigration et violence ? Ou s'agit-il d'un rejet de « l'esprit du 28 mars » qui a vu la communauté de destin main dans la main ? Dans tout les cas, la période qui s'ouvre doit voir l'engagement des forces progressiste afin de consolider cette vision émancipatrice qui s'est exprimée dans les rues de Guyane le 28 mars 2017.
Les perspectives d'évolution statutaire
Pour qu'une nation s'épanouisse, il lui faut un territoire et des règles des fonctionnements propre. Les frontières guyanaise qui ont fait l'objet de disputes coloniales durant plusieurs siècles sont stables depuis une centaine d'année. Cependant, lors de ce mouvement, une prise de conscience a émergé concernant le fait qu'un nombre important d'habitants transfrontaliers dépendaient également des structures guyanaises notamment sur le plan sanitaire et éducatif et que des coopérations internationales étaient nécessaires.
Dans un territoire administré par une métropole (ce qui est la définition d'une colonie), les règles de fonctionnements sont souvent inadaptés. Depuis le « non » au référendum de 2010 sur l'évolution statutaire de la Guyane vers l'article 74 de la constitution française, la question d'évolution statutaire était au point mort. Ce mouvement à donc permis de remettre en lumière l'inadéquation du statut « Domien » pour la Guyane. Les Accords de Guyane prévoient la tenue d'un congrès des élus de Guyane qui devront convoquer les États Généraux et se prononcer sur une demande d'évolution statutaire. Cette démarche s'annonce donc encore longue et aléatoire. Peut-être connaîtrons-nous de multiple rebondissements, comme lors de la précédente démarche d'évolution statutaire de 2001 qui, suite à une modification de la constitution, n'a permis la tenu d'un référendum que 10 ans plus tard. Peut-être, mais peut-on aller éternellement contre le cours de l'histoire ? Combien de temps encore la Guyane sera « la ultima colonia de America del sur », comme le disent nos voisins hispanophones ?